Les éjaculateurs précoces ne sont-ils que des égoïstes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’homme qui éjacule vite n’a qu’une jouissance moindre, sans parler de sa culpabilité par rapport à sa partenaire.
L’homme qui éjacule vite n’a qu’une jouissance moindre, sans parler de sa culpabilité par rapport à sa partenaire.
©Lucky Comics 2004

Plus vite que son ombre

Le docteur Sylvain Mimoun démontre que si cela nuit au plaisir féminin, l'homme qui éjacule vite est en fait le premier pénalisé. Extraits de "Antiguide de sexualité" (1/2).

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun est gynécologue, andrologue, psychosomaticien. Il est directeur du Centre d'andrologie de l'hôpital Cochin à Paris; Il est également chroniqueur radio et TV, notamment au Journal de la santé (France 5) où il tient la rubrique "Questions sexo".

Il est l'auteur de "La masturbation rend sourd : 300 idées reçues sur la sexualité " aux éditions First.

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L’éjaculation précoce est le premier motif de consultation de l’homme jeune devant l’impuissance ou les troubles du désir. C’est dire s’il concerne beaucoup d’hommes et de couples. Est-il en hausse ? Rien ne permet de le dire. Il est certain que lorsque les femmes ne voyaient dans l’acte sexuel qu’un pénible devoir conjugal, elles ne devaient pas être si mécontentes que l’affaire soit bouclée rapidement, mais désormais, elles n’ont plus envie de rester sur leur faim, ce qui se comprend très bien. De là est née l’idée que l’éjaculateur précoce ne se soucierait que de son plaisir, et peu de celui de sa compagne, ce qui rejoint une autre idée reçue que nous développerons un peu plus loin, à savoir que l’éjaculation produirait une jouissance automatique. Cette interrogation s’appuie sur le présupposé qu’il suffirait que l’homme fasse attention pour que l’éjaculation n’ait pas lieu.

Mais il faut savoir que, lorsqu’il a dépassé un certain seuil d’excitation, celui-ci ne peut absolument plus se retenir d’éjaculer. Or, ceux qui souffrent de ce trouble ne voient pas venir ce seuil et se retrouvent littéralement débordés par leur éjaculation. L’écrasante majorité des hommes atteints de ce trouble en souffrent profondément et certains éjaculent même avant la pénétration, fait si douloureux pour eux qu’il conduit parfois au suicide. L’éjaculateur précoce a beau faire tous les efforts du monde, rien n’y fait. Pire encore, plus il se concentre, plus il se crispe, et plus l’éjaculation est rapide, le cercle vicieux est en route ! Ce trouble frappe prioritairement les hommes anxieux, ceux qui manquent de confiance en eux, ce qui explique qu’il touche souvent les hommes jeunes.

Le principal problème de l’éjaculation précoce est que celle-ci se transforme en réflexe corporel et, comme tout réflexe, peut devenir automatique, d’où la nécessité de ne pas la laisser s’installer trop longtemps. En tout cas, elle n’a rien à voir avec un quelconque égoïsme… Les premiers psychanalystes ont avancé que ces hommes avaient souvent un problème avec leur désir et avec la féminité : ils vivraient l’éjaculation comme une agression vis-à-vis de la femme et n’auraient qu’une envie, qu’elle soit la plus rapide possible pour s’en débarrasser. Mais en consultation de sexologie, ces cas sont les plus rares et la majorité des hommes sont plutôt englués dans une angoisse et un désir de bien faire, sans parvenir à remplir ce qu’ils estiment être leur fonction d’homme. Les anthropologues ont également leur avis sur la question : les hommes des cavernes, toujours sur le qui-vive quant à une agression potentielle de mammouths ou d’ennemis, auraient pendant des siècles éjaculé rapidement pour être sûrs d’arriver à leurs fins : pas le temps de batifoler, il fallait se reproduire ! Cette théorie est contestée par l’anthropologue Pascal Picq, qui avance que nos ancêtres devaient probablement faire l’amour à l’abri dans leurs cavernes, bien confortablement installés sur des peaux de bêtes, autour du feu, et ne devaient pas avoir tant besoin de se presser…

Quoi qu’il en soit, nous ne sommes plus des hommes préhistoriques, nous savons que l’amour physique a besoin d’étirer le temps pour que la jouissance soit forte. L’homme qui éjacule vite n’a qu’une jouissance moindre, sans parler de sa culpabilité par rapport à sa partenaire, et il en est le premier pénalisé. Il est rare que l’homme ne rencontre ce trouble qu’avec une seule femme, sauf si cette dernière se montre particulièrement castratrice et que l’enjeu de performance exigée est tel que l’homme ne peut y souscrire.

Des conséquences désastreuses sur le couple

En dehors de ce cas particulier, le trouble est toujours très mal vécu par les deux partenaires. Au début, la femme met la précipitation sur le compte de l’émotion, mais ensuite, la frustration s’installe et son désir peut même s’étioler au fil du temps. L’homme se sent incompétent dans l’art de faire jouir sa compagne, malheureux de la voir frustrée, car même les mieux attentionnées finissent par céder à la rancoeur. Petit à petit, la connivence entre eux s’enfuit, un vrai drame dans le couple, la plupart du temps détruit par ce problème.

Ajoutons que la montée de la jouissance de la femme fait souvent passer plus vite encore ce fameux seuil critique, renforçant l’idée que son partenaire ne se préoccupe pas d’elle et de son plaisir. Ces hommes finissent souvent par avoir également des troubles de l’érection, ou bien n’ont plus recours qu’à la masturbation, entretenant la rapidité réflexe de leur éjaculation. La boucle est bouclée… Leur femme les pousse parfois à consulter, mais ils ont honte d’étaler leur vie intime devant un inconnu, fût-il médecin et sexologue ; ils espèrent un miracle, et attendent que la situation évolue d’elle-même, ce qui est rarement le cas.

Ceux qui ont remarqué que leur éjaculation était moins rapide lorsqu’ils avaient une deuxième éjaculation au cours d’un même rapport vont demander à faire l’amour plus souvent. Mais cette technique ne change pas le problème de fond et ce qui est facile à mettre en œuvre à trente ans le sera moins à cinquante. Sans compter que la femme, restée sur une frustration, n’a pas forcément envie de poursuivre les ébats. Résultat : les rapports deviennent de plus en plus rares, l’éjaculation de plus en plus rapide… Certaines femmes, persuadées que le problème est uniquement « psy », poussent leur compagnon à entreprendre une psychanalyse, mais si le problème n’est pas réglé au bout de deux ans, elles risquent de ne plus vouloir faire l’amour ou de le quitter pour un amant qui n’a pas ce trouble.

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Extrait de "Antiguide de sexualité" aux éditions Bréal (23 avril 2012).

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