Et si les investisseurs s’intéressaient aux entreprises en fonction de leur contribution à la souveraineté nationale.... <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Et si les investisseurs s’intéressaient aux entreprises en fonction de leur contribution à la souveraineté nationale....
Et si les investisseurs s’intéressaient aux entreprises en fonction de leur contribution à la souveraineté nationale....
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Pour certains investisseurs, il y a désormais les entreprises qui rendent service à la France… et les autres. La puissance de l’Etat et les milliards d’euros d’une relance nationale sont sans doute importants, mais le rôle des entreprises pour protéger la souveraineté est incontournable.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

Voir la bio »
Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Au travers des défauts de masques, de tests et de vaccins, la pandémie et la nécessité de défendre contre le Covid ont mis en lumière l’importance de la souveraineté nationale. Si nous avions eu des masques, des tests et surtout des vaccins, on aurait pu mettre en place une politique stratégique de la santé un peu plus efficace. La pandémie a montré que la mondialisation accélérée pouvait nous mettre en position de ruptures d’approvisionnement.

Dans le même temps, des investisseurs qui s’intéressaient déjà à la capacité des entreprises à lutter contre le climat ont découvert que la capacité à contribuer à la souveraineté et à l’indépendance était aussi un critère de fonctionnement très important.  

C’est notamment l’angle qu’a choisi le cabinet Vélite, un cabinet de conseil qui réalise des prestations d’intelligence de marché pour accompagner les entreprises dans leur développement international, pour son premier baromètre de la souveraineté des entreprises.

Le cabinet Vélite a donc établi un classement des grandes entreprises françaises en fonction de leur contribution à la souveraineté économique française. La souveraineté économique, que les auteurs du rapport définissent comme le fait d’"augmenter et de protéger la puissance économique d’un Etat de telle sorte qu’elle bénéficie à l’ensemble de sa population et de ses territoires". Il faut non seulement que l’entreprise soit puissante, enregistre des bons résultats, mais que cela profite à son pays. Il y a donc des secteurs qui jouent le jeu, et d’autres moins.

À Lire Aussi

Mauvaise nouvelle pour la relance : cette guerre des nerfs qui pourrait affaiblir les efforts de la BCE pour soutenir l’économie

Trois dimensions ont été prises en compte pour établir ce classement : 

Une dimension offensive, qui mesure le hard power de l’entreprise, sa part de marché au niveau international par rapport à ses concurrentes, son profit et chiffre d’affaires et son innovation. Le degré d’innovation est mesuré par les montants investis en R&D. Plus l’entreprise innove et plus elle contribuera à la puissance française.

Une dimension défensive, et l’indépendance vis-à-vis des puissances étrangères. L’actionnariat français est donc valorisé dans ce classement, ainsi que le fait d’avoir un actionnariat familial parce qu’il verrouille les parts et empêche les potentialités de voir se réaliser une OPA, un rachat par une puissance étrangère. Sont également valorisés le fait d’avoir un top management français et la réputation de la marque (soft power). Quelle image de la France véhicule l’entreprise ?

Une dimension solidaire et territoriale, qui est déterminée par sa présence régionale, sa contribution à la vitalité des territoires. Les entreprises qui produisent en France sont avantagées, celles qui créent de nouveaux emplois en France, mais aussi celles qui savent faire travailler un écosystème de PME françaises.

Voici donc les 5 premières entreprises qui participent le plus à la souveraineté économique française :

  1. Thalès est le grand gagnant. L’entreprise est la plus régulière et la plus performante dans les trois dimensions, notamment en recherche où elle dispose de 33 000 ingénieurs et investit 4 milliards d’euros par an. Elle fait travailler autour d’elle 3000 PME et ETI.
  2. Safran. Numéro un des dépôts de brevets, Safran est également une entreprise très indépendante. Le secteur des hautes technologies, considéré comme stratégique, impose une certaine protection de la production, et donc des liens plus forts avec le pays d’origine.
  3. Total se démarque sur le plan de la puissance économique et bénéfice d’une bonne image à travers le monde.
  4. Orange, de par ses innovations technologiques et son implantation mondiale
  5. LVMH bénéficie d’un actionnariat familial très fort, comme d’autres marques du luxe, ce qui contribue à la préservation de sa puissance. Sachant que les produits LVMH véhiculent l’image de la France a l’étranger.

Et le reste du classement :

À Lire Aussi

Malgré (ou grâce à) la crise du Covid, les milliardaires français grimpent encore dans le classement Forbes des riches du monde
  1. Michelin
  2. Dassault Système
  3. Engie
  4. Crédit Agricole
  5. Stellantis
  6. Bouygues
  7. Sanofi
  8. L’Oréal
  9. Renault
  10. Carrefour
  11. Vinci
  12. Saint Gobain
  13. Veoli
  14. Hermès
  15. BNP Paribas

En bons derniers, on retrouve soit des entreprises qui communiquent très peu sur leur présence en France (Publicis), soit des groupes qui ont choisi de couper récemment des centres de production en France (Arcelor Mittal). Mais au fond de la classe, nous avons aussi des entreprises qui, pour profiter de la mondialisation, ont fracturé leurs chaines de valeur. Dans l’automobile par exemple, l’aéronautique, les produits de marque française se composent d’éléments qui viennent du monde entier. Cette fracturation de la chaine de valeur, qui contribue à augmenter la compétitivité du produit sur les marchés internationaux (parce qu’il est sans doute moins cher) met le secteur en risque de panne en cas de problème chez un fournisseur.

A travers ce classement, on peut faire trois remarques :

D’abord, la question de la souveraineté économique s’est imposée au cours de ces derniers mois. Au début de la crise, les Français se sont rendus compte d‘une dépendance excessive de l’étranger : en matière de masques, en matière de médicaments… Non seulement une grande partie de la production n’était plus localisée en France, mais la France n’arrivait pas à peser suffisamment par rapport aux autres puissances pour être approvisionnée en temps et en heure.

Ensuite, la crise n’a pas provoqué l’immobilisme des entreprises ou leur destruction. Il y a des projets d’investissement gelés,  puis  retardés …mais les grosses opérations - fusions, rachats, développement de nouveaux produits - continuent de se faire. Les actifs de productions fonctionnent ou peuvent fonctionner.

À Lire Aussi

Pour la Cour des comptes, « le Covid » a servi d’open-bar à l’administration qui a laissé glisser les dépenses sans rapport avec le virus

Enfin, l’opinion publique a compris que l’avantage du prix sur les produits issus de la mondialisation pouvait tomber en cas de rupture d’approvisionnement. Le consommateur est plus enclin qu’avant à payer plus cher du « made in France » que du « made in China ». Quand il a le choix évidemment. Et il a le choix dans l’agro-alimentaire. Parce que s‘il existe une famille de produits qui pourrait être majoritairement produite et consommée en France, ce sont bien les produits alimentaires. Quand ils viennent des quatre coins de la planète, ces produits alimentaires restent cher, leur transport émet des tonnes de CO2 alors qu’ils sont considérés comme des produits essentiels donc stratégiques. Contribuer à garantir la sécurité alimentaire d’une population contribue évidemment à la souveraineté nationale.

Si la sécurité de l’approvisionnement national au même titre ou presque que les critères de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) entrent en ligne de compte dans les choix de l’investisseur, au côté des arguments purement financiers (rentabilité, profitabilité et dividende), le système capitaliste ne changera pas de nature mais son acceptabilité par les consommateurs, les salariés et les actionnaires en sera accrue et confortée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !