Emmanuel Macron chute dans les sondages mais l'opposition s'en porte-t-elle mieux pour autant ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Emmanuel Macron chute dans les sondages mais l'opposition s'en porte-t-elle mieux pour autant ?
©Eric CABANIS / AFP

Et les autres ?

Emmanuel Macron a enregistré une impressionnante baisse dans les sondages au mois de juillet. Le limogeage du Général De Villiers a joué un rôle. Il concentre de plus beaucoup de critiques. L'opposition pourrait vraiment en profiter pour se renforcer.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »

Malgré la chute de popularité d'Emmanuel Macron, aucune opposition ne semble, aujourd'hui, en tirer profit. Comment expliquer cette situation de vase non communiquant ?

Pour le moment, les électorats potentiels des oppositions à Emmanuel Macron, qu’elles viennent de la droite ou de la gauche, sont encore en situation de « stand by ». L’élection présidentielle n’est pas encore assez loin dans le temps et la restructuration de ces oppositions est en chantier en cours.  Une partie des électeurs, une fois passée la séquence électorale, était avant tout indécise : à la fois en interrogation sur ce que veut faire le Président de la République et avec l’idée de lui donner sa chance compte-tenu notamment de l’ampleur du renouvellement que cette séquence électorale a réalisé. On voit très nettement dans les enquêtes d’opinion réalisées ces derniers jours que l’évolution des opinions vis-à-vis d’Emmanuel Macron s’est faite à la baisse dans ce segment de l’électorat qui était indécis à son égard. Les oppositions potentielles n’en tirent pas encore profit et leurs électorats sont également en attente à leur égard.  L’évolution à la baisse des opinions vis-à-vis d’Emmanuel Macron (et d’Edouard Philippe aussi), traduit que ce sont les thèmes que le nouveau pouvoir a mis en avant (politique de rigueur budgétaire, annonces du gel des salaires dans la fonction publique, jour de carence, APL, etc..) et le sentiment d’incohérence qui sont sanctionnés ; il ne s’agit pas encore de mobilisation politique par et en faveur des oppositions. Mais ce n’est qu’une question de temps car les opinions des électeurs sont toujours sous-tendues par des variables idéologiques, des systèmes de valeurs politiques et ceux-ci vont progressivement se remettre « en marche », si je puis dire…

Si Jean Luc Mélenchon est parvenu à faire exister son groupe au sein de l'Assemblée, la droite semble en retrait avant ses échéances internes de l'automne. Alors que la rentrée sera dominée par la loi travail, la droite ne sera t elle pas une nouvelle fois handicapée par un projet de loi correspondant parfois aux attentes de ses propres électeurs ? Malgré son impopularité actuel, le piège tendu par Emmanuel Macron est il en train de se refermer sur la droite ?

Il est certain que Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise captent pour le moment l’attention et le rôle d’opposant. La France insoumise est même parvenue à faire, très rapidement, apparaître de nouveaux visages pour incarner cette opposition, par exemple le jeune Adrien Quatennens ou Alexis Corbière. Pour la droite, c’est beaucoup plus compliqué : non seulement son candidat à la présidentielle a marqué négativement la campagne présidentielle, mais l’un des siens est devenu Premier ministre et l’un de ses espoirs (Bruno Le Maire) occupe une place de choix au gouvernement. Par ailleurs, la droite retrouve une fois de plus ses divisions internes entre ses différentes composantes. Au-delà de ces éléments, liés à la présidentielle, se pose une vraie question forte à la droite : que veut-dire être de droite aujourd’hui au plan économique et au plan des enjeux de société ? Ces questions sont les questions les plus importantes mais la droite a également une autre difficulté qui me semble plus prioritaire pour elle : faire émerger rapidement de nouveaux leaders et une nouvelle organisation. La question de leadership et de l’image de celui ou celle qui porte la parole est aujourd’hui très importante dans la perception qu’ont les électeurs des propositions des partis. Il me semble que cette question est la plus urgente si la droite veut renouer le lien avec ses propres militants et électeurs.

Au regard des préoccupations des français, quels sont les terrains, les thèmes, les plus favorables pour permettre la structuration d'une opposition à Emmanuel Macron ?

Il faut plutôt parler des oppositions, au pluriel. La question du chômage, les inégalités sociales et le pouvoir d’achat, mais aussi les questions liés aux politiques d’immigration continuent d’être en tête des préoccupations des français et bien sûr l’ordre de ces préoccupations n’est pas le même dans les différents électorats.  La structuration des oppositions se fera de toute manière de manière assez inéluctable : les élections intermédiaires (européennes 2019, municipales 2020) vont sans doute permettre aux oppositions de se donner une perspective. Tout dépendra donc du rendez-vous d’Emmanuel Macron avec les grandes variables socio-économiques : réduction du chômage, des déficits publics mais aussi le pouvoir d’achat et les salaires. Si la dimension libérale de la politique économique du nouveau gouvernement s’affirme, les thèmes de gauche (inégalités et injustices sociales) reprendront de la vigueur dans l’opinion publique. Si une dimension sociale s’affirmait dans la politique du gouvernement (pour le moment on ne le voit pas bien…), ce serait les thèmes de droite (déficits publics, trop d’impôts et de fonctionnaires) qui reprendraient des couleurs. En bornant le débat public avec le « et de gauche et de droite », Emmanuel Macron a compris qu’il devait endiguer ces logiques de thermostat dans l’opinion publique ; mais les incohérences possibles entre des thématiques de gauche et de droite dans son action toute comme le fait que le balancier va plus dans un sens que dans l’autre (ne serait-ce que pour des raisons de logique économique, comme en ce moment avec la priorité aux déficits publics), pourront certainement donner du grain à moudre aux oppositions. Il ne serait pas étonnant de voir une conjonction des oppositions tentant de prendre Emmanuel Macron « en sandwich » : ni assez de gauche, ni assez de droite. Mais tout ceci, pour les deux oppositions (de gauche et de droite), sera largement conditionné par leur capacité à incarner le renouveau (nouveaux visages, nouvelles formes partisanes), une demande que les Français ont fortement exprimée lors de la présidentielle. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !