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Un flacon d’ivermectine dans le cadre d’une étude menée à Cali en Colombie, le 21 juillet 2020.
Un flacon d’ivermectine dans le cadre d’une étude menée à Cali en Colombie, le 21 juillet 2020.
© LUIS ROBAYO / AFP

Contre-enquête

Selon une enquête de la BBC, des études à la méthodologie douteuse ont fait de l’Ivermectine un médicament soi-disant miracle contre la Covid-19. Ce médicament est-il réellement efficace pour combattre le coronavirus ?

Jean Dubuisson

Jean Dubuisson

Jean Dubuisson est chercheur du CNRS au Centre d'infection et d'immunité de Lille.

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Atlantico : Dans un article publié par la BBC, on découvre qu’un certain nombre d’études sur lesquelles s’appuient les promoteurs de l’Ivermectine sont fallacieuses. À l’origine, ce médicament est utilisé comme un antiparasitaire, mais au cours de la pandémie, certains de ses partisans ont réclamé qu’il soit utilisé à d'autres fins afin de combattre le Covid et de prévenir les décès. Qu’en est-il de l’efficacité réelle de ce médicament pour combattre le Covid ?

Jean Dubuisson : A l'origine, l'Ivermectine est un antiparasitaire à large spectre utilisé en médecine vétérinaire depuis le début des années 1980. Ce médicament est en effet très efficace pour combattre différents parasites intestinaux ainsi que contre les ectoparasites tels que les acariens responsables de gales. Ce médicament est également utilisé chez l'homme contre certaines parasitoses. L'Ivermectine est également utilisée pour traiter la gale humaine.

En ce qui concerne les propriétés antivirales de l'Ivermectine, certaines données in vitro montrent une activité antivirale contre des virus. Ce médicament a d'ailleurs été testé dans un essai clinique de phase III dans le cas de la dengue (une maladie infectieuse causée par un virus). Les résultats n'ont cependant pas montré une efficacité probante dans le cas de cette maladie.

En ce qui concerne le COVID-19, très rapidement l'Ivermectine a été testée in vitro contre le SARS-CoV-2. Une première publication de juin 2020 (dans antiviral research) montre un effet anti-SARS-CoV-2 à des concentrations de l'ordre de 5 microM. Cependant les données pharmacocinétiques connues depuis longtemps indiquent que la concentration plasmatique de l'Ivermectine est 10 à 100 fois inférieure à la dose efficace in vitro, indiquant que ce médicament ne peut pas atteindre une concentration suffisante chez l'homme pour exercer une activité antivirale. A ce stade des connaissances, on ne peut cependant pas exclure un effet anti-inflammatoire de ce médicament. Différents articles scientifiques ayant analysé les données publiées sur les essais cliniques avec l'Ivermectine dans le COVID-19 concluent qu'il n'y a aucun élément montrant une efficacité réelle de l'Ivermectine chez les patients. De plus, la firme pharmaceutique Merck qui commercialise ce médicament met en garde contre l'utilisation de l'Ivermectine dans le COVID-19 en précisant qu'il n'y a aucune preuve préclinique ou clinique supportant son utilisation contre le coronavirus.

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Les autorités sanitaires des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Union européenne ont estimé que les preuves de l'utilisation du médicament contre le Covid étaient insuffisantes. Certains partisans ont créé des groupes d’échange pour se procurer le médicament. Dans quelle mesure ce phénomène peut-il devenir un problème de santé publique ?

Il existe un risque important pour la santé publique car cette molécule n'est pas sans effet toxique à des concentrations plus élevées que celles préconisées pour son activité antiparasitaire. En effet, il faudrait des concentrations 10 à 100 fois supérieures pour atteindre des concentrations proches de celles montrant une activité antivirale in vitro. L'utilisation incontrôlée de ce médicament pourrait donc conduire à des effets secondaires plus ou moins graves selon la dose utilisée. De plus, l'utilisation de ce médicament sans contrôle médical présente un risque supplémentaire dans certaines contre-indications non prises en compte par les patients.

La BBC a révélé que plus d'un tiers des 26 essais majeurs du médicament destinés à être utilisés pour le Covid présentent des erreurs graves ou des signes de fraude potentielle. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les erreurs principales qui ont été commises ?

Je ne suis pas spécialiste des essais cliniques mais il semble que dans plusieurs cas, le nombre de patients inclus était insuffisant pour tirer des conclusions statistiquement valides et des fraudes ont été repérées. De plus, comme mentionné plus haut, différents articles scientifiques ayant analysé les données publiées sur les essais cliniques avec l'Ivermectine dans le COVID-19 concluent qu'il n'y a aucun élément montrant une efficacité réelle de l'Ivermectine chez les patients.

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