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Un enfant recevant sa dose de vaccin anti-Covid, photo AFP
Un enfant recevant sa dose de vaccin anti-Covid, photo AFP
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Avenir préservé

La mortalité infantile recule presque partout dans le monde. Pour autant, le sujet semble globalement oublié dans la presse. Ce qu'il faut savoir.

Gilles Pison

Gilles Pison

Professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle, conseiller de la direction de l’INED. Gilles Pison a publié un ouvrage intitulé « Atlas de la population mondiale », il y a quelques mois aux éditions Autrement

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Atlantico : Au Sierra Léone, la mortalité infantile connaît une chute importante. En moyenne le nombre de décès d'enfants a été réduit de moitié en 20 ans et le pourcentage de morts en couche a chuté de 74% depuis le début des années 2000. Est-ce que c'est un cas isolé ou est-ce qu'au contraire c'est représentatif de la tendance mondiale ?

Gilles Pison : Dans certains domaines, tels que la mortalité infantile ou maternelle, la Sierra Leone se classe parmi les plus mauvais pays du monde en termes d'indicateurs. Cependant, il est important de souligner les progrès réalisés. Au niveau mondial, la mortalité infantile et maternelle a diminué. En ce qui concerne la mortalité infantile, elle a considérablement baissé. Aujourd'hui, on estime qu'environ 27 nouveau-nés sur 1000 décèdent avant leur premier anniversaire, alors que ce chiffre était de 150 pour 1000 en 1950. Cela représente une avancée significative. Bien que la mortalité infantile reste élevée dans certains pays comme la Sierra Leone, elle devrait continuer à reculer car les moyens de lutte sont connus et peu coûteux. Cela signifie que, bientôt, la perte d'un enfant ne devrait plus être qu'un événement rare et accidentel partout dans le monde.

Ce qu'on peut dire dans le cas de la Sierra Leone très précisément, que les progrès sont significatifs ?

Les progrès réalisés dans la réduction de la mortalité infantile sont significatifs à l'échelle mondiale et dans les différents continents. Certains pays ont atteint des niveaux très bas, tandis que dans d'autres, bien que la mortalité infantile soit encore élevée, elle a considérablement diminué. Cependant, il convient de noter que la Sierra Leone détient toujours le triste record du taux de mortalité infantile le plus élevé au monde. Les inégalités entre les pays sont importantes. Les pays industrialisés ont un taux de mortalité infantile inférieur à 7 décès pour 1 000 naissances, tandis que ce taux est souvent supérieur à 40 pour 1 000 dans les pays d'Afrique tropicale. En 2022, le taux de mortalité infantile était estimé à 70 pour 1 000 en Sierra Leone, ce qui reste très élevé. À l’autre extrémité du classement, les pays nordiques, tels que l'Islande et la Finlande, affichent les taux de mortalité infantile les plus bas, 1,5 pour 1 000. Il y a donc une grande disparité entre les pays et régions du monde. Des taux élevés de mortalité infantile sont observés non seulement en Afrique, avec une moyenne de 44 pour 1 000 en 2022, mais également dans certains pays en guerre comme le Yémen, ainsi que dans des pays aux systèmes de santé particulièrement défaillants comme le Pakistan et l'Afghanistan.

Quel bilan faire de la situation en France, spécifiquement ?

Une partie des pays industrialisés ont réussi à faire baisser considérablement leur taux de mortalité infantile. Si l'on retrace l'évolution de la mortalité infantile en France depuis aussi loin qu’on peut remonter dans le passé, on constate que ce taux était de 300 pour 1 000 en 1740, ce qui signifie que 30 nouveau-nés sur 100 n'atteignaient pas leur premier anniversaire. Aujourd'hui, ce chiffre est estimé à 3 pour 1 000, soit 100 fois moins. C'est une amélioration considérable qui a transformé ce phénomène courant en un événement rare en France. Cependant, ces dernières années, la mortalité infantile en France ne diminue plus, même si les niveaux restent extrêmement bas. Cela soulève la question de savoir pourquoi. Dans les pays voisins comme le Royaume-Uni et la Suisse, on observe également des taux similaires, autour de 3 pour 1 000.

Comment est-ce qu'on fait concrètement aujourd'hui pour lutter contre la mortalité infantile ?

La baisse de la mortalité infantile, qui est observée partout, même dans les pays où elle reste élevée, est d’abord attribuable aux progrès sanitaires, notamment les vaccinations. Ces dernières sont des interventions peu coûteuses et très efficaces qui ont largement contribué à réduire les infections, qui étaient les principales causes de décès chez les enfants. Elles le sont toujours dans certains pays, et il est regrettable que tous les enfants de la planète ne soient pas vaccinés. Cela vient d'un intérêt insuffisant pour la prévention et de problèmes d'organisation. Une partie des décès d'enfants avant l'âge d'un an sont encore dus à des maladies infectieuses évitables par la vaccination. Ces maladies continuent de causer des décès chaque année, sans compter les enfants qui survivent à ces maladies mais en ressortent affaiblis, avec un risque accru de succomber à une autre maladie. Il est important de souligner encore une fois que la vaccination est l'un des actes médicaux les plus simples et les plus rentables en termes de prévention des maladies et de réduction de la mortalité infantile.

Est-ce que vous pensez qu’on arrivera un jour à éradiquer la mortalité infantile ?

Il existe de nombreuses maladies infectieuses pour lesquelles des vaccins sont disponibles. Pour les autres, pour lesquelles nous ne disposons pas encore de vaccins, nous avons des outils pour les traiter, et il est possible qu'un jour nous ayons un vaccin. En plus des maladies infectieuses, il y a également d'autres causes de décès chez les nourrissons qui ne sont pas liées à des infections. Il peut s'agir de malformations congénitales ou de maladies génétiques. Dans certains cas, nous pouvons prévenir la naissance d'un enfant atteint d'une anomalie génétique.  Par ailleurs, de nos jours, grâce à une meilleure surveillance des grossesses, nous parvenons à faire naître vivants des enfants qui, par le passé, seraient nés morts ou dont la grossesse se serait terminée en fausse couche. Cela inclut en particulier la naissance d'enfants de très petit poids ou grands prématurés. Une partie de ces enfants ne survivent pas en raison de leur fragilité. Même si les efforts déployés pour permettre leur survie s’améliorent, il y aura probablement toujours une mortalité infantile relictuelle. Si vous m'aviez posé cette question il y a 20 ou 40 ans, à une époque où les taux de mortalité infantile en France étaient plus élevés qu'aujourd'hui, j'aurais probablement pensé que nous nous approchions d'un seuil où il serait difficile de descendre davantage. Or la baisse s’est poursuivie. Et les progrès réalisés dans les pays nordiques, qui parviennent à des taux de mortalité infantile deux fois inférieurs aux nôtres, montrent qu'il est possible de faire encore mieux.

La baisse de la mortalité infantile demeure globalement assez peu discutée au quotidien et dans les médias. Elle ne jouit pas d'une grande influence médiatique. Comment est-ce qu'on explique cela ? Est-ce que l'absence de « bonnes nouvelles » permet de contribuer au sentiment que le monde ne progresse pas et que rien ne rien ne va ?

Vous êtes mieux placé que moi pour en parler, n'est-ce pas ? Les médias ont tendance à ne pas beaucoup parler des trains qui arrivent à l'heure ! C'est un peu la même chose lorsque la situation s’améliore. Et c'est le cas pour la réduction de la mortalité infantile. Cette évolution semble normale et aller de soi. Mais on devrait plus s'étonner que la baisse ne soit pas plus rapide, notamment en Afrique où l’on observe encore 44 décès pour 1 000 naissances en moyenne. Des pays comme la Syrie, la Gambie et le Nigeria enregistrent encore un taux élevé de 70 décès pour 1 000 naissances avant le premier anniversaire. La plupart de ces décès sont dus à des maladies infectieuses qui pourraient être prévenues par la vaccination. Pourquoi en parle-t-on si peu ? Peut-être parce que cela se produit principalement dans des régions du sud. De plus, il y avait autrefois cette idée répandue que les régions tropicales étaient en proie à de nombreuses maladies, et que c’était le climat qui expliquait la forte mortalité infantile. Cependant, cette idée a été progressivement abandonnée. Il y a 20 ou 30 ans, on s'est rendu compte que la lutte contre la mortalité infantile pouvait s’intensifier avec succès. En mettant l'accent sur les infections et le paludisme, des efforts supplémentaires ont été déployés pour améliorer la couverture vaccinale qui avait stagné voire diminué dans les années 1990. Ces initiatives ont porté leurs fruits dans les années 2000 et 2010, marquées par une diminution rapide de la mortalité infantile grâce à un effort accru. L'intérêt pour les vaccinations a connu un regain international, car elles sont peu coûteuses et nécessitent principalement une bonne organisation et une volonté d'agir. Pendant longtemps, on a considéré que le fait que des enfants meurent de maladies infectieuses était inévitable et qu’on n’y pouvait pas grand-chose. Mais les attitudes ont changé et des stratégies ont été développés pour détecter, diagnostiquer et traiter plus efficacement des maladies comme le paludisme, suivant ainsi les enseignements tirés de la lutte contre le sida. Cette dernière a en effet été un grand succès dans l'ensemble. On s'est dit qu'il n'y avait aucune raison de ne pas faire de même pour les enfants et de ne pas s'atteler à réduire ces taux élevés dans certaines régions du monde, notamment en Afrique. Malgré les succès, il reste encore des marges de progrès. Une des difficultés, dans les pays du Sud, en particulier en Afrique, mais aussi dans nos pays développés, vient d’un désintérêt et d’une méfiance à l'égard des vaccins contre les maladies infantiles. Cela a entraîné la réapparition des épidémies de rougeole par exemple. Cela a conduit à la décision en France de rendre obligatoires certains vaccins qui étaient auparavant seulement recommandés. Pour convaincre et atteindre un niveau de couverture vaccinale suffisant, il a fallu passer par cette obligation. Ces épidémies de maladies telles que la rougeole ne devraient plus exister, car nous disposons d'outils efficaces et peu coûteux tels que les vaccins.

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