Et l'équité républicaine ? En ne recevant pas Marine Le Pen, François Hollande entre en contradiction totale avec sa campagne <!-- --> | Atlantico.fr
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"Le problème n’est pas d’inviter ou pas Marine Le Pen, mais de ne pas exclure son électorat qui est tout de même considérable."
"Le problème n’est pas d’inviter ou pas Marine Le Pen, mais de ne pas exclure son électorat qui est tout de même considérable."
©Reuters

Vilain petit canard

François Hollande a reçu les principaux dirigeants de partis politiques pour consultation... mais pas Marine Le Pen. Le président ne commet-il pas un impair alors que, quelques semaines plus tôt, il savait s'adresser à l'électorat FN dans l'entre-deux tours de la présidentielle ?

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : François Hollande n’a pas reçu Marine Le Pen à l’Élysée alors qu’il a reçu les dirigeants des autres principaux partis pour des consultations. A-t-il été respectueux de la démocratie ?

Philippe Bilger : Le problème n’est pas d’inviter ou pas Marine Le Pen, mais de ne pas exclure son électorat qui est tout de même considérable. Lors de la campagne, notamment avant le deuxième tour, il s’est adressé à l’électorat du FN en tentant de le ramener vers la gauche. François Hollande avait su jusqu’à maintenant concilier la fermeté sur les principes avec une sorte de « normalité » dans le dialogue politique. Il avait d’ailleurs reconnu que Marine Le Pen avait le droit de se présenter aux élections et qu’il fallait en tenir compte. 

Il a reçu Jean-Luc Mélenchon. N’y a-t-il pas deux poids deux mesures ?

Cela donne une impression tactique. On comprend que François Hollande ne pouvait pas se passer de revoir Jean-Luc Mélenchon avant le premier tour des élections législatives. C’est dommage par rapport à l’équité républicaine qu’il avait manifesté jusque là. Quelle que soit l’hostilité que l’on peut avoir à l’égard des idées du FN, les 18% d’électeurs de Marine Le Pen méritaient d’être pris en considération.

Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen dans l’entre deux tour de présidentielle en 2002…

Le contexte était différent : c’était Jean Marie Le Pen et non pas Marine Le Pen. Le passage du père à la fille a tout de même représenté un grand changement dont il faut tenir compte. On peut dénoncer les positions politique et économique défendues par le Front national, mais il faut reconnaître que Marine Le Pen nous a débarrassé des obsessions et des jeux de mots nauséabonds du père. 

L’attitude de François Hollande ressemble à un retour à la stratégie du "cordon sanitaire". Qu’en pensez-vous ?

J’espère que non. L’attitude de François Hollande entre les deux tours a été digne et convaincante. Il n’a pas fait d’appel du pied honteux à l’extrême droite, mais à cherché à convaincre l’électorat de Marine Le Pen que les solutions du FN n’étaient pas les bonnes. Le président Hollande doit continuer dans ce registre : ferme dans ses convictions, mais n’ostracisant pas des tendances qui ont le droit d’exister. On peut s’opposer vigoureusement au FN, mais on doit le recevoir.

La stratégie de « diabolisation » privilégiée ces 30 dernières années n’a-t-elle pas été contre-productive ?

Je ne sais pas, mais la droite comme la gauche doivent s’entendre sur une ligne cohérente. On ne peut avoir une attitude pendant les campagnes et une autre une fois qu’on exerce le pouvoir. On ne peut pas dialoguer avec le FN pendant la présidentielle et ensuite considérer Marine Le Pen comme une pestiférée. Si on considère que le FN n’est pas républicain, il faudra démontrer pourquoi et l’interdire. Hollande doit continuer dans le registre qu’il adopté entre les deux tours. 

François Mitterrand avait fait monter le FN pour diviser la droite. François Hollande n’a-t-il pas lui aussi tout intérêt à ce que Marine Le Pen soit forte?

Dans son fort intérieur, François Hollande ne serait peut-être pas déçu par une telle configuration politique. Mais si Hollande admire beaucoup François Mitterrand, j’espère que ce n’est pas seulement pour son machiavélisme. Je pense qu’il n’a pas ce genre de démarche qui serait intellectuellement hypocrite et politiquement désastreuse.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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