Éric Zemmour, droit dans ses bottes, face à des chefs d’entreprises sans complaisance qui cherchent encore son programme<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour a participé à une rencontre organisée par le mouvement Ethic.
Eric Zemmour a participé à une rencontre organisée par le mouvement Ethic.
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Ça ressemble à du Brel : « T’as voulu voir Zemmour et tu as vu Zemmour… » Sophie de Menthon, la présidente du mouvement Ethic, a eu la drôle d’idée d’inviter Éric Zemmour pour qu’il s’explique face aux patrons. La rencontre a été étonnante et détonante.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La rencontre entre Éric Zemmour avec les patrons du mouvement Ethic avait, pour ces chefs d’entreprise, un petit air de rendez-vous interdit, transgressif. Ça se passait dans les salons très chics du cercle Interallié à Paris, là où Éric Zemmour n’a jamais été persona grata. L’occasion lui était donnée de parler à des acteurs qui ne le connaissent guère autrement que comme polémiste à la télévision. D’ailleurs, les dirigeants d’Ethic ont pris soin de se justifier de ce qui pouvait apparaître comme une provocation, une de plus, pour Sophie de Menthon qui ose tout, tout le temps. Et qui eut bougrement raison. Le jour-même, elle sortait d’ailleurs son livre : « La France sens dessus dessous » qui dénonce les dysfonctionnements de la société française et qui n’y va pas de main morte pour réclamer des réformes utiles.

Sophie de Menthon voulait voir Zemmour de près, un peu comme Brel qui voulait voir Vesoul. Et elle a vu Zemmour, comme près de 250 chefs d’entreprise. Deux heures.

L‘exercice méritait le déplacement. Avant même de le rencontrer, les chefs d’entreprise étaient attentifs et même impressionnés. Impressionnés par :

- le ton d’Éric Zemmour, d’abord, qui tranche de celui très politiquement correct des responsables politiques. Et ce ton qui n’étonne pas chez un chroniqueur, polémiste, bouscule évidemment beaucoup d’idées reçues quand il émane d’un (futur) candidat à la présidentielle.

- le succès d’Éric Zemmour ensuite, auprès du grand public, parce que tout chef d’entreprise sait que le succès n’arrive pas par hasard. En dépit du marketing ou des médias, s‘il y a succès populaire, c’est que ce que ce discours correspond à une attente. Qu’on soit d’accord ou pas. Le sujet n’est pas d’adhérer ou pas au contenu, le sujet est de comprendre l’histoire que ce discours Zemmourien raconte sur la société française. Et cette histoire ne peut pas laisser indiffèrent.

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- par le diagnostic, enfin, du dysfonctionnement de la société française que fait Zemmour et qui rencontre un écho très fort dans l’opinion.

Mais là où les chefs d’entreprise s’inquiètent, c’est de savoir si ce diagnostic Zemmour, qui revient à mettre la politique migratoire au centre de tout ce qui nous arrive est véritablement la cause du mal français ou l’un de ses symptômes. Est ce que ce constat peut déboucher sur un traitement ? Et ce traitement ne risque pas d’être plus douloureux que le mal ? Parce que justement, les chefs d’entreprise pensent que le mal est souvent ailleurs : dans la gouvernance notamment.

Et là, les chefs d’entreprises n’ont sans doute pas reçu les réponses qu'ils attendaient parce qu‘en fait, Éric Zemmour ne parle pas de l’entreprise. C’est même plus grave que cela. Quand on lui demande quelle est la place de l’entreprise dans la France d’aujourd hui, il vous répond que l’entreprise est « un lieu de création de richesses ». Oui bien sûr ! Mais que l’Etat est important. Que rien ne peut se faire sans un Etat fort. Et de dérouler une leçon d’histoire - et c’est passionnant - autour de Louis XIV et de Colbert. Et de ramener les succès de l’économie américaine au rôle de l’Etat américain. Quant à apporter des précisions sur la globalisation, l’Europe et l’euro, ça se résume le plus souvent à « il faut que l’Etat intervienne pour réguler et signer des accords bilatéraux ».

Il est pour l’Europe, à condition que l’Europe n’ait pas de pouvoir. Il tolère l’euro parce « qu'il n’y a pas d’autres solutions. »

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Éric Zemmour se refuse d‘aborder les questions concrètes qui obsèdent Sophie de Menthon et qui portent sur le fonctionnement quotidien de l’entreprise : le travail, la durée du travail, la difficulté de recruter, le paradoxe des travailleurs clandestins. Autant de dysfonctionnements qu’elle vit dans ses organisations et qui font le sel de son propre livre, « la France sens dessus dessous ».

Et quand il consent à aborder les questions d’intendance, il ne semble pas connaître avec précision les dossiers. « Il faudra supprimer les impôts de production », dit-il aux entrepreneurs, mais tous les candidats de droite sont sur la même ligne. La question est de savoir par quelle autre recette fiscale on les remplacera. Zemmour ne répond pas mieux.

Le temps des programmes chiffrés et détaillés en termes d’organisation et de gestion n’est pas venu. Il en restera donc au niveau de l’ambition, non pas pour réformer, mais pour sauver la France d’un désastre annoncé par une immigration non régulée. Le « comment faire pour changer les logiciels sans mettre la France dans la rue » ne sera jamais abordé.

Alors, Zemmour est-il libéral, comme ça se dit dans son entourage ? Si libéral il est, il restera attaché à un Etat fort, un Etat qui impulse et redistribue la richesse, un Etat jacobin, centralisé et social. Il est plus franco-français que mondialiste ou européen.

Beaucoup de chefs d’entreprise seront ressortis avec le livre qu’il publie sous le bras, impressionné par l’habileté intellectuelle, le ton de son discours, la simplicité du diagnostic, mais assez peu convaincus d’une capacité à gouverner une France torturée, une France incertaine, pessimiste sur son avenir mais où les sondages nous indiquent qu‘elle reste confiante dans le rôle de l’Etat, à la condition que l’Etat n’empiète pas sur la liberté individuelle et surtout pas la liberté de faire des affaires. Les Français n’ont surtout pas besoin d’un Etat plus fort qu’il est.

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