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Nous sommes tous égaux, mais seulement quand on naît et quand on meurt...
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Lutte des places

L'égalité est le leitmotiv de la démocratie. Dès lors, comment accepter que certains hommes soient naturellement plus disposés que d'autres à prendre le pouvoir ? Pierre-Henri Tavoillot décrypte la source de l'autorité dans "Qui doit gouverner ?" Extraits (1/2).

Pierre-Henri Tavoillot

Pierre-Henri Tavoillot

Pierre-Henri Tavoillot est philosophe, spécialiste de l'histoire de la philosophie politique.

Il codirige la collection "Le Nouveau collège de philosophie" (Grasset).

Il a notamment publié Tous paranos ? Pourquoi nous aimons tant les complots …  en collaboration avec Laurent Bazin (Editions de l’Aube, 2012) et vient de faire paraître Faire, ne pas faire son âge aux Editions de L'Aube.

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Le spectacle de l’égalité humaine n’est visible guère plus de deux jours dans le cours d’une existence : celui de la naissance et celui de la mort. Rien ne ressemble plus à un nouveau-né qu’un autre nouveau-né ; rien ne ressemble plus à un moribond qu’un autre moribond. Mais entre les deux, c’est l’inégalité qui règne. Les différences de physique, de talents, de condition, de volonté, de chances : tout cela entraîne d’innombrables petites hiérarchies que l’on accepte de plus ou moins bonne grâce et qui sont sources d’envie, de ressentiment et de conflits. Le rôle de la politique consiste à les neutraliser ou, du moins, à les maintenir dans des limites acceptables et surtout acceptées. Ce qui peut se faire selon deux logiques opposées: soit on affirme l’égalité de droit entre tous les hommes en considérant les hiérarchies comme inessentielles et secondaires – c’est la solution démocratique moderne ; soit, au contraire, on « durcit » une hiérarchie particulière pour en faire le principe incontestable d’organisation de la société – c’est la solution aristocratique ancienne. Mais, dans les deux cas, il faut produire un discours puissant et convaincant montrant, pour le premier, que les hommes sont égaux en dépit des différences évidentes ; et, pour le second, qu’il y a des hommes supérieurs en dépit du fait qu’ils naissent, meurent et vont au petit coin tout comme les inférieurs.

L’invention du régime de la domination politique (l’État) va placer l’humanité dans ce second cas de figure. Il va donc falloir imaginer de bonnes raisons qui justifient (comme une sorte de rationalisation a posteriori) la prise de pouvoir de certains hommes sur d’autres. Sans doute les différences de force ou de puissance peuvent jouer, mais elles ne suffisent pas. Car, contrairement à ce que dit l’adage, la raison du plus fort n’est jamais la meilleure, puisqu’elle ne dure que ce que dure la force, c’est-à-dire pas très longtemps.

Pour garantir le développement durable du pouvoir, il faut donc trouver le moyen pour qu’il s’impose même en l’absence physique de son détenteur : il faut inventer un pouvoir abstrait. Ce qui exige d’apporter une réponse à deux problèmes : sur quel principe repose la domination politique (c’est la question de l’autorité souveraine ou de la légitimité) ? Et selon quelles modalités doit-elle s’effectuer (c’est la question du meilleur régime ou de l’art politique) ? Pour le dire autrement : d’où provient l’autorité et comment doit-elle s’exercer ? Leur apparition inaugure la longue histoire de la justification du pouvoir, bien ailleurs qu’en Grèce, et bien avant le IVe siècle. Cette histoire continue d’être la nôtre.

Qu’est-ce que l’autorité ?

Rien ne le montre davantage que le retour à la mode de la question de l’autorité. Parmi toutes ces choses que nos yeux étonnés – et déjà dépassés – voient disparaître, l’autorité occupe en effet la meilleure place. Le diagnostic est trop connu pour qu’on s’y arrête : nous vivrions, dit-on, son crépuscule, prélude à sa disparition prochaine. Dans tous les domaines, celle-ci se trouve désormais ébranlée : que ce soit dans la famille, qui a vu l’avènement triomphal de l’enfant-roi ; à l’école, où l’admiration muette pour la science, la culture et le maître n’est plus qu’un pâle souvenir ; dans la cité, même, qui a vu la capacité à gouverner, à ordonner et à punir se réduire comme peau de chagrin. Le père de famille, le maître d’école, le chef politique, le juge : aucune des figures traditionnelles de l’autorité ne paraît plus être à même de résister aux coups de boutoir d’une époque – la nôtre – dont l’antiautoritarisme fut, est et sera le cheval de bataille.

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Extraits deQui doit gouverner ? Une brève histoire de l'autorité, Grasset (2 novembre 2011)

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