Etats-Unis : plus que cinq jours avant la "falaise fiscale"<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus que cinq jours pour que Barack Obama trouve un accord sur la dette américaine...
Plus que cinq jours pour que Barack Obama trouve un accord sur la dette américaine...
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Trans-Amérique Express

Les négociations entre la Maison Blanche et le Congrès pour éviter au pays une "falaise fiscale" ont échoué. Intransigeance ou irresponsabilité ? Les élus américains ne cessent de repousser à plus tard les décisions difficiles.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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"Il ne faut jamais remettre au lendemain ce que l’on peut faire le… surlendemain". Cette maxime que l’on doit à Oscar Wilde pourrait être inscrite en lettres d’or à l’entrée du Capitol de Washington, les élus du Congrès américain l’appliquant à merveille.

Ainsi, avant de partir en vacances pour Noël, les Représentants ont convenu de remettre à plus tard leur décision sur la fameuse "falaise fiscale". Plus tard, c’est-à-dire sans doute jamais. Car à leur retour de vacances, il restera cinq jours avant que la session parlementaire ne s’achève et qu’un nouveau Congrès (celui élu le 6 novembre avec 80 nouveaux arrivants) ne prenne le relais. Cinq jours pour trouver un accord qui leur échappe depuis des mois. Autant ne pas y compter.

Pourtant la décision attendue est importante. Cruciale même pour l’avenir immédiat des Etats-Unis. Car si rien n’est fait, des hausses d’impôts généralisées seront automatiquement mises en place, et des coupes autoritaires dans le budget prendront effet immédiatement. Une ponction supplémentaire de quatre mille dollars par foyer américain et cinq cents milliards d’économies budgétaires, la moitié du déficit. Avec des conséquences potentiellement désastreuses sur l’économie américaine… D’où le terme de "falaise fiscale" employé par les médias et la classe politique pour évoquer cette éventualité.

Ce choc annoncé n’est pas nouveau. Il est le résultat à la fois de déficits accumulés qui ont creusé une dette publique, désormais supérieure au PIB (16 "trillions" de dollars soit seize mille milliards de dollars), et de dépenses publiques que le Congrès a été incapable de restreindre année après année. En août 2011, le pays a failli se retrouver en défaut de paiement, faute d’un accord entre le Congrès et la Maison Blanche pour relever le plafond de la dette américaine. Ce blocage politique avait conduit à une dégradation de la note de la dette américaine et la perte historique du fameux Triple A.

Les élus et l’administration s’étaient alors promis de parvenir à une décision avant le 31 décembre 2012, faute de quoi, la "falaise fiscale" règlerait le problème… La  date limite avant ce grand saut est lundi soir à minuit !

Au lendemain de la réélection du président Obama, le 6 novembre, nombre d’observateurs ont dit ou écrit que les élus et l’administration allaient enfin parvenir à un accord. Parce qu’ils "n’ont  plus le choix", et que les risques associés à un échec sont "trop grands", pouvait-on lire. Je n’avais pas partagé cet optimisme. Dans ma chronique Trans Amérique Express du 14 novembre "Barack Obama parviendra-t-il à un accord pour éviter la falaise fiscale", je soulignais que les négociations avaient jusqu’à présent achoppé sur la question des hausses d’impôts. Les Républicains étant opposés à un relèvement des taux, quels que soient les revenus, et les Démocrates étant intransigeants sur le relèvement du taux de la plus haute tranche, celle concernant les revenus supérieurs à 250 000 dollars par an, de 36% à 39%. Rien ne permettait de penser que les Républicains se monteraient plus conciliants sur ce point et les démocrates moins intransigeants.

Les évènements viennent de démontrer que cette prudence était justifiée. Les discussions ont été suspendues, sans qu’un accord ait été trouvé et c’est bien la question des hausses d’impôts qui a précipité leur échec.

Dans un premier temps la Maison Blanche a proposé quatre cents milliards de dollars d’économies en échange d’un relèvement du plafond de la dette et de 1,6 trillions de dollars (mille six cents milliards) de dépenses supplémentaires sur dix ans. Cet argent emprunté devant être consacré à des investissements publics pour soutenir la relance de l’économie. Ainsi une négociation visant à réduire le déficit et la dette commençait par une nouvelle demande d’emprunt, équivalent à 10% de cette dette…

Les Républicains ont rejeté cette proposition arguant du rapport de « un à quatre » entre "économies" et "nouvelles dépenses". La Maison Blanche a alors ramené ses prétentions  à 1,2 trillions. Même rejet. John Boehner, le « speaker » de la Chambre des Représentants a alors proposé "800 milliards de nouvelles dépenses", en échange de coupes équivalentes, de façon à maintenir un rapport de « un à un » entre dollars dépensés et dollars encaissés. La Maison Blanche a refusé. Les négociations étaient dans l’impasse.

Pour les débloquer, sans céder à la Maison Blanche, John Boehner s’est alors rabattu sur un "plan B". L’idée était pour les Républicains d’accepter de relever les taux d’imposition des ménages gagnant plus de 1 million de dollars par an mais de n’accorder aucune dépense supplémentaire au gouvernement. Avec pour résultat une baisse nette du déficit puisque de nouveaux dollars entraient en caisse quand aucun en sortait. Informé de la manœuvre, le président Obama en aurait été "rouge de colère"… Mais l’aile radicale du parti républicain lui a sauvé la mise en rejetant la proposition de son chef. John Boehner, incapable de réunir un nombre de voix suffisant pour faire voter son texte, l’a tout simplement retiré. Échec total. Impasse totale.

C’était le 21 décembre. Le 22, les « Congressmen » partaient en vacances. Demain, jeudi 27, tout ce beau monde doit se retrouver pour une session de la dernière chance. Un accord global est désormais hors de portée. Mais un accord partiel, qui éviterait la "falaise fiscale" et repousse un accord définitif à plus tard demeure possible.

Les démocrates et le président sont désormais en position de force. L’échec du "plan B" a mis à jour la division du camp républicain et fragilisé leur leader, John Boehner. Les discussions vont vraisemblablement se concentrer sur le Sénat, où les démocrates ont la majorité. Le vote d’une mesure d’urgence, évitant des hausses d’impôts sur les revenus inférieurs à 250 000 dollars, comme le souhaite le président Obama, mais repoussant un accord "global" de réduction du déficit à… plus tard, est probable d’ici lundi.

Ainsi la falaise fiscale sera évitée, au moins partiellement, et les décisions difficiles une nouvelle fois repoussées à… demain ou après-demain.

Les élus du Congrès feront ainsi honneur à la maxime d’Oscar Wilde. Le dramaturge irlandais affirmait aussi qu’il pouvait "résister à tout, sauf à la tentation" ! Une maxime qui sied aussi à un Congrès capable de résister à tout sauf à la tentation de ne rien faire.

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