Exposition au porno : les enfants (et Billie Eilish) ont un message que les parents devraient absolument écouter<!-- --> | Atlantico.fr
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Billie Eilish se produit lors du festival Music Midtown à Piedmont Park, en septembre 2019, à Atlanta. La star vient de révéler qu’avoir regardé du porno à 11 ans avait « détruit son cerveau ».
Billie Eilish se produit lors du festival Music Midtown à Piedmont Park, en septembre 2019, à Atlanta. La star vient de révéler qu’avoir regardé du porno à 11 ans avait « détruit son cerveau ».
©SUZANNE CORDEIRO / AFP

Arme de destruction massive

La pop star américaine vient de révéler qu’avoir regardé du porno à 11 ans avait « détruit son cerveau ». Une vaste étude britannique révèle par ailleurs que les enfants souhaitent que leurs parents leur parlent plus tôt sur le sujet.

André  Corman

André Corman

Le Docteur André CORMAN est médecin sexologue et andrologue et directeur d'enseignement à la Faculté de Médecine Toulouse III

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Atlantico : La popstar américaine Billie Eilish vient de révéler qu’avoir regardé du porno à 11 ans avait « détruit son cerveau ». Quels sont les risques d’une exposition précoce aux contenus pornographiques ?

André Corman : Les risques de cette exposition tiennent à la période sensible de construction de la sexualité à laquelle elle va s’opérer et, par là même, en influencer le développement. En fait, si la sexualité est parfaitement naturelle, elle n’est pas naturellement parfaite, surtout celle dont on parle lorsque l’on évoque le bien-être, l’épanouissement, le plaisir et l’amour. Cette sexualité-là est œuvre humaine. Comprenons : le petit humain vit son existence faîte de sentiments, d’éducations, de rencontres, de relations, de succès, d’échecs, de maladies … et chaque évènement qui émaille son existence va s’enregistrer dans deux « disques durs » : l’un est celui de l’émotion - cet évènement s’enregistre brutalement sans le relativiser, le contrôler - et l’autre est celui du cognitif – il permet de poser, comprendre et relativiser cet évènement – C’est à ce moment de sa vie que le petit humain va édifier ce qui, à ses yeux, est sexuellement bon ou mauvais, propre ou sale, normal ou anormal, masculin ou féminin, érotique ou obscène. La consommation de pornographie pendant cette période de construction émotionnelle et cognitive peut « casser le cerveau » pour reprendre les propos de Billie Eilish en façonnant le langage de l’esprit comme celui du corps du jeune par son adhésion aux stéréotypes pornos. Le premier risque, c’est de croire que la sexualité, c’est ce qu’il ou elle voit, en quelque sorte une éducation par la pornographie. Et c’est ainsi que des images brutales, alors que vous ne savez rien de la sexualité, vont déclencher un émotionnel négatif déclenchant des processus phobiques par rapport au sexe. Cette patiente à qui, à 11 ans, on montre en gros plan une double pénétration et qui aura des conséquences aussi grandes qu’un abus sexuel. Et que dire des anxiétés de performance chez les garçons qui pensent qu’ils n’y arriveront jamais et qui consomment sur internet Viagra*, Cialis* et consorts. Et que dire sur la construction du consentement, pourtant pilier de notre éthique sexuelle, avec ces les garçons, de plus en plus jeunes, qui veulent imposer des pratiques dont les filles ne veulent pas et ces filles qui ont peur d’être rejetées si elles ne se soumettent pas. Comment comprendre que dans la vraie vie les relations sexuelles nécessitent respect, connaissance de l'autre, dialogue, caresses...tout un rituel presque sacré fait de sensations agréables, de sentiments, de complicité partagée par des partenaires consentants.

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Le deuxième risque tient au vecteur d’exposition à savoir des signifiants majeurs de notre époque, si populaires à cet âge, comme la technologie, les écrans, le virtuel et la performance. Alors que la modernité menaçait de ringardiser la pornographie, elle en devient un des visages. Les outils connectés ont fait naître une nouvelle génération d’utilisateurs, puisqu’à côté de l’usage passif de la pornographie, nous avons aujourd’hui un certain nombre de jeunes qui en sont aussi devenus acteurs, avec l’usage des Sexting (échanger des messages, photos et vidéo à caractère sexuel), Live show sexuel (faire un

Strip-tease ou un spectacle érotique devant sa webcam), Sextape (tourner une vidéo porno maison), Revenge porn (se venger de l’autre en postant des photos porno de lui (elle) sur les réseaux sociaux, Les réseaux sociaux sont particulièrement impliqués dans ces risques que sont le développement du cybersexisme et du cyberharcèlement. Et bien sur des addictions et cette consommation itérative a des conséquences non seulement sur leur image, mais aussi sur leur vie quotidienne en les mettant en danger au niveau scolaire d’autant qu’une trop grande consommation les isole et prend le dessus sur la vie personnelle.   

Une étude britannique par le Children’s Commissioner for England a recueilli le ressenti d’adolescents et de jeunes adultes concernant le porno. Ces derniers estiment qu’il faut que les parents parlent tôt de ce sujet à leurs enfants puisque ces derniers s’y retrouvent confrontés par eux-mêmes très tôt (la moitié des enfants de 11 ans en auraient déjà vu). A partir de quel âge est-il souhaitable pour les parents d’aborder le sujet de la pornographie avec ses enfants ? Surtout, comment s’y prendre ?

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Un des dangers majeurs que ces jeunes expriment bien, c’est de n’avoir personne à qui en parler alors même qu’ils sont souvent confrontés à ces images sans l’avoir décidé eux-mêmes. Eh oui, aujourd’hui, malgré un système de valeurs où le sexe est considéré comme une occasion privilégiée d’embellir et de dynamiser la vie et où on s’occupe même de sa santé, tout n’a pas changé dans la planète sexe. La honte et l’ignorance l’accompagne toujours avec son cortège de frustrations. C’est l’ignorance qui fait le lit des victimes ! Alors, parents, ne fermez plus les yeux ! L’utilisation des écrans comme de son immense contenu sexuel (le porno représente 30 % du total des données transférées via l’Internet.) doit totalement s’intégrer dans l’éducation de tout jeune. Mais, quand et quelle éducation ? Quand ? Pour les parents, il me semble que l’entrée en collège correspondant en plus à l’âge de la puberté est un bon moment. Comment ?

Les parents sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants.

Mais il n’est pas toujours évident pour beaucoup d’aborder la question sexuelle pour des raisons qui tiennent parfois à leur propre rapport à la sexualité ou à la façon dont eux-mêmes ont découvert la sexualité ou même à leur propre utilisation de la pornographie. Peut-être doivent-ils en parler sans lui demander directement s’il va sur les sites pornos en utilisant des biais, qui peuvent déclencher une conversation. L’essentiel est de montrer que la porte est ouverte à la discussion en essayant de diminuer la honte et la peur d’être intrusif. Une éducation/ formation en direction des parents pourrait être mise en place par les associations de parents d’élèves pour faciliter le savoir-faire et être pour leur faciliter la démarche. L’utilisation de supports peut être utilisé et savoir laisser trainer les bons livres à la portée de l’enfant est toujours une bonne chose.

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Les parents doivent surtout être accompagnateurs et supporters de l’éducation qui devrait être pratiquée à l’école depuis le CP (cycle 2, le cycle des apprentissages fondamentaux) avec un contenu progressif et adapté à chaque cycle scolaire. Le milieu scolaire offre un cadre plus officiel d’apprentissage par rapport aux autres agents d’éducation sexuelle que sont la famille, les amis et les médias. Cette éducation sexuelle ne peut se résumer à des mises en garde qui occultent l’apprentissage du plaisir sinon, c’est dans la pornographie que les jeunes vont le chercher.

Comment détecter une potentielle dépendance chez les plus jeunes ? Quels conseils donneriez-vous aux parents pour protéger leurs enfants ?

On dit qu’il vaut mieux prévenir que guérir et c’est ce qui doit guider les parents. Les signes sont complexes mais connus : déconnexion aux autres et au monde, isolement, rupture du lien social, perte d’estime de soi ou au contraire hyper-narcissisme, dépendance aux jeux vidéos et surveiller la possibilité d’un cyber harcèlement.

Mes conseils aux parents : ne pas avoir peur d’être fermes, s’informer et se former le mieux possible et ne pas hésiter à faire fonctionner une vraie empathie, à savoir se mettre à la place de l’autre mais savoir reprendre sa vraie place pour offrir sa compétence à celui ou celle qui est en train de la construire.

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