Et maintenant l'Histoire : Najat Vallaud-Belkacem ou le stade suprême de la réforme idéologique <!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de Najat Vallaud-Belkacem de réforme des programmes d'Histoire continue de passer en force.
Le projet de Najat Vallaud-Belkacem de réforme des programmes d'Histoire continue de passer en force.
©Reuters

Réforme des programmes

Alors que trois anciens ministres de l'Education, François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement et Luc Ferry demandent le retrait de la réforme du collège et un "débat républicain", le projet de Najat Vallaud-Belkacem continue de passer en force.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Madame   Najat Vallaud-Belkacem  a beau convoquer à la Sorbonne un  colloque pour débattre de l'enseignement  de l'histoire, mis à mal par sa réforme, la manière cavalière dont elle a , avec l'accord de Hollande et Valls naturellement, imposé celle-ci par décret, prenant  toute le monde de court,  le lendemain même de la grande manifestation hostile des enseignants, restera dans les annales.   

Faut-il tourner la page ? Au contraire,  cette décision  doit nous amener à réfléchir  sur la manière dont elle a conçu et mené la  réforme du collège.

Il est  clair que l'intéressée, dont la nomination  avait surpris,  a atteint  aujourd'hui, selon le principe  de Peter, son niveau d'incompétence.

Mais le type d'incompétence qu'elle manifeste avec la   réforme du  collège  qu'elle a imposée avec l'appui de Hollande et Valls, est hautement significatif de la manière dont, tant par facilité intellectuelle que par idéologie, on prend rue de Grenelle, depuis quarante  ans, les décisions qui détruisent peu à peu notre appareil éducatif.

La méthode est simple: ceux qui sont en charge de proposer des réformes partent des principaux changements qui ont été opérés au cours de années précédentes ; ils constatent que ces changements, réforme après réforme,      vont tous dans le même sens et , comme un élève de cinquième qui apprend la géométrie,  ils  se contentent de prolonger  la courbe que ces changements dessinent pour aller "un peu plus loin " sur la même trajectoire - quand  c'est encore possible.

Il est vrai que le ministère est truffé de vieux augures, apparatchiks généralement médiocres et hégéliens au petit pied,  dont toute la compétence  consiste à dire sentencieusement , d'un air inspiré,  "on va vers ceci ou vers cela" , et d'en tirer une opération de prolongation aussi  stupide que celle que nous venons de décrire. 

Le latin et le grec sont en déclin; on décrète leur suppression prochaine.

L'allemand est en déclin  au bénéfice du tout anglais : on l'affaiblit encore au mépris de nos engagements vis à vis du gouvernement allemand et de l'amitié  franco-allemande qui constitue toujours le socle de notre diplomatie.

Depuis le plan Langevin-Wallon de 1947, la tendance est   à plus d'égalité. Le tronc commun au niveau du collège avait été mis en place entre 1960 et 1970 mais il comportait des filières diversifiées et la  possibilité du redoublement, donc d'une différenciation des rythmes. René Haby, ministre de Giscard et néanmoins bon élève du marxiste  Pierre Bourdieu, décrète en 1975 la fusion des différentes filières. Le plan Jospin de 1989 interdit pratiquement les redoublements,  une interdiction renforcée récemment. Mais la différenciation  des filières s'était  réintroduite par le biais de classes dites "européennes" regroupant souvent les meilleurs élèves. On y apprenait les langues à marche forcée, ce qui impliquait au départ une certaine sélection.

Aux classes bilingues à une langue étrangère renforcée, ont été  ajoutées les classes bilingues à deux langues étrangères dès la sixième. En sus de l'anglais, ces classes se tournaient le plus souvent vers l'allemand, supposé plus difficile et donc plus élitiste; elles sont aujourd'hui  supprimées. 

La force de l'enseignement  secondaire français était la qualification de professeurs  qui avaient appris au niveau de la licence ou de la maitrise une discipline particulière. Ils étaient fiers de transmettre un  savoir de haut niveau. La  baisse du niveau de nos universités, qui a débouché sur un CAPES supposé plus pratique,  a   affaibli cette exigence.

En  parallèle ont été encouragés les travaux interdisciplinaires. Mme Najat Vallaud-Belkacem leur donne encore plus d'importance au détriment des disciplines fondamentales. Ces travaux interdisciplinaires prétendent faire à la place de l'élève le travail de synthèse entre  les différents savoirs, alors qu'une école véritablement libérale devrait  les laisser  les croiser eux-mêmes. Surtout  ils dégradent la notion de discipline scientifique et donc la dignité des savoirs, pour ne pas dire la notion de discipline tout court. Les enseignants deviennent, comme ils le sont dans les pays anglo-saxons, de simples animateurs.

L'intérêt de cette manière de réformer l'Education nationale, la même depuis soixante-dix ans, que la droite ou la gauche soient au pouvoir, est  que même un âne serait capable de faire ce genre de réforme fondée sur la  prolongation des courbes dessinées par les reformes passées.

Toujours de mal en pis

Cette mécanisation du processus réformateur n'est pas innocente. Réduire la politique à quelque principes simples que l'on applique de manière répétitive quelle  que soit la complexité du réel, ce n'est pas seulement de la bêtise adminisrative, c'est aussi la définition du processus idéologique.

Le processus idéologique s'appuie en l'occurence sur un principe de base: toujours plus d’égalité. 

Ne nous leurrons pas : comme  l'idéologie aboutit toujours au contraire du but recherché,  toujours plus d'égalité, cela veut dire toujours plus d'inégalité.

Si l'égalité veut dire traiter tous les élèves de la même manière, comme si on espérait égaliser une série de nombres  en  les multipliant tous par deux, le résultat est que, faute d'un traitement différencié, les bons sont encore meilleurs et les mauvais s'enfoncent.

Cet égalitarisme superficiel se double  d'une doctrine encore plus perverse, issue de Pierre Bourdieu,  qui conduit à l'avilissement des savoirs transmis. L'inégalité des élèves, qui est de  toujours, ne serait pas selon le sociologue, l'effet des aptitudes  innées mais du seul  milieu social des élèves. Ce milieu social est plus ou moins apte à transmettre les "codes " que l'on trouve dans l'apprentissage de la langue française mais aussi ceux de la culture générale (y compris scientifique),  de la discipline, des  manières etc. Pour permettre aux plus défavorisés de faire jeu égal avec les autres, on a décidé, depuis 50 ans, année après année,  d'affaiblir ces apprentissages jugés discriminants. Cette théorie plus qu'absurde  aboutit  à priver les élèves les  plus défavorisés d'une "éducation" de base, au sens plein du terme que les autres trouvaient (et ne trouvent plus guère d'ailleurs) dans leur famille.  La catastrophe scolaire que nous vivons n'a pas d'autre  origine que cette  théorie affligeante. Et bien entendu,     si la qualité de l'enseignement  public se dégrade, les différences familiales,  au moment de l'embauche,  jouent à plein.

Dans   cette succession de Grands maitres de l'Université attelés les uns après les autres à décerveler les enfants et détricoter la transmission de notre héritage, Najat Vallaud-Belkacem, non seulement ne déroge pas, mais étant sans doute plus idéologue encore  que les autres, elle offre le produit le plus achevé du processus. 

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