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Des institutions américaines ont commencé à vendre des embryons congelés.
Des institutions américaines ont commencé à vendre des embryons congelés.
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Brave new world !

Aux Etats-Unis, il y a aujourd’hui 500.000 embryons congelés, non-utilisés par les familles souhaitant pratiquer une fécondation in vitro. Quelques institutions américaines proposent de les vendre aux couples souffrant de double infertilité. Le prix : jusqu'à 20.000 dollars. Une somme qui rend plus concret le débat moral autour de l'objectivisation de la vie humaine.

Alexandra Henrion-Caude

Alexandra Henrion-Caude

Dr Alexandra Caude est directrice de recherche à l’Inserm à l’Hôpital Necker. Généticienne, elle explore les nouveaux mécanismes de  maladie, en y intégrant l’environnement. Elle enseigne, donne des conférences, est membre de conseils scientifiques.

Créatrice du site internet science-en-conscience.fr, elle est aussi l'auteur de plus de 50 publications scientifiques internationales. Elle préside l’Association des Eisenhower Fellowships en France, et est secrétaire générale adjointe de Familles de France.

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Atlantico : Quels problèmes éthiques ce procédé de vente des embryons congelés non-utilisés soulève-t-il ?

Alexandra Henrion-Caude : En tant que scientifique co-responsable au nom de ma communauté, mais aussi en tant que mère, je souffre de notre indifférence vis-à-vis de ces millions d’embryons dont la vie est cryo-conservée. Ces vies ne sont-elles donc pas notre responsabilité? Ne devons-nous pas réfléchir à ces vies mises artificiellement en "pause". On pourrait les décrire dans une sorte de "coma réfrigéré".

Vous me dites 20.000 dollars ? Des soldes seront-elles envisagées ? Un nouveau produit est donc sur le marché : il s’appellera Emma, Lucas, Chloé ou Hugo. Il, ou elle, est très jeune et totalement vulnérable. Cette fois, nous le comprenons : il s’agit d’une nouvelle forme d’esclavage permettant de monnayer la vie de millions d’hommes et de femmes, dès un stade très précoce de leur développement. Les esclaves connaissaient leurs origines. Ceux-là ne les connaitront probablement même pas.

Vous mentionnez 500.000 embryons congelés mais il s’agit là d’estimations. Elles sont supérieures à ce que vous indiquez puisque l’estimation est de 625.000 embryons pour l’Amérique. En France, j’ai beau chercher cette information, je ne la trouve nulle part. Les rapports d’activité ne sont pas renseignés depuis 2010 et d’après un audit de l’Agence de la Biomédecine, les registres ne sont même pas tous numérisés…

Le tout dans l’indifférence totale de notre société, et notre entretien restera, vous m’excuserez mais je le pense, poste restante. Alors même que nous sommes tous concernés et que ce n’est évidemment pas une affaire de spécialistes.

Quelle différence y a-t-il avec un don d’ovocytes ou de sperme ?

Paradoxalement, cette mise sur le marché d’êtres humains outre-Atlantique se déroule alors même que nous sommes en pleine actualité d’un appel publicitaire à la radio de dons de gamètes financé par l’Agence de la Biomédecine sous le contrôle du Ministère de la Santé. Autrement dit, alors même que nous sommes dans l’embarras de gérer ces centaines de milliers d’embryons dans leurs containers, nous nous permettons d’en générer davantage… Une aberration supplémentaire dont notre système à la française se rend capable mais qui touche à l’intimité des femmes. Le don de gamètes est tout sauf banal et il est traité avec une légèreté et une désinvolture révoltante. Aimez-vous offrir des fleurs ou des chocolats nous demande le site officiel ? Alors vous êtes candidat pour donner vos ovocytes, prendre en gros 2 semaines de congés pour mener l’entreprise à bien et subir le choc d’un traitement hormonal d’une dizaine de jours et une intervention sous anesthésie générale… et d’un âge de ménopause nécessairement avancé… Et on ose parler de don anodin.

Les familles pourront s'appuyer sur des contrats qui régiront ce type de "transaction". Quels en sont les principaux risques juridiques ?

Vous me parliez précédemment d’éthique. Je pense que c’est au-delà de l’éthique. Il s’agit d'une responsabilité collective que nous avons vis-à-vis de ces embryons humains.

Je trouve indécent de parler des risques juridiques quand, par simple bon sens, le risque est porté sur notre propre humanité. Qui sommes-nous ? Qui étions-nous ? Que serons-nous si nous ne réagissons pas à cette étape supplémentaire dans l’instrumentalisation de la vie d’autrui ? Non, pardon. Même pas l’instrumentalisation mais une totale chosification, avec un coût : 20.000 dollars. Peut-être qu’avec un coût plus important, les centres vous offriront de choisir la couleur des yeux, le QI des géniteurs etc….

Quid des liens de parenté des enfants issus de ce type de fécondation ?

Comme je vous le disais : les esclaves connaissaient la plupart du temps leurs origines. Ici, on nie l’humanité à ces embryons humains qui deviennent l’objet d’une offre supplémentaire sur un marché économique. Dans ces conditions, je ne parviens pas à comprendre comment on peut s’investir comme parents, ni quel regard l’enfant -même aimé- portera sur ceux qui l’ont acheté 20.000 dollars. Avec ces dérives successives, c’est le lien qui unissait tous les hommes de cette terre les uns aux autres en tant qu’êtres humains, dans l’histoire commune de leur naissance après l’union d’un homme et d’une femme qui se désintègre. Réagissons ! J’avais lancé, au travers de "science-en-conscience" une alerte à la conscience scientifique il y a quelques années réunissant plusieurs centaines de collègues. N’est-ce pas un SOS qu’il faudrait aujourd’hui lancer ?

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