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Emmanuel Macron saura-t-il détacher le bloc des députés socialistes dont il aurait besoin pour "tuer" Hollande ?
©Reuters

À la Giscard-Chirac 1974

En 1974, Jacques Chirac avait isolé Jacques Chaban-Delams en se ralliant 43 députés et en privant ainsi le candidat naturel de l'UDR de toute possibilité de victoire. Si Emmanuel Macron se targue d'une quarantaine de soutiens, il est peu probable qu'il soit suivi par un nombre important de parlementaires lorsqu'il annoncera sa candidature. En effet, ceux-ci ont une aversion pour le risque, et se ranger derrière l'ancien ministre de l'Economie comporte de trop nombreuses incertitudes.

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Atlantico : En s'écartant de la majorité présidentielle et en préparant à priori une campagne présidentielle en indépendant, Emmanuel Macron semble aujourd’hui se retrouver dans une situation comparable à celle de Chirac en 1974, étant parvenu à isoler Jacques Chaban-Delmas, en se ralliant 43 députés et en privant ainsi le candidat naturel de l'UDR de toute possibilité de victoire. Emmanuel Macron, même s'il semble se défendre de toute volonté d'user des techniques de parti, serait-il en passe de "chabaniser" François Hollande ? Ne s'agit-il pas du seul moyen à sa disposition lui permettant de se mettre en "situation" ?

Jean-Jérôme Bertolus : "Chabaniser" François Hollande est une expression intéressante. Néanmoins, les différences sont très notables entre 1974 et aujourd'hui.

Premièrement, Emmanuel Macron s'inscrit dans la continuité de la nouvelle société développée par Jacques Chaban-Delmas. Il  incarne aujourd'hui cette espèce de centre-gauche, de centrisme promu par Jacques Chaban-Delmas qui a tant irrité Marie-France Garaud et Pierre Juillet. Deuxième différence essentielle dans le combat politique : Jacques Chirac était à l'époque ministre de l'Intérieur. Ce statut lui a permis d'être en liaison avec les préoccupations de tel ou tel parlementaire et explique qu'il ait réussi à établir une liste de 43 députés. Troisième différence, alors que Jacques Chirac a trahi Jacques Chaban-Delmas avec sa fameuse liste des 43 députés, aujourd'hui François Hollande et Emmanuel Macron sont assez seuls : Emmanuel Macron, même s'il se targue d'une quarantaine de soutiens, est en réalité assez isolé et n'a qu'un cœur de 6 ou 8 personnes derrière lui, quant à François Hollande, il a taillé en morceaux sa propre majorité.

En revanche, ce qui peut rapprocher Jacques Chirac d'Emmanuel Macron, c'est la trahison. La trahison d'Emmanuel Macron est tellement transgressive qu'elle rappelle celle de Jacques Chirac à l'égard de Jacques Chaban-Delmas. Jacques Chirac a trahi son propre camp – puisque son parti était derrière Jacques Chaban-Delmas -. Si Emmanuel Macron ne trahit pas forcément son parti, il trahit quand même une partie de la gauche institutionnelle et celui qui l'a fait, François Hollande. Des trahisons très fortes, émerge toujours une dynamique, reste à savoir quel cours prendront les événements dans les semaines qui viennent.

De son côté, Jean Christophe Cambadélis a d'ores et déjà prévenu que les députés tentés par l'aventure d'En marche, aux côtés d'Emmanuel Macron, ne pourront sans doute pas se prévaloir de l'investiture socialiste aux prochaines législatives. En quoi Emmanuel Macron, s'il veut garder les instances du parti, doit-il rallier un nombre suffisamment important de députés pour empêcher de telles mesures de rétorsion de la part de Solférino ? Un tel scénario est-il pour autant probable ? Quelles sont les chances d'Emmanuel Macron de parvenir à un tel résultat ?

Tout d'abord, il est tout à fait naturel que Solférino menace de ne pas investir les parlementaires qui soutiennent Emmanuel Macron. Emmanuel Macron se lance avec un mouvement, pas un parti, et essaie de briser le carcan de l'affrontement droite-gauche ainsi que le carcan du scrutin majoritaire de la Ve République. Il est normal que le système tel qu'il existe depuis la formation de la Ve République se rebelle et tente de garder la main.

Emmanuel Macron avait cité cette phrase de Marcel Pagnol " Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau : achetez une île ! ". La candidature d'Emmanuel Macron est à risque. Or, les parlementaires détestent cela car ils sont déjà confrontés au risque intrinsèque de l'élection - surtout dans un climat très compliqué -. Ils ne vont donc pas précariser davantage leur situation en se rangeant derrière un candidat qui va échouer, exploser en vol et ne pas atteindre le deuxième tour. 

Rallier à lui un nombre important de parlementaires ne peut être le cas qu'aujourd'hui en cette période de flou, avant la candidature et à un moment où les sondages sont bons. Quand Emmanuel Macron annoncera sa candidature et entrera en campagne, les canonnières se feront entendre. La situation deviendra nécessairement plus difficile quand Emmanuel Macron rentrera de plein feu dans l'arène. Des parlementaires regagneront alors la rue de Solférino, surtout si François Hollande se déclare. Même s'ils pensent que François Hollande n'a qu'une chance sur un million, les parlementaires le choisiront.

Par ailleurs, si les centristes peuvent faire des scores très honorables à la présidentielle, ce n'est pas le cas aux législatives. Ainsi, les parlementaires qui ne sont ni de droite ni de gauche n'ont de sièges que quand ils s'allient soit à la droite soit à la gauche (et que la droite ou la gauche leur réservent une circonscription). Mais seuls contre la droite ou la gauche, ils n'ont aucune chance. Cela joue également en la défaveur d'un ralliement important de députés à la candidature d'Emmanuel Macron.

Quels sont les moyens dont dispose François Hollande permettant de "museler" son ancien ministre de l'Economie ?

François Hollande dispose du système de la Ve République. Il peut enclencher la dynamique d'une candidature à la présidentielle qui s'appuie sur un parti et un réseau d'élus locaux –même si ce réseau a été un peu amoindri -. La présidentielle est une machine à éreinter les voix différentes, les voix hors système : que ce soit la machine du scrutin ou la machine médiatique. 

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