Expulsions locatives : pour une trêve sans fin ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Expulsions locatives : 
pour une trêve sans fin ?
©

Zone franche

S’indigner de la fin de la trêve hivernale sur les expulsions locatives, est-ce que c’est souhaiter qu’elle se prolonge au reste de l’année ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

La « trêve hivernale », cette période au cours de laquelle un locataire mauvais payeur ne peut être expulsé, s’achève et le débat annuel sur l’inhumanité des propriétaires est relancé.

C'est qu'il est sacrément miné, ce dialogue de sourds entre partisans de l’application stricte de la règle (« Mon appart, tu le payes ou tu le quittes ») et amateurs de flexibilité indulgente (« Mettre une famille entière sur le trottoir, vous êtes sérieux ? »). Et l’on tourne évidemment sept fois son clavier entre ses doigts avant de se ranger du côté des premiers, manifestement les affreux de l’histoire.

Mais quiconque admet le concept même d’un « marché » de l’immobilier concèdera qu’un contrat dont l’une des parties n’assume plus ses obligations doit pouvoir être dénoncé ― et le logement récupéré si c’est du locataire qu’il s’agit. On peut toujours rêver d’un monde sans propriétaires ni bailleurs, où chacun serait logé en HLM, un peu comme d’autres rêvent d’un monde sans licenciements où chacun serait fonctionnaire, mais dans l’attente de cet Éden collectiviste…

A y regarder de plus près, l’altermonde n’est d’ailleurs pas si loin : sur quelque 115 000 décisions d’évictions annuelles, 12 000 à peine sont exécutées. Pour un parc de près de 5 millions de logements locatifs privés, ça sonne plus marginal que tsunamique. Et si l’on se préoccupe légitimement du sort d’un locataire en difficulté, celui d’un propriétaire dont les traites continuent à courir pendant la trêve n’a pas l’air d’émouvoir autant.

Sans aucun doute, c’est l’honneur d’un pays comme la France de s‘être doté d’un mécanisme pareil, interdisant de flanquer qui que ce soit à la porte lorsqu’il fait un temps à ne pas mettre un surendetté dehors. Chez certains voisins, on n’a pas forcément ces réflexes. Mais prôner la transformation d’une pause saisonnière en dispositif permanent, c’est faire de la démagogie plus que de la politique. Exiger de propriétaires privés qu’ils prennent le relais des insuffisances de l’État en matière de logement des plus démunis, c’est au mieux injuste et au pire un excellent moyen d’aggraver la pénurie si mettre un appartement en location devient trop risqué.

Une trêve, c’est une grande idée, mais justement parce que ce n'est qu'une trêve.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !