E-book en illimité outre-atlantique : le marché du livre face au tsunami du nouveau service d’Amazon à 9,99 $/mois<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration // Portrait de l'écrivain Walt Whitman sur une liseuse électronique.
Photo d'illustration // Portrait de l'écrivain Walt Whitman sur une liseuse électronique.
©Reuters

Logique de flux

Amazon a officialisé sa nouvelle offre : l'accès en illimité à plus de 600 000 e-books pour chaque lecteur acceptant de payer 9,99 $ par mois. De quoi faire frémir le marché.

Nicolas Gary

Nicolas Gary

Nicolas Gary est directeur de la publication du magazine ActuaLitté. Après un cursus universitaire dans le bordelais et les langues anciennes, il entre dans le webjournalisme, avant de fonder ActuaLitté en février 2008.

Il est Intéressé par le monde de l’Open source et des licences Creative Commons, et tout ce qui permet la démocratisation des savoirs.

 

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Atlantico : Amazon va élargir son offre et se lancer sur un nouveau marché : l'e-book en illimité pour 9.99$ par mois. Dans quelle mesure le lancement de ce service va-t-il bouleverser le marché de la souscription d'e-book en illimité ? Quelles étaient les offres jusqu'à présent disponibles ?

Nicolas Gary : Le problème de ce type d’annonce est que l’on a toujours tendance à s’enthousiasmer. Ce qui est certain cependant c'est qu’un nouveau concurrent arrive sur un secteur composé jusqu’à présent de trois principaux acteurs, à savoir deux américains et un espagnol. Si Amazon risque de fortement bousculer ce marché, c’est parce qu’il a une frappe colossale, à savoir plus de 600 000 titres disponibles ! Ils ne signeront cependant peut-être pas avec les plus gros groupes éditoriaux mais auront dans leur catalogue un stock incroyable de livres d’auteurs indépendants et d’auto-publications.

Une fois cela pris en compte, il est fort probable qu’Amazon s’attaque aux petites et moyennes maisons d’éditions. Le géant apportera alors un catalogue 100 % inédit d’auteurs auto-publiés. A ce jour, Hoster et Scribd sont les deux gros acteurs majeurs aux Etats-Unis, avec respectivement 500 000 et 400 000 titres numériques disponibles dans les offres illimitées. Amazon en annonce 600 000 et à mon humble avis, il ne s’agit que d’un minimum. Comme à son habitude, il va jouer au rouleau compresseur.

A quelle stratégie de contre-attaque peut-on s'attendre de la part des concurrents d'Amazon sur ce marché ? Leur faillite est-elle à prévoir ?

Il ne faut pas non plus entrevoir par cette offre l’annonce d’un scénario catastrophe. Les futurs concurrents d’Amazon sur le marché des e-books en illimité vont devenir des outsiders, là où ils étaient des précurseurs et ce, comme à chaque fois qu’Amazon propose un nouveau service. En soi, Amazon n’a rien innové et a attendu que les autres dégagent le terrain afin de s’offrir une voie royale. Cependant, en 2007, ils étaient eux-mêmes les précurseurs de l’appareil connecté avec une librairie intégrée en inventant Kindle. Concernant l’offre d’abonnement, ils ont attendu que l’offre se structure avant d’en profiter.

Cependant, les sociétés actuellement présentes sur le marché de l’e-book  en illimité ont encore de beaux jours devant elles, du fait justement de leur antériorité. Et ce, même si les clients d’Amazon Kindle changent probablement d’offre, que celle-ci fasse des émules et en incite d’autres à souscrire. Le meilleur des scénarios pour ces sociétés serait que l’offre séduise mais ne convienne pas. Le pire – et malheureusement souvent celui le plus probable – serait qu’Amazon soit en mesure de fournir un investissement colossal pour séduire le public en faisant notamment des cadeaux et des remises dès lors que le client souscrit pour une longue période. Il s’agit d’une technique très prisée d’Amazon.

Le scénario intermédiaire serait d’entrevoir une cohabitation, mais celle-ci ne tiendrait qu’un temps et Amazon prendrait forcément le dessus à terme. Le service passe en effet par une application qui fonctionne très bien, on peut lire sur tous les supports et passer de l’un à l’autre très vite.

Qu'est-ce que le consommateur aura à gagner en souscrivant à cette offre ?

Le consommateur aura accès à beaucoup plus de titre. L’offre d’Amazon a toujours su séduire car, comme dirait Jeff Bezos, son PDG, tout est fait pour séduire et faire plaisir au client. L’autre avantage de la nouvelle offre d’Amazon est l’utilisation simple et facile. N’importe quelle personne âgée pourra s’en servir. Avec Amazon, on est dans un écosystème où tout est contrôlé de A à Z – ce qui pose naturellement tous les problèmes d’un univers contrôlé – et donc plus facile d’accès et d’utilisation. Il suffit de cliquer sur ce que l’on souhaite, le numéro de carte bleue est déjà enregistrée, etc. On peut même imaginer d’ici quelques temps des offres avantageuses pour les clients Premium, à savoir l’offre illimitée d’e-books pour 1 $ de plus.

Dans quelle mesure les éditeurs peuvent-ils se retrouver en danger par rapport à ces offres ? Certains auteurs ne seront-ils plus édités ?

Les éditeurs aujourd’hui savent qu’ils vendent des e-books principalement par Amazon. J’en veux pour exemple le groupe Hachette qui réalise 60 % de ses ventes aux Etats-Unis via Amazon. La différence cette fois est que les éditeurs ont jusqu’à présent été habitués à négocier avec Hoster et Scribd. Ils savent donc ce que les deux futurs concurrents d’Amazon leur proposent, c’est-à-dire la rémunération à hauteur du prix ou d’un montant fixé au préalable dès lors qu’un certain pourcentage des livres ont été vendus ou lus. Amazon ne pourra donc pas leur proposer n’importe quoi. D’autant plus que la vente au détail est aujourd’hui monopolisé par Amazon et il est fort envisageable que les éditeurs américains soient un peu réticents à aller sur cette offre illimitée.

En France, cela risque d’être plus compliqué concernant les éditeurs. Amazon a prévu d’y ouvrir le service en septembre ou octobre. Cependant le parc d’auteurs auto-publiés n’y est pas très important. En mars dernier, il représentait entre 15 000 et 30 000. Aux Etats-Unis, on parle de centaines de milliers d’exemplaires ! Et quand bien même, s’ils ne marchent pas, il restera toujours JK Rowling, Hunger Games et le Seigneur des Anneaux. Ces livres ne vont pas forcément attirer les dévoreurs de livres mais suffira à attirer un certain panel de lecteurs.

Quoi qu’il en soit, les grosses maisons d’éditions risquent de ne pas accepter tout de suite mais Amazon peut compter sur les petites et moyennes. Pour elles, il s’agit toujours d’une rentrée d’argent supplémentaire. Il faut bien comprendre que les offres illimitées n’ont jamais été un substitut à la vente au détail ou de gros. Pour l’éditeur, l’abonnement est une source de revenus supplémentaires, une chance de toucher un public qu’il n’aurait pas touché auparavant. Pour les grandes maisons, l’abonnement représente le risque d’une cannibalisation des ventes numériques. Lorsqu’Hachette annonce 30 % de ventes globales en numérique, on comprend leur crainte. Mais en réalité, l’abonnement ouvre un nouveau marché et donc, une source de revenus en plus.

Concernant la question des auteurs qui risquent de ne plus être édités, elle se pose déjà car l’industrie fait preuve d’une certaine frilosité à l’égard des débutants ou des auteurs confirmés mais qui écrivent des livres un peu compliqués.

En quoi cette offre peut-elle bouleverser l'avenir du livre en général ?

On rêve tous que cela amène de nouveaux lecteurs ! En France, on dit souvent que les gens ne lisent plus ou n’aiment plus lire. Mais on ne s’est jamais posé la question de si ces gens ont le temps de lire. Le lecteur vorace, qu’il ait une offre limitée ou illimitée, il s’en moque. Il avalera son stock de livres quoi qu’il arrive ! Peut-être cependant qu’Amazon, en offrant l’accès à des audiobooks, envisage de toucher une nouvelle cible, mais en soi, cette offre ne va pas révolutionner le monde. Trouver pour chacun 20 minutes par jour pour lire serait bien plus révolutionnaire. 

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