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Régime contre régime
Régime contre régime
©Reuters

Régime contre régime

La revue scientifique américaine Annual Reviews, en collaboration avec le Docteur David Katz, a comparé plusieurs types de régimes supposés nous assurer une meilleure espérance de vie. Et le résultat est sans appel : aucun régime excepté ceux constitués à partir de nourriture non-transformée industriellement n'émerge. Vraiment ?

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul est médecin nutritionniste. Il est membre du Think Tank ObésitéSIl a dernièrement écrit Le S.A.V. des régimes aux éditions Marabout.

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Atlantico : La revue scientifique américaine Annual Reviews a demandé au Docteur David Katz de comparer plusieurs régimes qui permettraient de se maintenir en bonne santé, notamment le régime paléolithique et le régime méditerranéen. Le résultat est sans appel : aucun régime n'est mieux que l'autre, excepté la nourriture non-transformée industriellement. Comment expliquer qu'on s'étonne encore de ce genre de conclusion ? 

Dr Arnaud Cocaul : C’est difficile à dire. Il existe trois régimes scientifiquement prouvés qui peuvent améliorer la longévité. Il y a le régime des adventistes du septième jour qui est le régime végétarien, le régime des centenaires de l’île d’Okinawa au Japon et le régime méditerranéen, composé entre autres de fruits secs et de noix, qui a été attesté l’année dernière grâce à une étude Predimed. Ces trois régimes ont fait leurs preuves et on sait aujourd’hui qu’ils limitent les maladies cardiovasculaires et diminuent la mortalité totale. Dire en revanche que le mieux est de ne s’arrêter que sur des produits non-transformés industriellement, je ne peux pas l’affirmer complètement non plus. Il est vrai qu’on doit lutter contre les graisses saturées car on sait qu’elles sont mauvaises pour notre santé. Mais dire qu’on doit revenir sur des régimes plus « naturels », comme ceux de nos ancêtres pour avoir une meilleure espérance de vie, c’est un peu tiré par les cheveux : on n’en a aucune certitude ! Par exemple, le régime paléolithique est un régime qu’on serait incapable d’assimiler aujourd’hui car notre tube digestif et notre flore bactérienne ont évolué, du fait de la modification complète de notre environnement.

Quels sont aujourd'hui les régimes les plus aberrants ?

Les régimes qui peuvent être potentiellement dangereux sont les régimes restrictifs car ils amplifient les troubles de comportement alimentaire et provoquent des phénomènes de compensation d’origine cérébrale, et donc centrale. Ce qui signifie que vous allez vous gaver d’aliments sur lesquels vous étiez frustrés pendant votre régime. Ils augmentent également la part de graisse profonde, c’est-à-dire que vous risquez de reprendre du poids au détriment de vos viscères.

Comment expliquer que les régimes continuent-ils de faire autant d'adeptes ? A qui profite le crime ?

Pour une seule et unique raison : ces régimes font perdre du poids rapidement. Or, les régimes méritent des efforts et prennent du temps, mais ça, personne ne veut l’entendre. C’est comme en économie, quand vous dites aux gens qu’il y aura de la sueur et des larmes, personne ne vous écoute. Les gens vont plutôt se tourner vers quelqu’un qui leur promettra des miracles immédiatement. Et ce crime profite à beaucoup de gens, notamment aux médias. Certains magazines vont mettre en une de leur numéro le nouveau régime Dukan. Mais lorsque vous interrogez leurs journalistes, ils sont parfaitement conscients des dangers de ce régime mais le publient malgré tout car ce sujet fait vendre. Et c’est pareil pour les pharmacies, les grands distributeurs et l’industrie agroalimentaire. C’est un véritable cercle vicieux : plus vous êtes audibles au niveau des médias, plus vous apparaissez comme sérieux, plus vous vendez et donc plus vous êtes à nouveau médiatisés.

Les autorités sanitaires devraient-elles faire preuve de davantage de fermeté à l'égard des régimes charlatans quand ils ne sont pas tout simplement dangereux ? Dukan a par exemple été radié de l'ordre des médecins, à quelles autres méthodes peut-on avoir recours ?

Oui, les autorités sanitaires devraient être bien plus fermes. Pour reprendre l’affaire Dukan, le Conseil de l’Ordre des Médecins aurait dû agir bien avant. Dernièrement, dans UFC-Que Choisir, une question a été posée au Conseil : « Pourquoi le Dr Dukan n’a pas été radié avant du Conseil de l’Ordre ? » La réponse est stupéfiante : « On ne s’attaque pas à des gens qui ont vendu 20 millions de bouquins ». Conclusion : plus on vend, moins on est critiquable. Il faut savoir en plus de cela que le Dr Dukan s’est radié lui-même. Le Conseil n’a pas réagi mais en réalité cela faisait cinq ans qu’il aurait dû être radié pour ses propos inadmissibles. Surtout que cela ne sert plus à rien maintenant étant donné qu’il a plus de 70 ans et qu’il prend sa retraite.

Une des méthodes pour lutter contre ça serait déjà de ne pas inciter les gens à faire de régime miracle mais les pousser à écouter des professionnels qui s’appuient sur ce qu’a publié la science. C’est-à-dire les régimes dont je vous parlais tout à l’heure, à savoir le régime méditerranéen, crétois, japonais, etc. Pourquoi eux ? Car ces régimes n’ont pas évolué car ils ont été prouvés et attestés scientifiquement. Ils ont peut-être subi quelques petites corrections mais autrement les études sont imparables quant à leur fiabilité. Il faut malgré tout aussi prendre en compte l’activité physique qui est un paramètre essentiel, mais ça c’est une autre histoire. Comme autre méthode, il faudrait aussi impliquer les autorités sanitaires et les politiques. Eux aussi doivent se mêler de santé publique mais pas dans un sens coercitif. Il faut cesser de toujours être dans le négatif et de taxer les aliments, fait que je considère comme étant une erreur fondamentale de prise en charge des problématiques du surpoids, de l’obésité ou de la malbouffe en France. Il faut au contraire avoir des incitations positives, comme des bons d’incitation à l’achat de fruits et légumes. Là, les gens viendront. Le contraire va produire un épiphénomène mais ne va pas corriger les mauvaises habitudes des Français. C’est pareil que pour la cigarette : l’Etat gagne de l’argent sur les cigarettes mais c’est aussi l’Etat qui finance la Sécurité sociale. En fin de compte, ce sont les cigarettes qui financent la prise en charge des maladies pulmonaires, ce qui n’a aucun sens ! On est dans une hypocrisie complète. Taxer ne sert à rien, il faut d’abord apprendre à manger. Certaines personnes vont manger du Nutella sans grossir car ils vont savoir le manger sans en abuser, tandis que d’autres vont s’en priver mais abuser sur l’huile d’olive car c’est bon pour la santé. Et ils vont penser bien faire ! Eduquer les gens sur les régimes est quelque chose de très compliqué car il faut avant tout avoir une démarche vertueuse et pour ce faire, il faut leur donner des repères qui soient entendus et positifs. Il faut donner envie aux gens de milieux populaires d’essayer. Il ne faut pas oublier cette problématique constante qui est que le surpoids et l’obésité se rencontrent davantage dans ces milieux-là, ces milieux qui n’ont pas de soucis d’éducation nutritionnelle car ils sont déjà éduqués. Ce serait éventuellement les distributeurs, l’agroalimentaire et les pouvoirs publics qui devraient agir. Les politiques ont toujours une visée à court terme, ils doivent toujours faire les choses dans l’urgence. Si on leur propose une idée comme celle des bons pour des fruits et légumes en insistant sur la réduction de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et le diabète que cela engendrerait, ils ne seront pas intéressés car les résultats ne seront visibles que dans vingt ans.

Se donne-t-on vraiment les moyens de lutter contre l'invasion de la nourriture transformée ? 

Il y a effectivement beaucoup de transformations mais il faut voir aussi dans quelle société nous évoluons. Aujourd’hui, les gens habitant les grandes villes ont de plus en plus de transport entre leur habitat et leur travail. Cuisiner chez soi est donc devenu un luxe, étant donné que les gens n’ont plus le temps. Il faut donc les amener à faire d’autres choix. Les produits transformés actuellement contiennent encore trop de sel et de graisses saturées et il faut toujours agir comme des agitateurs autour d’eux pour qu’ils en mettent moins. Je pense qu’il faudrait également une traçabilité qui soit plus nette. Il vaut mieux privilégier les labels, comme les labels rouges ou bio, et également que les gens aient une proximité avec les marchés locaux. S’ils ne peuvent pas, les surgelés restent une alternative, à condition que l’aliment ne soit pas transformé. L’idée est de se mettre à la disposition des gens et leur faire prendre conscience qu’on n’est pas contre la modernité mais qu’il faut apprendre à en décrypter les codes et à s’y adapter.

Les émissions culinaires pourraient-elles engendrer une prise de conscience à cet égard ?

Je pense qu’elles peuvent améliorer la prise de conscience. Il y a eu des émissions pas trop mal qui ont été faites mais il faut que la prise de conscience restent naturelle, il ne faut pas trop en faire. Il faut rester à disposition de la personne. Tout le monde ne peut pas toujours avoir une table bien préparée avec un repas qui prend un temps fou à faire. Il faut savoir se mettre à la place des gens qui, pour la plupart, n’ont pas le temps de vraiment bien cuisiner. Il faut proposer des plats simples et faciles à faire. 

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