Quand c’est flou, y’a un loup
Macron / Le Pen : le match des grands méchants flous
Rarement une présidentielle aura-t-elle vu s’affronter deux candidats aux programmes, vision et stratégie aussi ambigus, mouvants ou confus. La démocratie française en verra forcément la facture…
Philippe Charlez
Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.
Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.
Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.
Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.
Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge
Gabriel A. Giménez Roche
Gabriel A. Giménez Roche est professeur associé d'économie à NEOMA Business School. Il enseigne la macroéconomie, la théorie des cycles et les processus entrepreneuriaux dans des programmes de premier cycle et des cycles supérieurs. Il porte un vif intérêt aux sujets macroéconomiques qu'il commente dans la presse française et internationale. Ses recherches portent sur la théorie du malinvestissement, la zombification économique et les routines entrepreneuriales. Les recherches de Gabriel ont été publiées dans le Quarterly Review of Economics and Finance, Small Business Economics, The World Economy, Journal of Economic Issues, entre autres. Il est membre de l'American Economic Association et de la Royal Economic Society.
Guillaume Klossa
Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.
Charles Reviens
Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.
Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice.
Atlantico : Rarement une présidentielle aura-t-elle vu s’affronter deux candidats aux programmes, vision et stratégie aussi ambigus, mouvants ou confus toutes thématiques confondues. La démocratie française va-t-elle en payer le prix ?
Charles Reviens : Les élections présidentielles 2022 s’insèrent dans le cadre institutionnel français doublement marqué par la présidentialisation des institutions et l’extension croissante de l’encadrement des pouvoirs exécutif et législatif par l’autorité judiciaire. Il ne faut oublier l’influence tout à fait décisive du mode de scrutin français pour les élections présidentielles et législatives qui permet en quelque sorte à un mouvement politique structurellement minoritaire (mais moins que les autres mouvements) de pouvoir accéder à tous les leviers du pouvoir au niveau national.
Par ailleurs les élections ses déroulent deux ans après le début de la pandémie covid-19 et 6 semaines après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne ce qui a également conduit à contraindre la sérénité dans l’exercice du suffrage chère à Jean-Pierre Chevènement. Par ailleurs les deux candidats de l’élection du 24 avril se sont qualifiés à l’issue du premier tour plutôt marqué par un ménage à trois : le troisième candidat, Jean-Luc Mélenchon, est à 400 000 voix de Marine Le Pen, à deux millions de voix d’Emmanuel Macron et a enfin réuni sur son nom trois fois plus de voix que le 4ème Eric Zemmour.
D’où une configuration particulière du second tour avec l’attention majeure portée aux électeurs du candidat du Front Populaire, combinée avec le poids respectif des jeux liées aux dangers de l’extrême droite, avatar fané du théâtre antifasciste décrit par Lionel Jospin dès 2007 ou de l’opposition à la personne d’Emmanuel Macron. Sur le plan institutionnel, la compétition du second tour ravive notamment la dispute entre défenseurs de l’Etat de droit et protecteurs de la souveraineté populaire.
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CHAPITRE 1 : ECONOMIE
Pour Marine Le Pen :
Gabriel Giménez Roche : Dans le programme de Marine Le Pen, il y figure des mesures qui ne se différencient pas beaucoup de ce qui existe déjà. Par exemple, la proposition d’exonération des cotisations patronales pour le SMIC. En quoi cela sera si différent de la réduction Fillon ? Un autre exemple est la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité à 5,5%. Mais bon nombre de produits basiques sont déjà assujettis à ce taux. Il s’agirait d’un élargissement du dispositif, j’imagine.
Marine Le Pen propose aussi d’exonérer des cotisations patronales les entreprises qui embauchent et/ou augmentent les salaires d’au moins 10%. Très bien, mais quels sont les seuils ? La mesure sera-t-elle neutre fiscalement ? Comment financer les dépenses sociales normalement associées à ces cotisations ? Rien n’est clair à ce sujet. Mais étant donné que son programme ne prévoit pas des baisses des dépenses existantes, ces nouvelles dépenses devraient être financées par l’impôt ou encore plus de dette. Si elle ne le fait pas, elle va juste creuser le déficit, ce qu’elle reproche d’ailleurs à Emmanuel Macron. Il y a donc de vraies contradictions dans les objectifs.
Sur les retraites, elle va à l’encontre de la plupart des études qui montrent que maintenir la retraite à 60-62 ans n’est pas viable si l’on veut maintenir les pensions. Elle propose une indexation des retraites sur l’inflation, mais le problème c’est que toute indexation implique une inertie de l’inflation. En effet, tenter de protéger le pouvoir d’achat par le biais des indexations est contradictoire.
Marine Le Pen veut sortir du marché européen de l’énergie, mais cela conduirait à augmenter les prix de l’énergie pendant les périodes où la France importe de l’énergie, ce qui est contraire à son objectif de pouvoir d’achat. C’est une vraie incohérence.
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Elle souhaite aussi recruter plus de fonctionnaires (justice, police), augmenter le budget de la Défense, etc. mais il y a un grand flou, comme sur beaucoup de parties de son programme, sur la manière dont cela sera financé. Il y a beaucoup de dépenses mais peu de recettes.
En effet, comment veut-elle tenir un budget à l’équilibre, alors qu’elle souhaite réduire, voire supprimer dans certains cas, la TVA et supprimer l’impôt sur le revenu et sur les sociétés pour les actifs de moins de 30 ans ? Son parti parle beaucoup de trouver des recettes en transformant l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune financière, mais l’ancien ISF rapportait très peu tout en ayant une incidence sur les deux fortunes.
Le manque de clarté sur le financement des mesures est un fléau typique de tous les candidats dans toutes les élections, mais dans le programme de Marine Le Pen, le flou est juste trop grand au vu de l’ambition de ce qu’elle promet.
Pour Emmanuel Macron :
Gabriel Giménez Roche : Sur le pouvoir d’achat, Macron propose des baisses d’impôts de l’ordre de 15 milliards pour les entreprises et les ménages. Concernant les entreprises, c’est dans la continuité de son programme de 2017. Baisse des impôts sur les sociétés ainsi que baisse des impôts de production. Pour ce qui est des ménages, nous avons une moindre visibilité, d’autant qu’il a déjà baissé l'impôt sur le revenu pour certains. C’est un point de flou.
Concernant les prestations sociales, le programme de Macron rationalise l’attribution des prestations sociales qui seraient versées à la source. Ceci éviterait donc aux personnes éligibles à ces prestations d’avoir à entamer des procédures bureaucratiques pour toucher ces prestations. Cette mesure implique une redondance de l’infrastructure bureaucratique de la CAF qui se charge actuellement de ses dossiers. Si on ne la supprime pas, ce sera surnuméraire. Actuellement, rien n’est dit sur le futur de cette infrastructure au lendemain de l’application de cette mesure. C’est un peu flou pour déterminer s’il y aura ou non des économies à faire.
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Emmanuel Macron demande des contreparties en échange du RSA pour les chômeurs. C’est une idée que l’on voit chez certains économistes postkeynésiens qui sont contre toute aide sociale sans contrepartie. Je ne sais pas si son idée vient de là, mais le problème de ce genre de mesures est qu’elles nécessitent une infrastructure nouvelle de l’État pour que tous les gens concernés aient une activité. Les dépenses pour l’infrastructure en sus du RSA risquent d’être plus élevées que les bénéfices des contreparties pour la société. À voir.
Emmanuel Macron a aussi annoncé vouloir supprimer la redevance. C’est un petit geste pour les ménages. Néanmoins, la privatisation de l’audiovisuel public ne figure pas sur son programme. S’il n’y a pas de financement alternatif pour compenser la perte de la redevance , comme le retour des publicités dans l’audiovisuel public, cela représentera un poste de dépense supplémentaire à être financé par le contribuable.
CHAPITRE 2 : INSTITUTIONS
Pour Marine Le Pen :
Charles Reviens : Le programme 2022 de Marine Le Pen est très adouci par rapport à ceux de 2012 et 2017 sur le plan des institutions : comme indiqué dans une contribution sur son programme économique et social, la mesure clé de la sortie de l’euro et de l’Union européenne est globalement abandonnée depuis l’automne 2017.
Le programme institutionnel européen se limite à graver dans la Constitution et par référendum la supériorité du droit français sur le droit international et notamment européen.
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Le domaine des institutions n’est de fait pas central dans le programme 2022 mais avec une position orthogonale par rapport à Emmanuel Macron :
- élections législatives à la proportionnelle ;
- Référendum d’Initiative Citoyenne réclamé notamment pour le mouvement des gilets jaunes, avec notamment un référendum rapide sur les questions migratoires ;
- préservation de la logique jacobine.
On retrouve chez Marine Le Pen des thématiques finalement relativement proches des campagnes Mélenchon et Zemmour, en opposition avec le relatif conservatisme institutionnel d’Emmanuel Macron en 2022 sur cette thématique peu porteuse électoralement mais infiniment structurante pour la vie démocratique.
Pour Emmanuel Macron :
Charles Reviens : Emmanuel Macron est d’abord le président sortant et donc il faut regarder dans le champ de institutions comme tous les autres le respect de son programme de 2017 et sa pratique du pouvoir.
Concernant le respect du programme de 2017, on a la combinaison de promesses tenues, comme la loi de moralisation de la vie publique votée dès 2017 dans les suites de l’affaire Fillon mais aussi la suppression de la taxe d’habitation qui constitue de fait une mesure de recentralisation au profit de l’Etat. On peut noter les réformes de transformation des règles de la fonction publiques d’ailleurs percutées par les affaires relatives à McKinsey. Mais on note la non mise en œuvre de la réduction du nombre de parlementaire et de l’instauration au moins partielle du scrutin à la proportionnelle pourtant promise début 2017 a l’allié Modem.
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Mais il faut encore d’avantage regardé l’exercice du pouvoir bien synthétisé dans une note de l’Institut Montaigne, note plutôt critique pour un thinktank patronal peu réputé pour son anti-macronnisme primaire : « l’exercice solitaire du pouvoir, déjà encouragé par la pratique présidentialiste de nos institutions a été renforcé par la crise des gilets jaunes et surtout par la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19 (…) Les nombreuses restrictions portées aux libertés publiques et la multiplication des prérogatives confiées au seul exécutif ont constitué un précédent inédit en temps de paix (…) Si de nouvelles modalités de consultation (le grand débat national, la convention citoyenne pour le climat, les conférences de dialogue social) ont été mises en place, elles ont davantage constitué des réponses à certaines des crises qui ont émaillé le quinquennat plutôt qu’elles n’ont fait partie d’un plan d’ensemble cherchant à ressourcer les pratiques de la démocratie représentative dans notre pays. Elles ont même pu, parfois, sembler orthogonales au bon fonctionnement de celle-ci ».
On note en effet une juniorisation sans précédent de l’Assemblée nationale, un recours fréquent au Conseil de défense et aux ordonnances. On note enfin une attention particulière aux question des relations avec les médias et un certain encadrement de la liberté d’expression via la loi de 2018 contre la manipulation de l’information (« loi fake news ») et la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux (« loi Avia ») très largement censurée par le Conseil constitutionnel justement au nom de la protection de la liberté d’expression.
Si l’on passe au programme 2022, on retrouve le crédo européen dans la poursuite de la mise en place d’une solidarité financière de la zone euro pour le programme de relance covid.
Les mesures relatives au Parlement sont beaucoup plus techniques et on constate que plus aucune mention n’est faite au scrutin proportionnel.
Par ailleurs le référendum n’est pas prévu comme moyen de consultation du peuple dont le programme prévoit des modalités de consultation alternatives avec des conventions citoyennes ou des budgets participatifs.
Le programme 2022 est davantage décentralisateur que celui de 2017 avec la réactualisation du conseiller territoriale institué durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy ou la décentralisation au niveau intercommunal ou communal de la politique publique du logement.
CHAPITRE 3 : SECURITE ET JUSTICE
Pour Marine Le Pen :
Pierre-Marie Sève : L’honnêteté m’oblige à dire que Marine Le Pen a très largement compris les problématiques de Justice et de sécurité. Pour l’avoir personnellement interrogée à ce sujet en interview pendant la campagne, j’ai constaté qu’elle connaissait très bien les problèmes et les solutions. Son programme a d’ailleurs été construit par Jean-Paul Garraud, ancien magistrat et ancien député UMP, annoncé ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy en 2012, et qui a une connaissance impressionnante du sujet.
Le think tank que je dirige a d’ailleurs rédigé un comparatif des programmes dans le cadre du 1er tour de l’élection présidentielle, et nous avons constaté que toutes les grandes mesures structurelles nécessaires pour rétablir la Justice étaient présentes dans le programme de Marine Le Pen.
Il en va ainsi du rétablissement des peines planchers, de l’expulsion des délinquants étrangers, de la construction de 20 000 places de prison, de la réduction des aménagements de peines, etc…
Alors que notre Justice souffre d’un engorgement depuis 40 ans, d’un angélisme coupable et d’un manque de volonté flagrant, il n’y a malheureusement qu’une révolution pénale qui permettrait de rétablir la Justice et la sécurité pour tous. Notre comparatif avait largement montré que tous les candidats de la droite avaient compris cette idée, de Valérie Pécresse à Eric Zemmour, en passant par Nicolas Dupont-Aignan.
C’est également le cas de Marine Le Pen.
Pour Emmanuel Macron :
Pierre-Marie Sève : Le programme d’Emmanuel Macron en termes de Justice et de sécurité ne souffre pas d’ambiguïté car il n’existe tout simplement pas. Alors que la Justice en aurait urgemment besoin, Emmanuel Macron n’a proposé aucune réforme structurelle de la Justice. Il se borne à augmenter les moyens de la police en proposant d’ailleurs des mesures inutiles à ce point de vue comme l’augmentation du recrutement de policiers alors que nous sommes déjà à des sommets historiques.
En l’absence de programme pour la Justice, il n’y a que le bilan d’Emmanuel Macron qui fait office de programme en la matière. A ce sujet, son bilan ne joue pas en sa faveur : une hausse du nombre de coups et blessures et d’agressions sexuelles, une libération de 5 à 6 000 détenus lors des confinements, une promesse non-tenue de 15 000 nouvelles places de prison, une loi pénitentiaire qui a interdit les courtes peines de prison, alors que c’est précisément ce qu’il faudrait faire.
Pour être honnête, en tant qu’observateur de la Justice et de la sécurité, je suis très déçu par Emmanuel Macron lors de cette campagne. L’absence totale de mesures en matière de Justice et de sécurité prouve que ni lui, ni ses équipes n’ont pris conscience de l’importance du sujet, pourtant régulièrement en tête des préoccupations des Français.
Si Emmanuel Macron était réélu, il y a très fort à parier que la situation sécuritaire de la France continuerait sur la même lancée, c’est-à-dire qu’elle continuerait à se dégrader rapidement sans qu’aucun geste ne soit fait pour contrer cette tendance.
CHAPITRE 4 : ENERGIE
Pour Marine Le Pen :
Philippe Charlez : Le programme de la candidate du RN pèche par une absence alarmante de chiffres, d’explications et de précisions. Ses trois propositions phares sont coûteuses voire irréalistes et dangereuses.
Ainsi baisser la TVA à 5.5% sur l’ensemble des énergies coûterait annuellement à l’Etat plusieurs dizaines de milliards d’euros de manque à gagner (12 milliards pour les seuls carburants).
Par ailleurs, si la candidate est également favorable au grand carénage et à la construction immédiate de 6 EPR, elle souhaite totalement arrêter les projets éoliens (on et off-shore) et démanteler progressivement les parcs existants. Une mesure à la fois coûteuse (entre de 5 à 10 milliards d’euros pour démanteler l’ensemble du parc) mais surtout doublement aberrante. En supprimant l’éolien, les objectifs d’électrification demanderaient (1) de doubler la génération électrique gazière et (2) conduiraient à un accroissement significatif des émissions.
D’autant qu’elle souhaite parallèlement sortir du système électrique européen. Cette décision nous priverait en partie voire en totalité des importations d’électricité depuis nos voisins européens qui, compte tenu des 15 réacteurs nucléaires actuellement en maintenance, nous ont permis de « passer l’hiver au chaud ». Avec Marine Le Pen investissez dans de gros pulls pour passer une partie de l’hiver prochain !
Pour le reste, son programme repose sur des poncifs généraux non chiffrés comme « assurer notre indépendance énergétique pour baisser la facture des Français », « relancer la filière hydroélectrique et investir dans la filière hydrogène »ou encore« mieux accompagner l’isolation des bâtiments ».
En déclarant que « le véhicule électrique à batterie est un modèle transitoire, » et que « le vrai saut technologique serait l’hydrogène », elle démontre une ignorance totale du futur rôle de la mobilité électrique qui à terme pourrait couvrir 75% des kilomètres parcourus.
Si sa connaissance des autres dossiers est aussi approximative que celui de l’énergie, elle pourrait revivre le 20 avril prochain la soirée cauchemardesque du 5 mai 2017.
Pour Emmanuel Macron :
Philippe Charlez : Le programme d’Emmanuel Macron est très abouti. Rien d’étonnant puisqu’il repose principalement sur l’un des scénarios publiés par RTE fin 2021. On peut d’ailleurs poser la question de l’éthique d’un Président en exercice utilisant une entreprise publique pour indirectement lui consolider son programme. Emmanuel Macron effectue un virage à 180° par rapport à ses engagements de 2017. Plus de fermetures de réacteurs nucléaires en état de fonctionner, lancement du grand carénage prolongeant de 20 ans les 56 réacteurs existant, constructions immédiates de six nouvelles EPR et étude de faisabilité de 8 autres. En matière de renouvelables, il ambitionne d’atteindre à l’horizon 2050 100 GW de solaire (x8), 37 GW d’éolien terrestre (x2) et 40 GW d’éolien off-shore. Son programme contient toutefois deux incohérences majeures.
La réduction annoncée de 40% de la consommation d’énergie finale (par rapport à 2019) est incompatible avec une croissance économique continue et une volonté de réindustrialisation. Pour maintenir une croissance minimum de 1% par an cette réduction ne devra pas excéder 25%.
Par ailleurs, dans la mesure où seulement 15 GW de nucléaire existant resteront en service à l’horizon 2050, malgré la mise en œuvre massive de solaire et d’éolien, il faudrait 30 EPR (et non pas 14!) pour assurer une production d’électricité totalement décarbonée. Mission impossible pour une filière dont les compétences se sont évaporées en une vingtaine d’années. Implicitement, l’électrification devra donc inclure une partie significative de gaz naturel. Un point qui est manifestement passé sous silence.
CHAPITRE 5 : EUROPE
Pour Marine Le Pen :
Guillaume Klossa : Il y a clairement une ambiguïté chez Marine Le Pen. Elle a évité le plus possible d’aborder le sujet européen car tout montre depuis 10 ans que l’UE a changé profondément pour s’adapter aux besoins des citoyens européens. Or tout son argumentaire est sur la nécessité de transformer l’Europe en une Alliance de nations ne disposant pas d’un droit commun s’imposant à tous, c’est-à-dire de règles communes. Elle est entrée dans une stratégie d’évitement. Elle dit donc ne plus vouloir sortir la France de l’Europe mais elle veut miner l’Europe de l’intérieur. La conséquence sera de créer une dynamique d’affaiblissement de l’Union au moment où cette dernière à besoin de s’affirmer comme puissance mondiale. Ce que propose Marine Le Pen, c’est donc un Frexit rampant. Ce n’est pas la sortie de la France de l’Union européenne, mais la denonciation progressive de tous les principes qui font la force de l’Union (règles communes, contribution financière solidaire, politiques communes dans des domaines ou l’efficacité des politiques nationales est limitée …), alors que la France a été au cœur de toutes les actions de renforcement de l’Union européenne depuis 70 ans et que l’intégration européenne est au cœur de l’identité politique du pays depuis 70 ans.
Pour Emmanuel Macron :
Guillaume Klossa : Emmanuel Macron ne s’est jamais présenté comme un fédéraliste européen. Il a en revanche défendu une vision consistant à dire que si la France veut peser, elle a intérêt à renforcer l’Union européenne car le monde change de manière rapide et brutale avec le renforcement des super puissances continent qui s’incarne dans la concurrence entre la Chine et les Etats-Unis. Durant son mandat, il a expérimenté les limites d’une action unilatérale de la France : au Liban, dans sa relation avec Trump, avec Poutine. Il a su aussi contribuer à mobiliser l’Union pour limiter les effets économiques et sociaux potentiellement désastreux de la crise du Covid grâce au plan européen de relance et mettre en œuvre une stratégie de production et de distribution de vaccins anti-covid efficace.Le programme européen d’Emmanuel Macron est cohérent. Le grand sujet qui mériterait plus d’ambition, c’est la question de la démocratie européenne. Emmanuel Macron a évoqué le sujet lors de la présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en décembre. La conférence sur l’avenir de l’Europe doit faire des propositions concrètes le 9 mai prochain sur ce sujet, le président pourrait alors se les approprier s’il est réélu.
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