Etat d’urgence : affichage politique sur la fermeté du gouvernement ou reconnaissance du fait que la sécurité même de l’Etat est menacée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans le cadre de l'état d'urgence, certain monuments sont restés fermés ce samedi, comme la Tour Eiffel.
Dans le cadre de l'état d'urgence, certain monuments sont restés fermés ce samedi, comme la Tour Eiffel.
©Reuters

Effet réel

L'état d'urgence a été décrété vendredi sur l'ensemble du territoire pour la première fois depuis la guerre d'Algérie.

Alain Chouet

Alain Chouet

Alain Chouet est un ancien officier de renseignement français.

Il a été chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE de 2000 à 2002.

Alain Chouet est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam et le terrorisme. Son dernier livre, "Au coeur des services spéciaux : La menace islamiste : Fausses pistes et vrais dangers", est paru chez La Decouverte en 2011.

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Atlantico : Le Président de la République a décrété l'Etat d’urgence vendredi 13 novembre. Cette mesure relève-t-elle davantage d'une démonstration de fermeté de la part du gouvernement, ou est-ce la reconnaissance du fait que la sécurité même de l’Etat est menacée ?

Alain Chouet : C'est en réalité un peu des deux. Le fait de décréter l'état d'urgence ouvre de nombreuses possibilités sur le plan juridique aux pouvoirs publics. Perquisitions, manifestations restreintes… Il a à la fois l'avantage de rassurer un public légitimement ému, et de renforcer les moyens de l'efficacité des forces de l'ordre.

Mais nous sommes quand même loin de l'étape qui suit l'état d'urgence qu'est l'instauration de la loi martiale. Nous n'avons pas en face de nous une armée conventionnelle, mais composée de terroristes. Aucun filet n'aura les mailles suffisamment fines pour empêcher des groupes de deux, trois, quatre personnes de passer à l'action.

Dans le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, il est écrit qu'un état d'urgence peut être mis en œuvre "dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation". Concrètement, où la nation se trouve-t-elle menacée ? L'Etat peut-il toujours assurer la sécurité du territoire ? Où ne le peut-il pas ?

On ne peut pas dire que l'état n'a plus la main sur le territoire même si dans le même temps, l'ensemble du territoire est bel et bien menacé. Si on regarde les événements de Paris de manière froide, c'était une opération qui vue d'un œil professionnel n'est pas une opération très sophistiquée bien que dévastatrice. Au stade de France par exemple, les trois attentats-suicides ont été commis aux abords du stade, car ils n'ont pas pu passer les barrières de sécurité.

Pour autant, l'Etat, même s'il a demandé la fermeture des frontières, ne détient pas les forces vives suffisantes pour les contrôler réellement. C'est en ce sens que l'on peut dire que les frontières de la France sont compromises. D'autant que les terroristes trouveront toujours un moyen d'éviter un poste de contrôle.

Comme je le disais, tout est menacé sur le territoire, il n'y a pas d'endroit sanctuarisé. Le terroriste qui veut faire un maximum de victimes ira dans le métro, dans des manifestations publiques, des endroits par définitions difficiles à sécuriser car il n'est pas possible de mettre un gendarme derrière chaque individu.

Le plan multi-attentat mis en place vendredi soir, et qui consiste à "prévoir" tous les risques d'attaques est par essence illusoire. Il permet de mobiliser plus de forces, comment ce plan vigipirate renforcé pourrait-il surveiller toutes les gares, tous les bus, tous les supermarchés ? Les terroristes ont l'avantage de la surprise.

L'idée est quand même d'avoir un dispositif policier militaire de santé capable de faire face à plusieurs attaques en même temps. Oui l'Etat est menacé, la nation est menacée, les Français est menacée, et c'est ce qui est censé répondre.

L'idéologie, la stratégie de l'EI c'est de faire un maximum de morts. Tout est visé, il n'y a pas d'endroit plus sûr que d'autres. 

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