Et si le gouvernement chutait sur le déficit et que le RN arrivait à Matignon : quel impact sur les finances publiques ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen s'exprimant à l'Assemblée nationale.
Marine Le Pen s'exprimant à l'Assemblée nationale.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Coût des réformes

Les LR n’excluant plus de voter une motion de censure sur les questions budgétaires, la perspective d’une potentielle dissolution plane sur le gouvernement.

Nathalie Janson

Nathalie Janson

Nathalie Janson est professeur associé d'économie au sein du département Finance à NEOMA Business School. Elle a obtenu son Doctorat en Economie à l'Université Paris I-La Sorbonne en collaboration avec le programme ESSEC PhD.

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Atlantico : Les Républicains envisagent de voter une motion de censure sur les questions budgétaires laissant planer la menace d’une dissolution. Si le Rassemblement national arrivait à Matignon, quel serait l’impact direct sur les finances publiques ? Quelles seraient les conséquences en termes de chiffres ?

Nathalie Janson : A l’heure actuelle, les chiffres concrets reposent essentiellement sur le chiffrage des mesures qui ont été proposées par Marine Le Pen lors de ses diverses interventions dans la presse, notamment via sa tribune dans Les Echos. Mais il y a une vraie différence entre la réalité et les promesses. En étudiant ses propositions, deux volets sont essentiels. Marine Le Pen veut montrer que le RN est attaché à la rigueur budgétaire. Son projet pour une meilleure gestion de l'immigration occasionnerait en réalité un coût de 16 milliards pour les finances publiques. L’objectif serait d’ailleurs pour le RN de baisser ce coût. Le programme économique du RN considère que le « retour sur investissement » n'est pas suffisamment important par rapport aux immigrés. A travers les chiffres du RN, Marine Le Pen voit la problématique de l'immigration sous un angle restreint. Elle ne s'aperçoit pas que l'immigration, au contraire, peut aussi résoudre beaucoup de problèmes, notamment celui parfois de l'inadéquation de la main d'oeuvre sur le marché du travail. Une partie de l'immigration occupe des emplois qui ne sont pas pourvus par ailleurs. L’immigration vient aussi résoudre des problèmes de pyramide des âges. L'immigration est plutôt jeune et cela peut donc potentiellement générer de la productivité sans laquelle le pays serait en panne puisque notre population est vieillissante. Cela se confirme d’autant plus au regard de l'évolution de l'immigration en France, qui est de plus en plus basée sur une immigration économique composée d’étudiants. Les derniers rapports de l'INSEE témoignent de ces tendances.

Le fait de vouloir freiner l’immigration aura forcément un coût pour les finances publiques. Mais cela pourrait avoir des conséquences négatives en réalité.

Marine Le Pen souhaite agir sur les dépenses publiques dans son programme. Elle a l’intention notamment de lutter contre la fraude fiscale et sociale. Ces mesures permettraient de récupérer une quinzaine de milliards d’euros pour les finances publiques.

S'il y a de la fraude, c'est justement parce que, parfois, il est plus avantageux pour chacune des parties de passer par une transaction au marché noir que de la faire directement. Le chiffrage dans ce domaine est délicat. Malgré les mesures du RN, il n’est pas sûr qu’il y ait une augmentation aussi sensible du recouvrement des recettes fiscales que ce qui échappe actuellement à l'Etat.

Marine Le Pen souhaite revenir à une souveraineté dans les échanges commerciaux et veut privilégier une approche protectionniste. Or, sur le plan des finances publiques, le protectionnisme n'est pas forcément une stratégie payante, d'autant plus si vous avez des problèmes de dette et de financement de la dette. Si vous commencez à faire du protectionnisme, il y a peu de chances que les investisseurs étrangers s'intéressent à vous. Ces mesures vont plutôt dégrader votre situation que l'améliorer. Les pays qui appliquent le protectionnisme commencent à mettre des normes ou des barrières pour  rééquilibrer les échanges. Ces pays seront considérés comme n'étant pas accueillants aux investissements étrangers. Ce choix risque d’être pénalisant au regard de notre dette aujourd'hui, avec le retrait de la banque centrale, avec la fin du quantitative easing, de l'assouplissement monétaire. Cela veut bien dire que les investisseurs étrangers vont jouer un rôle important dans le financement de la dette française. Comme la France est confrontée à des niveaux de déficits qui sont élevés, nous ne devrions pas suivre cette voie car cela conduira à un coût pour la dette qui sera plus élevé.

Au regard du programme du RN et des mesures proposées par Marine Le Pen, est-ce que la situation pour les finances publiques serait pire que les scénarios prévus en cas d’accession du RN à Matignon ?

La situation serait effectivement bien pire et entraînerait une perception négative du pays. Alors que la France fait partie de l'Europe, le fait de vouloir remettre du protectionnisme au sein de la zone euro va être très délicat. Cela va être perçu comme un retour en arrière, comme une politique qui s'inscrit à l'encontre des traités européens.

Quelles seraient la réaction des marchés financiers et ses potentielles conséquences sur les finances publiques en cas d’arrivée du RN à Matignon ?

Le risque majeur serait d’avoir des investisseurs étrangers qui ont moins envie d'investir dans la dette française. Cela conduirait à un renchérissement des taux d'intérêt. La charge d'intérêts augmenterait plus vite qu'elle n'a déjà augmenté puisqu’avec la hausse des taux, elle a déjà fortement augmenté depuis maintenant deux ans. Cela entraînerait une augmentation rapide du coût de la dette et pénaliserait fortement l’état des finances publiques, la charge de la dette serait plus élevée qu'aujourd'hui.

Le fait que la dette de la France soit moins préférée aux autres pourrait se traduire par un supplément de renchérissement des taux d'intérêt sur les marchés. Le spread envers la dette allemande augmenterait.

Quelles seraient la réaction de Francfort (BCE), de Bruxelles (la commission) et de l’Allemagne (les institutions seront-elles certainement beaucoup plus enclines à se montrer sévères avec la France si elle était dirigée par le RN ? La BCE notamment a est toujours montrée beaucoup plus dure avec l’Italie de Meloni qu’avec l’Espagne de Pedro Sanchez pourtant pas mieux gérée budgétairement) et quelles seraient les conséquences des sanctions des instances européennes à l’égard de la France ? 

La France se retrouverait alors dans un scénario similaire à d’autres pays européens avec des gouvernements nationalistes. La Commission européenne essayera de faire pression pour que les mesures appliquées ne soient pas aussi contraires aux traités, à l'esprit de l'Europe. Mais la BCE ne dispose pas de beaucoup de leviers de pression.

La Commission européenne aurait sans doute plus de latitude pour faire pression sur la France pour qu'elle ne fasse pas passer certaines mesures. Par exemple, au niveau du commerce, il y aurait des limites par rapport aux principes européens de libre-échange.

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