Et si le plus grand rival d’Elon Musk était Volkswagen ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Et si le plus grand rival d’Elon Musk et de Tesla sur le marché des véhicules électriques était Volkswagen ?
Et si le plus grand rival d’Elon Musk et de Tesla sur le marché des véhicules électriques était Volkswagen ?
©JENS SCHLUETER / AFP

Véhicules du futur

Volkswagen pourrait réellement concurrencer Tesla au niveau mondial sur le marché des véhicules électriques.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

Voir la bio »

« Nous aurons la voiture électrique le jour où l’on aura découvert le moyen de produire l’électricité dans le véhicule lui-même, le jour où l’on nous donnera une pile primaire assez puissante.
Qui nous donnera cette pile primaire ? Ce sera la fortune pour l’inventeur, en même temps que la révolution radicale dans I'industrie automobile, dans la locomotion et la traction mécanique sur route comme sur rail. »

Paul Meyan, La France Automobile, 1896

Jean-Pierre Corniou : Tout était dit dès la fin du XIXe siècle. La clef de la voiture électrique, c’est la production d’électricité à bord, soit à partir d’une batterie suffisamment capacitaire, soit à partir d’un générateur, qui est aujourd’hui la pile à combustible à hydrogène. La conversion à l’électricité de l’industrie automobile, dont la prospérité est le fruit de la maîtrise patiente du moteur à exposition et de l‘abondance et de la facilité d’usage d’un carburant à fort pouvoir énergétique, le pétrole, est une hypothèse qui fut longtemps hautement improbable. En deux décennies, ce pari des premiers pionniers est en train de se concrétiser.

Atlantico : Plus grand vendeur de véhicules à batterie d’Europe, Volkswagen est-il en bonne voie pour concurrencer Tesla au niveau mondial ? Que lui manque-t-il pour y parvenir ?

Jean-Pierre Corniou : Si le nom d’Elon Musk ne rejoindra jamais au firmament de la notoriété scientifique celui de Nikola Tesla, savant et génial inventeur à l’origine du développement des usages de l’électricité, mais qui a fini ruiné, il dépassera certainement celui de ces prédécesseurs qui se sont battus, dès l’origine de l’automobile, pour essayer de la convertir à l’électricité. Ainsi, on se souviendra plus facilement du roadster Tesla envoyé vers les étoiles que des fiacres Krieger, des voitures de Charles Jeanteaud, des taxis American Electric ou même de la « Jamais contente » de Camille Jenatzy qui fut le premier véhicule terrestre à franchir en 1899 les 100 km/h, propulsée par l’électricité. Après tous les essais de ces pionniers du début du vingtième siècle, finalement infructueux faute de batterie suffisante, le pétrole a gagné pour 120 ans. Mais le vent de l’histoire automobile tourne.

À Lire Aussi

Et pendant ce temps, Tesla invente l'avenir de l'automobile

Car il est un point que l’histoire retiendra : c’est qu’en dépit des sarcasmes des constructeurs automobiles établis, la plupart centenaires, nourris par le moteur à combustion interne et enivrés par les vapeurs d’essence, c’est bien Elon Musk par son culot, ses extravagances et son opiniâtreté qui a converti « Das Auto » à l’électricité.  Il faudra aussi retenir qu’il a bénéficié dans cette tâche considérable d’une puissante complicité, celle du gouvernement chinois, qui a fait, depuis 2011, de la conversion de l’automobile à l’électricité sa priorité.

La décennie 2010 a été celle des tâtonnements d’un marché sceptique et d’une offre peu convaincante, en dehors de ce jeune constructeur marginal qu’était Tesla en 2010. La décennie 2020 sera celle de la croissance du marché et du développement d’une offre de véhicules électriques foisonnante. Il faut reconnaître que le paysage a subitement changé et que les annonces de tous les constructeurs frappent par leur détermination.

Les acteurs sont en place, et tous se lancent dans l’aventure électrique avec leur personnalité et leur histoire : les « anciens » comme General Motors, converti récent mais enthousiaste, les précurseurs, comme Renault et Nissan, qui n’ont pas encore su transformer l’essai en dépit de la réussite de Zoé et Leaf, les prudents, comme Toyota, les élèves sérieux et discrets, comme Hyundai ou PSA qui devra convertir ses nouveaux collègues au sein de Stellantis, les nouveaux venus ambitieux comme NIO, les constructeurs chinois en ordre dispersé…

À Lire Aussi

Ces voitures électriques dont tout le monde parle mais que si peu de gens achètent

Un acteur est devenu central dans cette course à l’électricité, et c’est évidemment Tesla, qui en s’approchant fin 2020 de la barre des 500 000 véhicules produits aux États-Unis et en Chine est définitivement sorti de la marginalité de constructeur de niche à laquelle les constructeurs historiques l’avaient condamné de façon un peu prématurée. De plus, pour piquer l’honneur de l’industrie automobile établie, Tesla s’offre le luxe d’une capitalisation boursière indécente autour de 800 milliards $, soit plus de 3,5 fois celle de son suivant immédiat, qui n’est autre que Toyota, premier constructeur mondial en 2020 et qui produit vingt fois plus de véhicules et six fois celle du Groupe Volkswagen. Le succès de Tesla, aussi tangible qu’il fut longtemps improbable, en fait aujourd’hui le concurrent à abattre. Il faut, à ce stade, mentionner un autre acteur clef de l’électrification : le régulateur. Sans la vigoureuse politique contre les émissions de CO2 engagée par les gouvernements de la planète à la suite des accords de Paris de 2015, l’industrie automobile n’aurait jamais consentie spontanément à opérer un tel virage, renonçant de fait à ce qui a été sa force et sa singularité, le moteur à combustion interne (ICE) pour adopter une technologie dont elle n’est pas à l’origine et qui la rend dépendante des producteurs de batteries.

Les spectaculaires annonces du président de Volkswagen de mars 2021 ne sont pas les premières. Le groupe Volkswagen a marqué son intention de devenir un leader de la voiture électrique depuis plusieurs années.

Atlantico : Quels sont les moyens mis en œuvre par Volkswagen ? Comparativement à la firme d’Elon Musk, quels sont ses atouts ?

À Lire Aussi

Une équipe internationale résout le mystère du stockage des batteries au lithium-ion et voilà pourquoi c’est une avancée majeure

Jean-Pierre Corniou : Volkswagen est un puissant groupe qui a réussi à porter ses douze marques au premier plan mondial pour la qualité et la renommée de ses véhicules grâce à une culture industrielle qui s’appuie sur la clef du succès, la standardisation. Toutes les voitures du groupe bénéficient d’une banque d’organes unique et peuvent être produites indifféremment dans les différentes usines du groupe. Cette organisation permet au groupe de disposer de la dynamique commerciale spécifique au positionnement marketing et à l’histoire de chacune de ses marques tout en s’appuyant sur une base industrielle et mécanique partagée. Mais le groupe a été ébranlé en 2015 par le « dieselgate » qui a mis en case sa réputation d’honnêteté et de rigueur. La stratégie de riposte, lancée en 2016, « Strategy together 2025+ » s’appuie sur la conversion du groupe à l’électricité par le lancement de 30 modèles électriques entre 2016 et 2025. Accélérant son rythme, Volkswagen a annoncé en 2018 une stratégie électrique encore plus ambitieuse, la Roadmap E, prévoyant le lancement de 50 modèles électriques et 30 modèles hybrides rechargeables avant 2025. Herbert Diess, président du groupe, a marqué son impatience devant les réticences internes et a encore pressé l’allure en expliquant à ses cadres que « l’ère des constructeurs de voitures classiques est révolue ». En 2030, 70% des voitures du groupe devraient être électriques.

Il est évident que l’histoire de Tesla est totalement différente. C’est une entreprise dont la culture est à l’origine celle de la Silicon Valley et qui a porté toute son attention à l’architecture électronique de ses véhicules et à la gestion informatique des batteries, points qui font sa force, plus qu’à la production de masse. Tesla a découvert toutes les difficultés de la production de masse avec la Tesla 3, mais les a maîtrisées.  Le pari, pour le moment réussi, de la Tesla 3 a été un virage critique pour le futur de la marque. C’est un modèle moins cher, plus compact, 4,69 m, que les prières Tesla S et X, aux dimensions intérieures généreuses et à l’esthétique dépouillée et futuriste. Car au milieu de la planche de bord trône la tablette numérique, symbole de Tesla, qui contrôle toute la vie du véhicule, ce que n’osaient pas encore faire les constructeurs automobiles traditionnels attachés aux boutons historiques. Tesla a bousculé ces traditions et comme cela a fonctionné auprès d’un public élitiste et technophile, ces choix ont piqué au vif les constructeurs premium comme Porsche, Mercedes, BMW qui se sont tous convertis à la planche de bord intégralement numérique. Ils ont tous également électrifié leurs véhicules grâce à l’hybridation mais sans renoncer totalement aux charmes du moteur thermique. Ce n’est qu’aujourd’hui que les constructeurs allemands se lancent complétement dans les véhicules électriques.

À Lire Aussi

Voitures électriques et climat : Tesla n’a pas envie d’en parler mais ses émissions de carbone vont augmenter de manière importante avec sa croissance

Volkswagen fait avec sa ligne de voitures électriques ID une révolution de même nature que Tesla. Avec ID.3, sur une plateforme spécifique, au design, avec la désormais symbolique grande tablette centrale de 10 pouces, et à l’habitabilité en rupture avec les traditions Golf, dotée de plus de 400 km d’autonomie, Volkswagen se dote avec ce véhicule des moyens d’écrire à nouveau l’histoire comme naguère avec la Coccinelle et la Golf. Mais n’arrive pas encore à effacer l’ironie d’Elon Musk qui a qualifié d’ID3 de « pas mal pour une non-sportive ».

A l’instar de Tesla, Volkswagen veut devenir un acteur majeur des batteries. En annonçant un plan de 25 milliards d’investissement avec la construction de six usines de batteries en Europe, à partir de 2023 et avec son partenaire Northvolt, le groupe frappe fort pour acquérir dans ce domaine critique son indépendance stratégique.

Atlantico : Volkswagen pourrait-il replacer l’Europe au centre du jeu, alors que Chine et Etats-Unis tirent la couverture industrielle à eux ?

Jean-Pierre Corniou :Le marché automobile est mondial et l’avenir des constructeurs se joue sur tous les continents. Bien évidemment, la Chine, le États-Unis et l’Union européenne en sont les marchés clefs. Après beaucoup de tergiversations, la conversion de l’industrie allemande à l’électricité, accompagnée par les autres constructeurs européens, est de nature à rééquilibrer le marché et à redonner à l’Europe toutes ses chances de conserver son rang dans cette industrie automobile qu’elle a inventée.  Mais elle devra en maîtriser tous els composants, batteries, moteurs, et surtout composants électroniques et logiciels.

Volkswagen dispose certes en Europe d’une trentaine d’usines majeures mais est devenu un constructeur mondial dont l’avenir se joue aussi bien en Asie et en Chine qu’aux États-Unis et en Amérique latine. Constructeur global, le groupe exploitera son avantage territorial en fonction de l’évolution des marchés. D’ores et déjà le groupe produit autant de véhicules en Chine qu’en Europe, et sa forte présence en Chine explique largement sa capacité et son empressement à se convertir à l’électricité, car ce n’est pas une option sur le marché chinois. Mais la place de l’automobile est telle en Allemagne, qui a quatre fois plus de salariés directs dans les usines automobiles que la France (882 000 contre 229 000 en 2018) qu’il serait impardonnable à Volkswagen auprès de l’opinion et des gouvernements de se désengager de l’Europe.  D’ailleurs le rival BMW a aussi décidé de se convertir à 100% à l’électrique et de transformer symboliquement son usine de Munich uniquement pour y produire des voitures électriques.

Le choix d’investir dans les usines de batteries en Europe consolide effectivement la place de l’Europe dans cette industrie qu’elle avait délaissé au profit de l’Asie et des grands acteurs que sont CATL et BYD en Chine, LG Chem en Corée, Panasonic et AESC au Japon.

Le groupe Volkswagen jette ainsi ses forces dans cette bataille de la voiture électrique. C’est une bonne nouvelle pour l’industrie européenne, mais il faudra aussi compter sur la capacité de riposte de Tesla qui a pris beaucoup d’avance sur la maîtrise des logiciels indispensables mais aussi de Toyota, qui après avoir été pendant 25 ans le leader de l’hybridation, a décidé récemment de mettre sa puissance au service des véhicules tout électrique.  Enfin notons aussi les annonces début 2021 de General Motors qui a fait de la voiture électrique sont ambition centrale avec 25 milliards $ d’investissements en 5 ans et une conception avancée de la modularité de ses véhicules, base de ses futurs produits.

Enfin, l’électrique ce ne sont pas que les batteries, mais aussi la pile à combustible à hydrogène pour laquelle les annonces des constructeurs et les engagements des pouvoirs publics se multiplient. La bataille sera vive et passionante.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !