Macron ne doit pas fermer les yeux sur la régression béninoise en matière de droits de l’homme<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président français Emmanuel Macron descend de l'avion à son arrivée à l'aéroport international Nsimalen de Yaoundé, le 25 juillet 2022.
Le président français Emmanuel Macron descend de l'avion à son arrivée à l'aéroport international Nsimalen de Yaoundé, le 25 juillet 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Inquiétude de la communauté internationale

Alors que le président Emmanuel Macron arrive au Bénin pour une visite à Cotonou, il doit rencontrer le président Patrice Talon. Il s’agit pour la France de l’occasion d’exprimer l’inquiétude de la communauté internationale face au terrible recul observé au Bénin depuis 2016 en matière de démocratie et de droits de l’homme.

Rogatien Biaou

Rogatien Biaou

Rogatien Biaou est un homme politique et diplomate béninois. Rogatien Biaou a été ministre des Affaires étrangères du Bénin du 12 juin 2003 au 16 février 2006.  Il est président de l’Alliance Patriotique Nouvel Espoir, un parti d’opposition au Bénin.

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Le Bénin était considéré, jusqu’à il y a peu, comme un exemple démocratique en Afrique de l’Ouest, avec la construction d’une démocratie stable à partir de 1991, date à laquelle Mathieu Kérékou a cédé pacifiquement. Nous étions fiers de contribuer à la vague de démocratisation qui s’est produite en Afrique de l’Ouest après la guerre froide, et fiers de devenir l’une des démocraties les plus stables d’Afrique subsaharienne.

Malheureusement, depuis 2016, nous assistons à la démolition de cette précieuse démocratie. Le président Talon a utilisé la justice pour attaquer ses adversaires politiques, et de nouvelles règles électorales et des mesures répressives contre ses rivaux politiques lui ont permis de consolider son pouvoir en 2021. Des violences policières meurtrières ont été commises contre des manifestants et des militants ont été arrêtés. Sous son régime, nous avons vu disparaître toute possibilité d’opposition légitime.

Il a arrêté des personnes qui publiaient des messages critiques à son sujet sur Facebook, emprisonné des journalistes et fermé des journaux et des stations de radio importants. De nombreux critiques soulignent que parmi les personnes qu’il poursuit pour « corruption », la plupart sont dans l’opposition et l’on pense que les accusations sont fallacieuses. Ce mois-ci encore, l’organisation bruxelloise Human Rights Without Frontiers (HRWF) a déposé un rapport sur le Bénin auprès de l’Examen périodique universel des Nations Unies. Le rapport exigeait la libération de Reckya Madougou et Joël Aivo, respectivement condamnés à 20 et 10 ans de prison. HRWF a alerté la communauté internationale qu’ils ne figuraient pas sur une liste de 17 détenus qui devaient être libérés temporairement après une rencontre le 13 juin 2022 entre le président Patrice Talon et Thomas Boni Yayi, ancien président du Bénin (2006-2016). Que le président Macron quitte le Bénin sans exiger la libération des prisonniers politiques Madougou et Aivo auprès du président Talon serait honteux.

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Joseph Djogbenou, ancien avocat personnel du président Talon, est devenu président de la Cour constitutionnelle du Bénin le 8 juin 2018. Ancien ministre de la Justice, Djogbenou est spécialisé dans la criminologie et il n’est pas considéré comme rompu au droit constitutionnel et public. Sa nomination même à ce poste, étant donné qu’il est l’avocat personnel de l’actuel président, est alarmante et doit être vue comme une manœuvre de Patrice Talon pour placer l’institution sous son contrôle et faire voter des lois opposées à la volonté du parlement et du peuple.

Il existe également de vives inquiétudes quant à son nouvel organe judiciaire, connu sous le nom de CRIET, prétendument créé pour lutter contre la corruption et le terrorisme, mais manifestement utilisé par abus de pouvoir pour cibler les rivaux politiques du président Talon. La situation ne s’arrête pas là. Après que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est prononcée à plusieurs reprises contre les politiques de son administration, le gouvernement Talon a empêché cette dernière d’entendre les affaires portées contre lui par des individus et des organisations non gouvernementales.

Quand le président Macron s’adresse au président Talon, il ne doit pas oublier qu’il s’adresse à un homme qui enracine son autocratie au Bénin. Il ne devrait pas se faire d’illusions. Il ne devrait pas non plus penser qu’il est acceptable de détourner le regard. Depuis trop longtemps, la France a tendance à se ranger aux côtés du président en exercice, en Afrique et au-delà, disposée à s’accrocher à l’entité connue, au statu quo, même s’il est clair qu’un dirigeant travaille activement contre le progrès démocratique et les droits de l’homme. Alors que la France améliore et fait évoluer ses relations avec les anciennes colonies, il est essentiel que de telles relations se construisent sur des bases d’égalité et de dialogue honnête et ouvert. Les vrais amis disent la vérité. La France n’apporte pas un véritable soutien au Bénin lorsqu’elle ferme les yeux sur la persécution des leaders de l’opposition comme Reckya Madougou et Joël Aivo.

Rogatien Biaou est un homme politique et diplomate béninois. Rogatien Biaou a été ministre des Affaires étrangères du Bénin du 12 juin 2003 au 16 février 2006.  Il est président de l’Alliance Patriotique Nouvel Espoir, un parti d’opposition au Bénin.

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