Event Horizon
Et l’observation de trous noirs avec des télescopes ultra puissants confirme qu’ils se comportent comme Einstein l’avait prédit
Des études menées sur le trou noir supermassif de la galaxie Messier 87 confirment qu'il continue d'agir comme le prédisait la théorie d'Einstein.
Atlantico : Les trous noirs font l’objet d’études de plus en plus poussées. Les avancées technologiques permettant de produire des télescopes de plus en plus efficaces, il est aujourd’hui possible de mieux comprendre leur fonctionnement. Que sait-on de ce phénomène ? Se comporte-t-il comme nous le pensions ?
Olivier Sanguy : Les trous noirs sont des objets étonnants en ce sens qu’on en a théorisé l’existence avant même de les observer ! Et cela dès le 18ème siècle, donc avant la théorie de la relativité d’Einstein. On imaginait alors un objet dont le champ gravitationnel est tel que même la lumière ne s’en échappe pas. Bien évidemment, la relativité générale d’Einstein a donné un cadre plus précis, à savoir une masse tellement dense qu’elle s’effondre sur elle-même avec création d’un horizon des événements, sorte de frontière à l’intérieur de laquelle rien ne peut plus échapper au trou noir. Dans les années 1960 et au-delà, on est passé à la constatation par l’observation de la réalité des trous noirs. Ces objets n’étaient alors plus seulement théoriques et ils se comportent pratiquement comme les modèles l’envisageaient.
D’aucuns affirment parfois que l’on "observe"ou que l’on "voit" les trous noirs. Peut-on vraiment s’exprimer de la sorte ? Dans quelle mesure s’agit-il d’un abus de langage, qui ne correspond pas à la réalité scientifique ?
En effet c’est un abus de langage très répandu (et je tombe dedans souvent moi-même). Par essence, le trou noir proprement dit n’est pas observable puisque rien ne s’en échappe, pas même la lumière. Donc, comment « voir » un objet qui n’émet rien ? La réponse est qu’on scrute l’environnement immédiat du trou noir, à la frontière de son horizon des événements. En effet, la matière ne tombe pas immédiatement dans un trou noir, celle-ci tourne sur orbite autour de lui dans ce qu’on appelle un disque d’accrétion. Les forces gravitationnelles à l’œuvre et la friction entre les éléments en rotation dans ce disque entraînent de hautes températures et donc des rayonnements, notamment dans le spectre X. Le disque d’accrétion étant en dehors de l’horizon des événements du trou noir (la frontière sans retour pour ainsi dire), les rayonnements émis peuvent s’échapper et nous parvenir. Ce sont ces rayonnements qu’on observe. Les progrès techniques des télescopes et radiotélescopes ont par la suite augmenté la qualité et la quantité de données qu’on pouvait ainsi obtenir.
Albert Einstein nourrissait une théorie concernant les trous noirs : estimant notamment qu’ils permettraient potentiellement de comprendre l’expansion supposée de l’univers. Peut-on dire qu’il avait raison ? Que nous apprennent les trous noirs sur notre monde ?
Je ne connais pas cette approche théorique particulière des trous noirs. En revanche, la théorie de la relativité d’Einstein est un outil incontournable pour expliquer les trous noirs. Surtout, ce qu’on constate aujourd’hui en observant ces objets confirme l’édifice théorique de ce grand savant. Or, le modèle standard du cosmos (connu par le grand public sous le nom de Big Bang, on doit plutôt dire ΛCDM) repose sur la relativité. Il faut savoir que lorsque l’idée d’un univers en expansion a été avancée par le Belge Georges Lemaître et l’américain Edwin Hubble, Albert Einstein était réticent à cette notion qui pourtant venait de ses propres équations ! Il a même introduit la constante cosmologique afin de «stabiliser» le cosmos (le rendre statique) et contourner l’expansion. Face aux travaux d’Edwin Hubble (observation des galaxies démontrant l’expansion de l’univers), Einstein a qualifié sa constante cosmologique d’erreur. Des décennies plus tard, on découvrait une accélération de l’expansion de l’univers causée par une «énergie sombre» dont on ne connaît pas la nature. Ironiquement, cette énergie sombre peut se voir comme l’effet d’une constante cosmologique, le Λ (lambda) du modèle standard ΛCDM. L’erreur d’Einstein était peut-être toute relative…
Crédit : Event Horizon Telescope / DR
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