A qui le tour ?
Et pendant ce temps là, la Belgique et les Pays-Bas se transforment en narco-states à nos portes
Quatre Néerlandais ont été récemment interpellés à La Haye pour avoir projeté d'enlever Vincent Van Quickenborne, le ministre de la Justice belge, qui lutte contre le trafic de drogue.
Xavier Raufer
Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date: La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers.
Le plus surprenant, ici, c'est justement la surprise - voire l'effroi - de grands médias et d'éminences politiques ou culturelles. Car cette affaire de "Narco-États" est tout, sauf un coup de théâtre. Voici 15 ans au moins, à l'école des commissaires de police de Saint-Cyr au Mont-d'Or, j'avais eu une session de cours (en anglais) avec une quinzaine de commissaires de police néerlandais pour qui, clairement, leur pays sombrait déjà dans un cauchemar criminel.
Toute révélation de la tragédie étant alors interdite par des médias enivrés par le "miracle néerlandais" et les coffee-shops sympa d'Amsterdam ; et bien sûr, par la libéralisation du cannabis, solution-miracle face à l'inepte répression de la toxicomanie. À cet effet propagandiste, ils invitaient - et eux seuls - de notoire hurluberlus ou escrocs, pieusement présentés comme autant d'infaillibles experts.
Le résultat de ce tropisme libertarien, on l'a aujourd'hui sous les yeux.
D'abord, ce en quoi toute l'histoire concerne directement la France : si le cannabis qu'on y fume vient du sud - Maroc, Espagne - les stupéfiants industriels, à base agricole (héroïne, du pavot, cocaïne de l'arbuste à coca), ou purement chimiques : fentanyl (opioïde), ecstasy et amphétamine (stimulants) arrivent d'abord par ces deux portes béantes que sont Rotterdam (Pays-Bas) et Anvers (Belgique).
- Le port d'Anvers, le 2e d'Europe, icône libérale du commerce à l'intégrale fluidité, fils chéri du mercantilisme sauce "École de Chicago", hors de toute notion de sécurité. Ce port est plus vaste (129 km2) que Paris (106 km2) ; il reçoit 12 millions de conteneurs par an dont 0,5% sont sérieusement fouillés ou scannés. De 2013 à 2021, les saisies de cocaïne y sont multipliées par 14 (de 4,7 tonnes, à 89 t.), trafic estimé à 50 milliards d'euros par an, 10% du PIB belge. Sur les quais, des dockers payés 2 000 euros par mois gagnent 50 000 euros en cash d'un coup, simplement pour livrer à qui de droit un conteneur suspect. Le libéralisme à l'américaine a imposé le culte du fric ? Il récolte ce qu'il a semé.
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De cette cocaïne inondant Anvers, seule environ 10% est saisie aux contrôles. Donc, au moins 800 tonnes, 800 000 kilos, y sont livrés PAR AN aux narcos, pour, ensuite, vente partout en Europe. Preuve de l'inondation : certes illicite, la marchandise-cocaïne subit les effets de la loi de l'offre et de la demande. Et pendant que M. Darmanin prétend "pilonner", partout en Europe et notamment en France, le prix au détail de la cocaïne BAISSE, preuve qu'elle abonde au point que les narcos, rivaux sur le terrain, en cassent les prix.
- Récemment aux Pays-Bas, les puissants caïds marocains du narcotrafic ont assassiné, en plein jour et dans la rue, un avocat et un journaliste, pour y imposer la loi du silence. Des écoutes téléphoniques montrent qu'aujourd'hui, ces caïds ciblent le premier ministre et la princesse royale de ce qui chaque jour, ressemble un peu plus à un narco-royaume.
De Disneyland à Medellin, des champs de tulipes aux labos de la drogue, de royaumes d'opérettes en inquiétantes zones grises, les Pays-Bas et la Belgique abritent toujours plus d'entreprises criminelles. Anvers et Rotterdam, bien sûr, portes d'entrées majeures de la cocaïne dans l'Union européenne ; encore, la plupart des laboratoires produisant les stupéfiants chimiques (Ecstasy, amphétamines, kétamine, etc.). Enfin, là aussi toujours plus par an, une contrebande massive des cigarettes contrefaites issues de la zone hors-contrôle des Carpates (dont nous avons récemment parlé ici).
Rien qu'aux Pays-Bas, de 15 à 30 milliards d'euros PAR AN d'argent du crime et des trafics y sont blanchis par investissements secrets dans l'immobilier, les industries du tourisme, de la restauration et du divertissement.
Retour aux ravages provoqués par le libéralisme à la Silicon Valley. Longtemps, du fait des difficultés du "vivre-ensemble" de deux peuples antagonistes, la Belgique a été privée de gouvernements réels. Regardez, ricanaient les libertariens : zéro gouvernement et ça marche tout aussi bien ; preuve que l'État, structure hors de prix, ne sert finalement pas à grand-chose. Les mêmes s'amusaient à doter la Belgique du sobriquet de "Plus Grande ONG du Monde".
Sauf que bien sûr, quand l'État central défaille ou s'affaiblit par trop, la décision politique descend d'un cran vers les pouvoirs locaux, régions et mairies. Lesquelles sont dépourvues de l'appareil qu'au fil des siècles, l'État-nation a créé pour se protéger de tout ce que les bandits et les terroristes font si bien pour imposer leur loi : intimidation, corruption, violence.
Des narcos milliardaires, des pouvoirs politiques faibles voire absents : l'inévitable crise criminelle couvait depuis bien longtemps déjà. Elle éclate au grand jour aujourd'hui.
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