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Une femme fume du cannabis au Lowell Cafe à West Hollywood, en Californie, le 30 septembre 2019.
Une femme fume du cannabis au Lowell Cafe à West Hollywood, en Californie, le 30 septembre 2019.
©FRÉDÉRIC J. BROWN / AFP

Effet contre-productif

Le cannabis "récréatif" rencontre un tel succès dans les six Etats américains ayant rendu sa vente et sa consommation légales que les producteurs légaux n'arrivent plus à répondre à la demande. Les plantations illégales de cannabis sont en pleine expansion.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : En novembre 2016, les électeurs californiens ont approuvé l’usage du cannabis à fins ré­créatives. L’un des arguments choc pour cette légalisation était de mettre fin au commerce illégal. Pourtant, le marché noir a explosé, les autorités l'estimant aujourd’hui à 8 milliards de dollars, le double des ventes officielles. Comment l’expliquer ? 

Xavier Raufer : D'abord, n'oublions pas : les stupéfiants ne sont pas dangereux du fait qu'ils sont interdits ; à l'inverse, ils sont interdits car dangereux - souvent, mortellement.

Les idéologues libertaires californiens voulant tout "libéraliser", stupéfiants en tête, ont pour icône M. Soros, pirate financier condamné à tous niveaux de la justice européenne. Cet adepte de la liberté du renard dans le poulailler a donc financé la campagne dé-pénalisante. Ce que lui et ses séides locaux cherchaient avec la drogue libre "à titre récréatif" était de plonger la Californie dans l'anarchie : un succès majeur.

Comme partout où son "usage récréatif" a été voté, Canada, etc., coexistent deux marchés du cannabis : l'un licite, l'autre pas ; ce dernier vendant moins cher des produits incontrô­lés. Un marché "sain" pour "bobos" et un autre dangereux (plants inondés de pesticides cancéro­gènes, etc.) pour les pauvres, les jeunes, etc. Entre ces deux marchés, une surenchère sur le taux de produit psychoactif dans leur drogue. Parfois, le taux de THC (Tétra-Hydro-Can­nabinol) y est tel, qu'il procure de sévères hallucinations, plus proche du LSD que du "joint" de papa.

Ajoutons que les filous-légalisateurs promettaient une mine d'or de recettes pour l'État - le coup du trésor caché facilite les escroqueries depuis l'Ancien Testament. Bien sûr, c'était faux. À calculer honnêtement - ici, les taxes émanant de la drogue légale ; là, les coûts de santé pu­blique, nombreux accidents de voiture sous drogue, etc., le cannabis lé­gal rap­portait en 2020 ± 1% des recettes fiscales de la Californie.

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Un changement sur la fiscalité de ces produits pourrait-il, en faisant chuter les prix, attirer les consommateurs vers les boutiques officielles et mettre fin au commerce illégal ? 

J'en doute : le marché illicite a une infinie capacité de surenchère. Avec ses taux de pro­fit dé­passant toujours les 50% ; parfois 70% ; plus bien sûr, zéro taxes et impôts, les narcos peuvent brader leurs produits le temps qu'il faut. Au Canada, ils sont de 10 à 15% moins cher que le cannabis taxé-légal et ainsi, surnagent aisément. Plus, les vastes capaci­tés de falsification du cybermonde. Exemple : dans la même rue de Vancouver (ville que je connais bien), deux bou­tiques de cannabis indiscernables, la même drogue dedans, avis de taxa­tion, licence, etc. en vitrine - l'une, légale et l'autre, 100% contrefaite ! Au point que les poli­ciers locaux ignorent combien il y a de ces boutiques en ville, légales ou non. Par piratage, la contrefaçon falsifie même en douce des dossiers d'enregistrement de la mairie...

Pensez-vous qu’un tel phénomène se produirait en France si le cannabis était légalisé à des fins récréatives ? Pensez-vous que la société française soit prête à accepter une légalisation? 

Légaliser ou pas, interdire ou non, relève de l'exécutif. Les drogues étant illi­cites de­puis le XIXe siècle, leur production, trafic, etc. est toujours sous la coupe du crime or­ganisé. Comme crimi­nologue, je suis donc compétent pour alerter les pouvoirs publics et l'opi­nion sur les risques et périls d'un changement du statut légal des stupéfiants. Or ce que je constate à présent, dans le monde, m'amène à avertir d'évolutions périlleuses :

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• Bousculés, handicapés au départ (confinements, bouclages de frontières) les caïds de la drogue - Asie centrale, Rif du Maroc, cône nord de l'Amérique latine, "Triangle d'Or", ont vite saisi l'immense opportunité offerte à eux : gouvernants obnubilés par le COVID ; pu­blic per­turbé, avide de paradis artificiels. Depuis, c'est l'inondation planétaire de stupéfiants - canna­bis, héroïne, amphétamines, cocaïne, etc. On en saisit toujours plus - donc il en passe de sept à neuf fois plus. Tout cela, par violence massive, corruption et intimidation. N'oublions pas que les exportateurs de stupéfiants répondent sur leur vie du suc­cès de leur trafic.

• Attention, notamment, au Tsunami balayant l'Europe, d'une fort criminogène cocaïne. Par­tout et toujours (États-Unis en tête), son irruption a provoqué un bain de sang entre gangs se disputant le gâteau. En Europe, ça débute sur la façade nord-Atlantique, de Rotterdam au Havre. Attention à la suite, dans les quartiers hors-contrôle.

Peut-on voir des similitudes dans le contexte américain et français ? 

Oui, l'aveuglement. L'incapacité de voir clair et vite ce qui émerge. La reptation de déma­gogues devant des gourous anarchistes et médias-bobos ; devant une "jeunesse" frelatée et son inepte copier-coller du "gangsta-rap" des ghettos américains. D'un côté, on lance une (fac­tice) "guerre à la drogue" en raflant de ci-de là quelques kilos de can­nabis - là où en France, il s'en fume une tonne par jour (minimum) ; de l'autre, des bobos-Ma­cron prosternés devant des rappeurs, de facto vitrine "culturelle" de narcos des zones hors-contrôle. 

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