Emmanuel Macron pourra-t-il survivre à une éventuelle accumulation de sondages le donnant en grand danger face à Marine Le Pen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un sondage Elabe pour BFMTV montre que la probabilité d'une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022 face à Emmanuel Macron monte au sein de la population.
Un sondage Elabe pour BFMTV montre que la probabilité d'une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022 face à Emmanuel Macron monte au sein de la population.
©Eric Feferberg

2022

Un nouveau sondage "L'opinion en direct", réalisé par l'institut Elabe et publié ce jeudi par BFMTV, a voulu évaluer la perception que les Français ont de Marine Le Pen. Ce sondage révèle que près d'un Français sur deux estime la victoire de Marine Le Pen en 2022 possible. Emmanuel Macron semble relativement affaibli au regard des récentes études d'opinion. Cette accumulation de sondages peut-elle lui être préjudiciable ?

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard, docteur et habilité à diriger des recherches en histoire des institutions et des idées politiques, est maître de conférences à l'ICES (Institut Catholique d'Études Supérieures).

Il enseigne ou a enseigné dans divers autres établissements comme Sciences-Po Paris. Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d'ouvrages scientifiques parmi lesquels Dictionnaire de la politique et de l'administration (PUF, 2011) et Introduction à l'histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2éd., 2011), ou destinés au grand public, dont L'instruction civique pour les nuls (First, 2e éd., 2015). Il est également l'auteur de La guerre à droite aura bien lieu, (Desclée de Brouwer, 2016).

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Atlantico : Selon le dernier sondage Harris Interactive pour L’Opinion, Emmanuel Macron l’emporterait au second tour de la présidentielle de 2022 avec 53% des suffrages exprimés contre 47% pour Marine Le Pen. Un sondage Elabe pour BFMTV montre lui que la cote d'une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle monte au sein de la population. 48% des Français la voient comme "probable". Emmanuel Macron semble relativement affaibli, même s’il est donné gagnant. Cette accumulation de sondages peut-elle lui être préjudiciable ?

Guillaume Bernard : Oui et non. Un certain nombre de personnes souhaitent lui trouver un remplaçant qui occuperait le même espace politique – la grande coalition centrale – ce qui peut l’affaiblir. De l’autre côté, ça ne lui porte à mon avis pas encore préjudice car on est encore loin de la présidentielle. Or, il n’y aura de remplaçant possible qu’une fois qu’Emmanuel Macron aura abandonné l’idée d’une candidature. Le président sortant décide s’il est ou non candidat. Or comme on est loin de l’élection, l’accumulation de ces sondages bloque cela mais aussi la possibilité d’une candidature alternative à la droite de la droite. A partir du moment où l’on dit que Marine Le Pen progresse pour le second tour et peut potentiellement gagner, cela étouffe toute possibilité de voir progresser des candidats. Que cela soit des personnalités qui existent déjà, comme Jean-Frédéric Poisson, ou des candidats qui n’existent pas encore mais qui pourraient essayer de rentrer dans la course, type Eric Zemmour. Mais ils seraient considérés comme des parasites à la candidature de Marine Le Pen. Ces sondages désignent l’adversaire du second tour et bloquent les possibilités de recomposition du paysage politique. D’autant qu’une candidature parasite à droite pourrait aussi nuire à Emmanuel Macron. L’opinion publique est très majoritairement à droite et une candidature alternative pourrait prendre la place du second finaliste plutôt que d’empêcher Marine Le Pen d’être au second tour.

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Vous dites qu’un certain nombre de personnes souhaitent qu’Emmanuel Macron ne se représente pas, de qui parle-t-on ?

La grande coalition macronienne, la droite et la gauche modérée, par son positionnement central sur le spectre politique a, en théorie, la garantie de l’emporter. Mais son inconvénient c’est qu’en cas d’échec, s’il y a un rejet de l’opinion publique, restent les extrêmes. Dans la situation antérieure la droite et la gauche modérées gouvernaient alternativement et pouvaient même être amenées à être en cohabitation. Il y avait donc à la fois la possibilité de coalition et d’alternance. Donc pour pouvoir pérenniser la grande coalition centrale il n’y a que peu de solutions. Soit celui qui l’incarne est bankable et peut gagner, soit il devient un handicap et doit être remplacé. Si tous ceux qui ont contribué à faire émerger Macron considèrent qu’il est un handicap à cette pérennisation, ils chercheront à faire émerger un candidat de substitution. En ce moment, le nom que l’on donne généralement est celui d’Edouard Philippe. Il s’est mis en retrait et a quitté le gouvernement après avoir jugulé l’épidémie et est maintenant à l’abri du mécontentement de l’opinion publique. On peut parfaitement envisager que les thuriféraires ou les soutiens de cette grande coalition modérée puissent souhaiter qu’il y ait un remplaçant qui se présente.  

Le problème d’Emmanuel Macron est qu’il n’est pas à la tête d’un appareil politique avec des sections locales et des élus locaux nombreux et enracinés. LREM est essentiellement composée de transfuges du PS et de LR, ce n’est pas une structure stable. Emmanuel Macron en est le chef incontesté aujourd’hui parce qu’il est le président de la République mais s’il s’avérait être un obstacle à la victoire de sa coalition, il serait sans doute poussé vers la sortie. Pour autant s’il décide de se représenter, il peut s’imposer comme le candidat LREM. Lui-même, publiquement, a dit qu’il ne savait pas s’il serait à nouveau candidat. Vraisemblablement, il veut l’être, ne serait-ce que parce qu’un ensemble de mesures qu’il souhaitait prendre ont été retardées.

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Ceux qui ont souhaité la constitution de cette grande coalition en substitution de l’alternance droite/gauche avaient forcément en tête l’idée que l’alternance se ferait avec les extrêmes une fois qu’ils arriveraient au pouvoir. Dans ces conditions, sa pérennisation passe peut-être par le fait de changer de candidat.

Marine Le Pen a déclaré « je pense que je vais gagner l’élection présidentielle » jeudi soir sur BFM TV, les sondages ne la donnent pas gagnante mais a-t-elle raison d’y croire ?

Marine Le Pen peut gagner, selon les circonstances, c’est une possibilité. Toutefois, tous les critères du sondage Elabe ne sont pas réjouissants pour elle. Ces sondages confirment d’abord que la proximité doctrinale et programmatique entre le RN et les autres formations se fait au niveau de l’électorat filloniste et non mélenchoniste. Reste à savoir si Marine Le Pen l’entend et comment elle fera campagne. Ensuite, il nous dit que les idées de droite sont majoritaires. Il y a environ 60 % des Français qui déclarent être parfois en accord avec des idées de Marine Le Pen. On le sait d’études antérieures, les mesures de droite sont majoritaires dans l’opinion publique quand elles sont présentées sans étiquetage politique. Cela s’annule dès qu’on étiquette la mesure. C’est le signe d’une défiance envers les partis politiques et un désamour vis-à-vis des formations politiques qui explique d’un côté la victoire de Macron et de l’autre le fait que tant que le spectre politique ne se réorganisera pas, il sera susceptible de rester bloqué. C’est ce qui me fait dire que la recomposition politique doit se faire sur la base d’une clarification doctrinale, d’une porosité électorale, au-delà des partis politiques. Enfin, l’enquête d’Elabe nous dit que 35 % des Français sont prêts à voter pour Marine Le Pen, ce n’est pas nouveau non plus. On sait qu’il y a un noyau dur qui vote quoi qu’il arrive Front National, environ 17 %, et un électorat volatile qui a pu voter pour le RN, le faisant monter jusqu’à 35 %. On retrouve donc ce chiffre. La banalisation du RN est incontestable. En 2002, Jean-Marie Le Pen est au second tour ce qui déclenche des manifestations partout en France. En 2017, il n’y a pas eu de manifestations mais l’électorat s’est cristallisé sur son adversaire. En 2022, cette cristallisation pourrait ne pas avoir lieu. Tout un ensemble d’électeurs, notamment de gauche, ne se reporteront pas sur l’autre candidat, le faisant baisser au profit de Marine Le Pen. Le résultat Harris 47-53 en faveur de Macron est dû à une petite progression de Marine Le Pen dans l’électorat filloniste mais surtout à un non-report de la gauche. La progression de Marine Le Pen est donc relative et essentiellement dûe au fait que le cordon républicain ne fonctionne plus vraiment.

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