Emmanuel Macron, ou la stratégie du coup de com’ permanent<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron à Valence, le 8 juin 2021.
Emmanuel Macron à Valence, le 8 juin 2021.
©PHILIPPE DESMAZES / POOL / AFP

Saturation des micros

Emmanuel Macron s'est lancé dans un tour de France, qui doit compter une dizaine d'étapes d'ici mi-juillet, pour "aller au contact des Français". Une stratégie loin de cette de la "parole jupitérienne rare" qu'il envisageait au début de son mandat.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : Avec ses nombreux voyages en région, Emmanuel Macron occupe fortement l'espace médiatique. Il multiplie aussi les interventions dans les médias. Que produit l'omniprésence d'Emmanuel Macron dans les médias sur son image ?

Benoît de Valicourt : Le Président de la république a entamé un tour de France pour prendre le pouls du pays. Il sait le patient malade mais il veut juger par lui-même. Pas sûr que ce qu’il voit soit la réalité ; entre visites choisies, rencontres préparées et bains de foule (normalement) maîtrisés, le Professeur Macron est un chef de service pressé qui distille à l’aréopage de conseillers et préfets qui l’entoure ses instructions en attendant la prochaine visite.

Les résultats ne seront pas visibles d’ici la présidentielle de 2022 et le risque pour le Président est de montrer au grand jour l’inefficacité de son action, d’être perçu comme un candidat et non un chef d’Etat et de donner l’impression de profiter du déconfinement pour prendre l’air !

Qui plus est cette tournée nationale tombe mal dans le calendrier politique, les élections départementales et régionales sont dans une semaine et Macron, l’air de rien, soutient ses candidats en très mauvaise posture dans les sondages.

Les Français ne sont pas dupes, les sorties médiatisées du Président Macron sont celles du candidat Macron aux frais du contribuable.

Il n’y a pas de recette miracle pour un président en fin de mandat mais le contexte particulier de la crise sanitaire imposait sans doute de montrer un homme en action et non un homme en promenade qui plus est après ses prestations clownesques avec Carlito et Mcfly, deux sympathiques saltimbanques. Macron pensait sûrement que la jeunesse trouverait cela branché mais la réalité est que la fonction présidentielle s’en trouve affaiblie. Le Président de la république devient Monsieur Tout le monde à qui on colle une baffe comme on ferait la bise.

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Il ne servait à rien de critiquer le Président normal !

Cette présence médiatique sert-elle une stratégie ? Est-elle efficace pour le Président ?

La stratégie recherchée est sans doute celle de l’homme en action, proche de ses « chers compatriotes » mais nous savons tous que cela est parfaitement orchestré. Il n’en demeure pas moins que le Président multiplie les messages d’inclusion. Il y a donc là un message qui s’adresse tout particulièrement à son challenger des sondages … L’inclusion de MACRON repose sur la division du pays en deux camps : les gentils et les méchants.

Cette stratégie politique est totalement simpliste et désuète. La France n’est pas coupée en deux, d’un côté les électeurs macronistes et de l’autre les électeurs lepenistes. La France est morcelée, éclatée ; les idées ne sont plus incarnées par manque de leader et de courage.

La stratégie de Monsieur Macron repose donc sur l’image d’un homme qui aime la France et les Français.

Les dernières séquences télévisuelles d’Emmanuel Macron méritent un décryptage : le pas alerte, tout sourire, le teint halé, costume gris et non plus marine sans doute pour marquer la transition avec le monde d’avant, les mains jointes comme Mère Thérésa, le Président enchaînent les selfies avec majoritairement des jeunes. D’ailleurs sont-ils électeurs où en âge de l’être en 2022 ? Toujours est-il que ces photos qui vont alimenter les réseaux sociaux sont les mêmes avec n’importe quelles personnes connues : chanteurs, footballeurs, acteurs et plus rarement écrivains …

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Ce n’est donc pas l’action du Président de la république qui est saluée mais Emmanuel Macron le beau gosse qui est photographié avec Kevin, Lola, Jonathan ou Mila pour être partagé sur TikTok avec des effets tendance et la petite musique qui va bien !

Mais, allo quoi ? on parle du Président de la 6ème puissance du monde pas de Doum’s !

Dans quelle mesure cette saturation des médias change le jeu politique ? La fonction présidentielle ne va-t-elle se rabaisser à celle d'un premier ministre ?

On passe en dessous du stade de Premier ministre ! J’ai davantage l’impression de voir Marlène Schiappa que Jean Castex d’ailleurs en quarantaine pour ne pas faire d’ombre au Président !

Le problème pour Macron est que cette stratégie est en contradiction totale avec ce qu’il a voulu imposer au début de son mandat. Pour le 8ème président de la Vème République, la parole présidentielle devait être rare pour être juste, celle su sage. La parole de Jupiter ne se mélange pas à celle des mortels.

Macron a souvent fustigé la « tyrannie de l’immédiateté » reprochant le manque de recul. En médiatisant toutes ses sorties, Emmanuel Macron désacralise la parole de Jupiter et par là même le statut du chef de l’Etat.

Finalement la difficulté de Monsieur Macron est sa contradiction permanente, son fameux « en même temps », il veut être Jupiter et se comporte comme un people à une soirée de promotion, il veut être un chef de guerre et prend une baffe par un gamin de 20 ans, il veut réformer le pays et renoue avec le monde d’avant, il veut défendre la démocratie et sacrifie le PS et LR pour n’affronter que Marine Le Pen, …

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Macron est partie en campagne électorale très tôt, trop tôt. La bonne stratégie aurait sans doute été d’attendre les résultats des régionales et des départementales, de gérer la sortie du confinement, la vaccination, la fin du masque, les examens des lycéens et des étudiants, l’inflation des matières premières et la répercussion sur la compétitivité de nos entreprises… Bref les sujets ne manquent pas pour un président en action et non en représentation.

Macron est le président d’une génération, celle de l’image, de l’immédiateté, du narcissisme et de la vacuité. Jupiter est un dieu de la mythologie, nous savions qu’il n’existe que dans les livres, nous avons fait semblant d’y croire, nous avions besoin de rêver.

Le livre se referme, un autre nous attend sur l’étagère, quel en sera le thème ? Le combat d’une femme, la fin d’un cycle ou l’émergence d’un homme providentiel ?

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