Emmanuel Macron veut plus d’argent public pour la transition écologique : est-ce bien nécessaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chef de l'Etat a récemment appelé à de plus grands investissements dans le cadre de la transition écologique.
Le chef de l'Etat a récemment appelé à de plus grands investissements dans le cadre de la transition écologique.
© Ludovic MARIN / POOL / AFP

Colossal

Le chef de l'Etat a appelé, lors de la visite de Charles III, à de plus grands investissements dans le cadre de la transition écologique. Mais la méthode n'est pas la bonne.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : Emmanuel Macron a affirmé, lors de la visite de Charles III, qu'il était nécessaire de dépenser plus d’argent pour la transition écologique. Est-ce bien nécessaire ? L’Etat ne met-il pas assez d’argent sur la table ? 

Fabien Bouglé : Je suis toujours stupéfait de voir que la France ava dépenser des milliards pour une transition écologique alors qu’il appartient aux pays les plus pollueurs de réaliser des réformes importantes. L’argent pour la transition écologique et la transition énergétique, c’est un peu le serpent de mer ! Il faut quand même revenir à la raison. La France est un des pays les plus vertueux au monde pour ses émissions de gaz à effet de serre. La France a un des mix électriques les moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Les efforts sont accomplis par la France. Nous n’avons rien à prouver. Je ne vois pas pourquoi nous devons faire des efforts pour « compenser » les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne sans penser les émissions de particules de charbon. Allons-nous mettre des milliards pour compenser les augmentations de pollution réalisées par la Chine ou par l’Allemagne ? Tout ceci me paraît insensé.

Don Diego de la Vega : Ce sont des dizaines de milliards vous voulez dire. C’est colossal ! Il y a l’argent public, mais il y a aussi toutes les dépenses que le secteur privé doit faire pour se conformer à la réglementation. Une somme très difficile à chiffrer car c’est un maquis de réglementations.

La transition écologique, ça coûte très cher. Mais, en tant qu’économiste, ce n’est pas ça qui me pose un problème. Si l’objectif de décarboner l’économie à marche forcée est considéré comme vital. Si c’est un objectif prioritaire et absolu, alors je dois m’incliner. Je peux dire cependant qu’il y a des méthodes plus efficientes pour y arriver. Des méthodes plus rapides qui vont coûter moins cher. 

Si on estime que la transition est un sujet important, voir crucial ; alors il faut des ressources pour la financer. Comment trouve-t-on ces ressources ? Est-ce qu’il faut passer par une taxe carbone ? ou Est-ce qu’il faut passer par d’autres solutions ?

Prenons la taxe carbone. C’est l’instrument préconisé de longue date car c’est elle qui va le moins perturber l’économie à court terme. Le problème, c’est qu’elle n’est plus audible politiquement. Aux Etats-Unis, vous perdez les élections si vous créez une taxe. En France, on est arrivé à un niveau de taxation titanesque. Sans compter que lorsqu’on ajoute une taxe, c’est rarement pour en enlever une autre. On se retrouve donc avec des solutions de second rang, c’est-à-dire de la dépense publique plus ou moins financée par du déficit.

La taxe carbone n’étant plus audible, les économistes préconisent de passer par des mécanismes de marche ou par des initiatives privées. La boîte à outils est très large. 

Nous avons également un secteur public et parapublic important dans le secteur financier. En France, nous avons le bras armé de l’Etat avec la caisse dépôt et de consignation et de nombreuses entités qui répondent avantageusement aux injonctions de Bercy. Nous avons aussi tout un tas de mécanismes de financements et de fonds de transition énergétiques plus ou moins directs. Tout ça est en place et en forte progression. D’autant plus qu’il y a un énorme mur réglementaire qui arrive en provenance de Bruxelles. 

Là où ça coince, c’est que le secteur financier s’aperçoit qu’il n’y a pas de demande client. Sur le terrain, les clients n’ont pas envie d’aller dans des fonds verts. Ils n’ont pas envie de financer des éoliennes. Ce qui pose quand même un petit souci ! Nous avons également des problèmes d’embouteillage. Il y a beaucoup d’argent guidé dans ce secteur. Tout ceci a créé une bulle. Depuis deux ans, il y a un recalcul qui est fait. C’est bien gentil la finance verte mais on est peut-être aller un peu vite en besogne.

Quand on parle de transition écologique, de quoi parle-t-on exactement ? 

Fabien Bouglé : Souvent quand on parle d’argent pour la transition énergétique, on pense aux éoliennes ou aux panneaux solaires. Des énergies renouvelables. Actuellement, il y a d’ailleurs au niveau mondial une explosion financière de la filière éolienne qui connaît des soubresauts et qui demande des subventions supplémentaires.

Là, on parle de sobriété énergétique, des passoires thermiques… On essaye de trouver des solutions pour diminuer notre consommation énergétique et pour éviter la pollution. Ça va être par exemple supprimer les centrales à gaz. Il y a tout un tas de mesures. Mais, c’est vrai qu’il y a une forme d’abstraction. Derrière toutes ces mesures, par exemple celles pour l’isolation ; nous nous sommes rendu compte qu’il y avait beaucoup d’escroqueries. Je crains malheureusement qu’on investisse de l’argent à fond perdu dans des mesurettes qui ne servent à rien.

Au-delà des enjeux environnementaux que personne ne conteste, Emmanuel Macron utilise-t-il la bonne méthode ? 

Don Diego de la Vega : La réponse est non. Une méthode que je préconise parce qu’elle ne coûterait rien, c’est de revoir à la baisse les taux d’actualisation. Il permet de calculer la caleur actuelle d’un actif en reflétant le niveau de risque des flux futurs qu’il génère. Là-dessus, l’Etat pourrait donner le bon exemple. La transition énergétique ce sont des secteurs qui prennent beaucoup de temps. Vous investissez beaucoup et très longtemps avant que ça ne devienne rentable et utile socialement. Vous traversez ce que l’on appelle « une vallée de larmes », une courbe en J. Vous mettez de l’argent et vous n’en voyez pas le retour pendant longtemps. L’économie verte est une économie qui prend du temps. C’est du long terme. Une bonne transition écologique doit s’envisager sur 30 Ans. Une bonne solution pour y parvenir, c’est donc d’abaisser les taux d’actualisation. Pour cela, il faut faire de la pédagogie. Il faut aussi du courage et faire pression sur la BCE pour qu’elle ne remonte pas trop ses taux d’intérêt. Cela suppose donc un dialogue musclé avec la BCE. J’y crois beaucoup. Si on n’abaisse pas les taux d’actualisation, alors tous les sujets environnementaux sont des sujets de communication. 

Le deuxième point, c’est le nucléaire. On nous a beaucoup vanté la relance du nucléaire depuis quelques mois en France. En prenant les chiffres gouvernementaux et les dates qui ont été posées pour 2038, on a un problème. Le nombre de centrales prévues, c’est grosso modo le nombre de centrales qu’il faudra fermer dans les 20 prochaines années. Donc en réalité, ce n’est pas une relance du nucléaire. C’est une tentative de stabilisation du nucléaire. Le problème c’est que l’électricité, il en faudra certainement deux fois plus dans 25 ans. Ça va être apporté par qui ? ça va être apporté par quoi ? ça ne peut pas être apporté par les éoliennes et le solaire puisque ce sont des énergies intermittentes. Il faut être sérieux et avoir un vrai plan de relance beaucoup plus ambitieux pour le nucléaire. Pour cela, la première étape c’est de baisser les taux d’actualisation car ça va coûter très cher la première année. 

Si c’est la taxe carbone, il faut la faire dans le cadre d’une refonte de la fiscalité française. C’est là où la responsabilité d’Emmanuel Macron est engagée puisqu’il est aux commandes des finances françaises depuis 8 ou 9 ans. Nous n’avons rien vu du côté de la réforme de l’Etat. Aucun gain de productivité dans le secteur public. Pour introduire une taxe carbone importante et significative sans augmenter les impôts en global ; il faut que l’Etat fasse des gains de productivité. C’était la responsabilité directe d’Emmanuel Macron. Il a beaucoup promis en 2017 et il n’a rien fait. 

Fabien Bouglé : Pour moi, il y a une sorte de paradoxe incroyable. Lorsqu’on parle de transition énergétique et d’énergies intermittentes, nous avons toujours plein d’argent. Par contre, lorsqu’il s’agit de financer la recherche sur le nucléaire durable, alors là on nous dit qu’il n’y a plus d’argent et qu’on ne sait pas comment financer. Pourtant, le nucléaire est le système énergétique qui assure cette transition écologique pour nous éviter de dépendre des énergies fossiles. 

Pour moi, c’est encore des effets d’annonce du Président de la République. Mettons de l’argent dans le nouveau nucléaire. 

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