Emmanuel Macron n’a pas convaincu mais les syndicats ne se rendent pas compte qu’ils partagent la responsabilité de l’échec<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Laurent Berger et Sophie Binet lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, le 6 avril 2023.
Laurent Berger et Sophie Binet lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, le 6 avril 2023.
©THOMAS SAMSON / AFP

Atlantico Business

La situation est de plus en plus inextricable. Le chef de l’État s’est donné 100 jours pour restaurer une légitimité politique. Les chefs syndicaux ne se rendent pas compte qu’ils ont besoin de légitimité pour actionner les ressorts de la démocratie sociale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Pour lensemble de la classe politique et une grande partie du monde médiatique , Emmanuel Macron na pas convaincu lopinion que la page du dossier retraite était tournée. Après la décision du Conseil constitutionnel et la promulgation de la loi, le « chemin démocratique » est sans doute arrivé à son terme. Sauf qu’on sent bien quil na pas calmé la colère populaire qui transfert son opposition sur dautres dossiers socio-économiques.

Le président de la République sest donné 100 jours pour restaurer une légitimité politique qui lui permettrait de reconstruire une majorité afin de pouvoir gouverner.  Ce sera concrètement la mission dElisabeth Borne. Bon courage parce que le terrain ne sy prête pas. Parce que de lautre , pour que la démocratie sociale fonctionne, il va falloir que les syndicats soient eux aussi plus légitimes.

On ne pourra pas reprocher au président de la République de manquer de détermination dans sa volonté de rénover ce « bon et vieux pays paralysé dans son conservatisme » comme disait le Général De Gaulle.

Pour moderniser , il faut des idées, de limagination et les moyens de les faire accepter. Et pour ce faire, il faut certes une majorité politique ou des moyens constitutionnels mais il lui faut aussi des partenaires sociaux qui prennent leurs responsabilités. Or, les partenaires sociaux, quon le veuille ou non, nont pas pris dans cette crise leurs responsabilités de co-gérants du modèle social fondé sur le principe du paritarisme. Ils ont créé une intersyndicale qui a relativement bien fonctionné mais cette intersyndicale offre une unité qui ne sappuie sur aucune proposition alternative, sauf la décision de sopposer à lexécutif.

À Lire Aussi

Emmanuel Macron voudrait réduire la fracture sociale. OK, sauf qu’il faudrait donner aux syndicats une légitimité réelle…

Les syndicats de fonctionnaires sont très discrets parce que leurs troupes sont relativement épargnés dans leurs conditions de travail si on les compare aux risques que prennent les salariés du privé. Les syndicats de fonctionnaires savent quils peuvent ronronner sur leur statut , leur sécurité de lemploi , leurs salaires ( moyens mais garantis )  et  surtout sur le matelas épais des dépenses de l’État ( près de 60 % du PIB).

Leur seule crainte à terme, cest la baisse des dépenses de l’Etat et la fatigue du contribuable. Donc, dans cette affaire, les fonctionnaires ne se sont pas mobilisés massivement pour bloquer la France.

Le syndicat de la CGT a défendu des postures assez radicales, non pas par idéologie mais pour préserver son unité. Certaines branches de la CGT se sont livrées à des agressions violentes contre loutil de travail sans provoquer la réprobation ni des responsables politiques, ni de la presse, ni des organes centraux de la CGT. On pense évidemment à ce qui sest passé à Marseille et dans tous le secteur énergie  ou des cégétistes en sont venus à détériorer  un outil de travail des salariés du privé quils prétendent défendre. Sylvie Binet, la nouvelle secrétaire générale, ne semble pas disposée à la conciliation, prétextant que le président de la République nai pas fait beaucoup deffort. Le problème est quil faudra bien atterrir un jour. La CGT ne peut pas restée en marge

La Cfdt est restée jusqualors fidèle aux positions de lintersyndicale et participera à la grande manifestation du 1e mai , mais son secrétaire général Laurent Berger sait très bien quil faudra reprendre la négociation et tenir compte des réalités. Il a dailleurs lambition de sauver les régimes de retraites et il a beaucoup dénoncer les refus de lexécutif de l’écouter une fois « le délai de décence passé ». Il reprendra les discussions sur toutes les questions économiques et sociales. Il espère même que cette crise sera loccasion de reprendre linitiative et la capacité de négocier dans les entreprises les améliorations des conditions de travail, à condition quelles soient compatibles avec les contraintes commerciales et financières. Laurent Berger est capable de défendre cette culture du compromismais il risque de se retrouver seul, parce que ça nest pas actuellement le credo de lintersyndicale.

À Lire Aussi

Pour les milieux d’affaires, E. Macron doit retrouver une majorité politique et fabriquer un consensus social. C’est la quadrature du cercle

Emmanuel Macron a commis beaucoup derreurs dans sa manière de gouverner, cest évident, il a manqué de majorité politique certes, mais il a aussi manqué de partenaires sociaux fort et responsables. Il na rien fait pour écouter les syndicats qui se sont braqués mais les syndicats eux-mêmes nont pas fait trop deffort.

Pour une raison simple. Les syndicats ont eux aussi un problème de légitimité. Ils ne sont pas assez puissants. Emmanuel Macron a peut-être été mal élu.  Mais du côté social, les chefs syndicaux ont toujours été désignés à lissue de combinaisons internes un peu confuses. Le problème majeur est donc que les syndicats ne sont pas représentatifs du monde du travail. Légalement, ils le sont mais dans la vraie vie, ils sont à côté de la plaque. Le nombre global dadhérents ne dépasse pas 11% des salariés. Donc pour affirmer leurs convictions, ils doivent adopter des positions souvent excessives et démagogiques, doù leur culture du conflit et leur acceptation de la violence comme moyens dactions.

Les syndicats ne peuvent parler de démocratie sociale que si et seulement si ils sont légitimes et ils ne seront légitimes que sils sont représentatifs du monde du travail. Ce qui est le cas dans les pays de l’Europe du Nord.  

Et pour avoir plus dadhérents, le pouvoir politique pourrait tenter de rendre le syndicalisme obligatoire dans les entreprises.

Mais les syndicats pourraient eux aussi se rendre plus désirables et utiles.  Cest souvent le cas dans les grandes entreprises via les comités dentreprise, via les représentants du personnel dans les conseils dadministration. La majorité des chefs dentreprises ne souhaitent qu’une chose cest davoir à côté du contre-pouvoir des actionnaires, un contre-pouvoir des salariés. Cest aussi la stratégie de la CFDT. Qui lui réussit puisquelle est devenue le premier syndicat dans le privé. Depuis le début du conflit, elle a dailleurs engrangé beaucoup dadhésions ce qui nest pas le cas des autres syndicats.

À Lire Aussi

Emmanuel Macron se donne 100 jours pour tout changer …

Lexistence même de syndicats forts est la condition nécessaire au fonctionnement dune économie paritaire comme la France.

Le chef de l’État a 100 jours pour restaurer une légitimité politique. Il pourrait aussi aider le monde syndical à se doter dune légitimité sociale.  Sinon, les 100 jours nauront servi à rien ou alors à exacerber les fractures. Dans l’Histoire de France, le précédent des 100 jours s’était mal terminé pour le chef dEtat de l’époque.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !