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UE Bruxelles AFP

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Euro dollar yuan - AFP

Dollar, Yuan et Euro, Bitcoin… Que se passe-t-il entre les monnaies, les grandes et les nouvelles ?

Mais quel impact la folle valse des milliards (souvent inutilement) dépensés laissera-t-elle pour le monde d’après le Covid ?

L’économiste Robert Mundell est mort et voilà ce que nous devrions absolument en retenir

Le 14e plan quinquennal chinois est moins ambitieux que ses prédécesseurs. Et la Chine pourrait s’en trouver gagnante 

Pierre Liscia : « Mais comment expliquer qu’avec 500 millions d’euros engloutis chaque année dans la propreté, Paris soit aussi désespérément sale ? »

Vers la dépendance des banques centrales au monde politique

<h3>Atlantico : Au cours de ses interventions, &agrave; maintes reprises Emmanuel Macron a pu r&eacute;p&eacute;ter l&rsquo;expression "quoi qu&rsquo;il en co&ucirc;te". Si l&rsquo;intention est louable dans la lutte contre la crise sanitaire, dans les faits l&rsquo;argent n&rsquo;est-il pas trop souvent allou&eacute; &agrave; assumer des d&eacute;cisions sans effets sanitaires r&eacute;els ?&nbsp; </h3>
Pierre Bentata : Au-del&agrave; de la formule du &laquo; quoi qu&rsquo;il en co&ucirc;te &raquo;, nous devons poser la question d&rsquo;une vraie analyse co&ucirc;t/b&eacute;n&eacute;fice de nos politiques. Avant m&ecirc;me qu&rsquo;il existe, nous avons clos le d&eacute;bat. Aujourd&rsquo;hui, nous n&rsquo;avons eu aucune analyse sur la meilleure mani&egrave;re d&rsquo;allouer nos d&eacute;penses et des cons&eacute;quences de nos diff&eacute;rentes strat&eacute;gies. Nous avons alors un d&eacute;ficit qui s&rsquo;est tr&egrave;s fortement creus&eacute; et des d&eacute;penses publiques qui se poursuivent sans connaissance de l&rsquo;efficacit&eacute; de la strat&eacute;gie. Et surtout, nous ne connaissons pas le montant de l&rsquo;addition.
Le &laquo; quoi qu&rsquo;il en co&ucirc;te &raquo; se traduit en r&eacute;alit&eacute; par des co&ucirc;ts. Les derni&egrave;res analyses de l&rsquo;OFCE montrent que partout o&ugrave; ce type de strat&eacute;gies a &eacute;t&eacute; mis en place cela s&rsquo;accompagne de faillites et d&rsquo;une augmentation du ch&ocirc;mage. Surtout, il va devenir maintenant tr&egrave;s difficile, voire impossible d&rsquo;expliquer que l&rsquo;&Eacute;tat ne peut pas d&eacute;penser afin de satisfaire tous les diff&eacute;rents besoins de la population.
Lors des pr&eacute;c&eacute;dentes campagnes politiques, la plupart des candidats ont savamment pris le soin de dire que l&rsquo;argent magique n&rsquo;existait pas, qu&rsquo;il fallait bien d&eacute;penser l&rsquo;argent. &Agrave; l&rsquo;heure actuelle, nous envoyons le message inverse. Pour arriver &agrave; faire comprendre &agrave; la population que ces mesures &eacute;taient d&rsquo;exception et affirmer que l&rsquo;on ne peut pas creuser ind&eacute;finiment les d&eacute;ficits par la suite, cela va devenir complexe. Les faits ont donn&eacute; raison &agrave; ceux qui disaient que l&rsquo;argent magique existe. Demain, quand quelqu&rsquo;un dira que l&rsquo;on manque d&rsquo;argent, ce sera tr&egrave;s difficile de donner une explication pour le convaincre que d&eacute;penser l&rsquo;argent que nous n&rsquo;avons pas est une mauvaise id&eacute;e.
Toutes les estimations du co&ucirc;t de la crise sont dans des fourchettes &laquo; monstrueuses &raquo;. Il y a les co&ucirc;ts directs : la prise en charge de l&rsquo;&eacute;conomie &agrave; travers le PGE (Pr&ecirc;t Garanti par l&rsquo;&Eacute;tat) et le ch&ocirc;mage partiel, mais il y aussi toutes les d&eacute;penses indirectes. Mettre l&rsquo;&eacute;conomie &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t, cela induit l&rsquo;acceptation de la destruction de milliers d&rsquo;emplois, ce qui am&egrave;ne donc moins de cotisations mais plus de d&eacute;penses publiques. Certaines de nos entreprises sont en faillite et nous avons une &eacute;conomie en r&eacute;cession, les estimations les plus optimistes montrent que nous ne r&eacute;cup&eacute;rerons pas le niveau de PIB avant crise d&rsquo;ici deux ans. Le probl&egrave;me de cette formule est donc de laisser penser que la situation n&rsquo;est pas grave. Il faut savoir et affirmer qu&rsquo;aucune &eacute;conomie ne sait vivre au-de&ccedil;&agrave; de ses moyens de fa&ccedil;on durable.
<h3>Sur le plan politique, puisque le robinet de la d&eacute;pense semble actuellement ouvert pour tout type de demandes d&egrave;s lors qu&rsquo;elle est prioritaire, comment le gouvernement pourrait-il continuer d&rsquo;utiliser l&rsquo;argument qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas d'"argent magique"?&nbsp; </h3>
Tout le monde &eacute;tait d&rsquo;accord pour dire qu&rsquo;il fallait sortir de cette crise, mais il y a un d&eacute;saccord sur le fond. Le probl&egrave;me &eacute;tant qu&rsquo;une fois que nous serons sortis, il va y avoir un pi&egrave;ge politique. Quand vous &ecirc;tes dans le syst&egrave;me d&eacute;mocratique dans lequel on vit aujourd&rsquo;hui, avec une population en permanence en demande d&rsquo;intervention, de plan, de projet de la part de l&rsquo;&Eacute;tat cela pose certaines probl&eacute;matiques. La demande est tellement forte qu&rsquo;il est difficile pour les politiques de faire de la p&eacute;dagogie. Comment expliquer que certaines revendications ne sont pas assez l&eacute;gitimes car elles concernent moins d&rsquo;individus et qu&rsquo;une hi&eacute;rarchie arbitraire impliquerait qu&rsquo;elles n&rsquo;ont pas assez de valeur ?
Demain, si l&rsquo;on dit qu&rsquo;il faudra le m&ecirc;me plan pour r&eacute;nover les h&ocirc;pitaux, cela paraitra l&eacute;gitime. Mais si l&rsquo;on utilise le plan pour r&eacute;nover l&rsquo;habitat cela para&icirc;tra aussi l&eacute;gitime, si ce sera les transports publics ce sera la m&ecirc;me chose&hellip; Le probl&egrave;me &eacute;tant que si dans un syt&egrave;me d&eacute;mocratique toutes les revendications ont la m&ecirc;me valeur, que si l&rsquo;argent n&rsquo;a pas de limite, il n&rsquo;y a aucune acceptabilit&eacute; politique pour &agrave; un moment fermer le robinet. C&rsquo;est la vraie difficult&eacute; des prochains gouvernements. Comment avoir un programme politique et expliquer qu&rsquo;il va falloir limiter la d&eacute;pense &agrave; un moment ? Cela semble un projet perdu d&rsquo;avance.
<h3>Cet "argent magique" pourrait-il n&eacute;anmoins enfin d&eacute;cider l&rsquo;&Eacute;tat &agrave; investir dans les secteurs d&rsquo;avenir sans compter ? Ou &agrave; l&rsquo;inverse l&rsquo;inciter &agrave; d&eacute;penser des fortunes dans des secteurs jug&eacute;s, &agrave; tort, essentiels ? Entre ces deux tendances, laquelle est susceptible de l&rsquo;emporter ?&nbsp; </h3>
Il faut d&rsquo;abord que l&rsquo;offre politique soit s&eacute;rieuse. Que nos hommes politiques soient courageux. Mais cela ne suffira pas si les citoyens eux-m&ecirc;mes n&rsquo;acceptent pas que la monnaie que nous utilisons l&agrave; soit illusoire et qu&rsquo;elle ne refl&egrave;te pas la richesse du pays car il est plus pauvre qu&rsquo;avant. Nous ne pouvons pas mettre en place n&rsquo;importe quel projet. C&rsquo;est un moment tr&egrave;s compliqu&eacute;, les instants de sortie de crise sont importants car ce sont des espaces d&rsquo;innovation intense. Pourtant, il y a une chance car le grand secteur de l&rsquo;innovation des ann&eacute;es &agrave; venir est la sant&eacute;. Nous savons qu&rsquo;il y a une forte acceptabilit&eacute; politique pour se lancer dans ce genre de projet. Sur le reste, &ecirc;tre capable d&rsquo;avoir une vraie hi&eacute;rarchie des secteurs et investir l&agrave; o&ugrave; cela parait n&eacute;cessaire est compliqu&eacute;. C&rsquo;&eacute;tait tout le risque d&rsquo;avoir voulu sauver la totalit&eacute; de l&rsquo;&eacute;conomie avec des nationalisations.
Si l&rsquo;on veut mettre en place des vrais investissements structurants, les effets apparaissent &agrave; long terme. Pour les politiques, il est donc tr&egrave;s compliqu&eacute; de les mettre en place car ils n&rsquo;en b&eacute;n&eacute;ficieront pas en terme d&rsquo;image. De surcro&icirc;t, cela n&eacute;cessite des arbitrages. Nous avons d&eacute;cid&eacute; de mettre en place une solution de facilit&eacute; dans laquelle nous sommes capables de tout faire en m&ecirc;me temps avec des lignes de cr&eacute;dits. On risque d&rsquo;entrer dans une &eacute;conomie de surendettement, si les hommes politiques ne sont pas capables de convaincre la population que ce ph&eacute;nom&egrave;ne est tr&egrave;s co&ucirc;teux &agrave; long terme.&nbsp;

L'argent magique du "quoi qu'il en coûte"

Mais quel impact la folle valse des milliards (souvent inutilement) dépensés laissera-t-elle pour le monde d’après le Covid ? quoi qu'il en coûte argent magique crise économique plan de relance Emmanuel Macron Bruno le Maire Pierre Bentata

Atlantico : Robert Mundell, prix Nobel d&rsquo;&eacute;conomie 1999 est d&eacute;c&eacute;d&eacute; le 4 avril dernier. Que devrait-on retenir de ses apports &agrave; la pens&eacute;e &eacute;conomique&nbsp;?&nbsp;
Alexandre Delaigue : D&rsquo;abord, il faut se rappeler que les travaux de Mundell, qui datent pour l&rsquo;essentiel des ann&eacute;es 50-60, &eacute;taient, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, r&eacute;volutionnaires. Ils d&eacute;crivaient alors un monde qui n&rsquo;existaient pas et qui existe d&eacute;sormais. Le syst&egrave;me mon&eacute;taire international de l&rsquo;&eacute;poque reposait sur les accords de Bretton Woods, donc toutes les monnaies &eacute;taient li&eacute;es au dollar avec des parit&eacute;s fixes qui &eacute;tait tr&egrave;s peu souvent ajust&eacute;es. A l&rsquo;&eacute;poque, les capitaux circulaient assez peu facilement. L&rsquo;essentiel devait passer par les banques et les banques centrales. A l&rsquo;&eacute;poque, Mundell d&eacute;crit quelque chose de tr&egrave;s diff&eacute;rent&nbsp;: un monde o&ugrave; l&rsquo;on envisage la libert&eacute; du mouvement des capitaux et surtout des parit&eacute;s flexibles. La question &eacute;tait de savoir ce que ce type de situation offrait comme possibilit&eacute;s. On disposait de l&rsquo;exemple du Canada qui avait une parit&eacute; flexible par rapport au dollar car il ne pouvait pas contr&ocirc;ler ses mouvements de capitaux. Et ce qu&rsquo;a &eacute;tabli Mundell, c&rsquo;est qu&rsquo;il y avait trois &eacute;l&eacute;ments positifs mais qu&rsquo;il &eacute;tait impossible de tout avoir&nbsp;:&nbsp;
<ul style="list-style-type: disc;">
<li>Une monnaie avec parit&eacute; fixe. Le change fixe pr&eacute;sente des avantages, parce qu&rsquo;il facile les &eacute;changes et les transactions. On le constate r&eacute;guli&egrave;rement dans la zone euro. Quand on va dans un autre pays de la zone, on peut utiliser nos propres billets de banque, notre carte bancaire avec des frais r&eacute;duits.&nbsp;</li>
</ul>
&nbsp;
<ul style="list-style-type: disc;">
<li>Une politique mon&eacute;taire autonome. C&rsquo;est une bonne chose car cela permet aux autorit&eacute;s mon&eacute;taires d&rsquo;ajuster leur politique aux circonstances. Ne pas pouvoir le faire, par exemple en situation de r&eacute;cession, c&rsquo;est un gros probl&egrave;me.&nbsp;</li>
</ul>
&nbsp;
<ul style="list-style-type: disc;">
<li>Une certaine libert&eacute; des mouvements de capitaux. Si vous avez des contraintes, cela va limiter les investissements que vous pouvez recevoir. Cela va en particulier limiter les investissements &eacute;trangers qui pourraient amener des capitaux mais aussi des investissements et des technologies.&nbsp;</li>
</ul>
Cette impossibilit&eacute; &agrave; tout avoir, il l&rsquo;a formul&eacute; comme &eacute;tant un triangle des incompatibilit&eacute;s. On ne peut avoir que deux choses sur trois. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de choisir l&rsquo;un par rapport &agrave; l&rsquo;autre d&eacute;pend d&rsquo;une s&eacute;rie de circonstances li&eacute;es aux caract&eacute;ristiques propres des diff&eacute;rents pays. C&rsquo;est ce qu&rsquo;on a appel&eacute; un peu pompeusement la zone mon&eacute;taire optimale. Cela pose la question des caract&eacute;ristiques structurelles qui permettraient de choisir soit d&rsquo;adopter une monnaie unique, soit de lib&eacute;raliser les mouvements de capitaux, etc.&nbsp;
Atlantico : Que peuvent nous dire les th&egrave;ses de Mundell de la situation de la zone euro&nbsp;?&nbsp;
Alexandre Delaigue : On a dit de Mundell qu&rsquo;il &eacute;tait le p&egrave;re spirituel du passage &agrave; l&rsquo;euro. Ce n&rsquo;est pas tout &agrave; fait exact.&nbsp; Si on regarde la th&eacute;orie en elle-m&ecirc;me, elle peut conduire &agrave; &ecirc;tre relativement sceptique sur cette d&eacute;cision en &eacute;mettant l&rsquo;id&eacute;e que toutes les conditions n&rsquo;&eacute;taient peut-&ecirc;tre pas r&eacute;unies pour pouvoir passer &agrave; l&rsquo;euro. Pour autant, lui-m&ecirc;me &eacute;tait plut&ocirc;t favorable &agrave; cette d&eacute;cision. Sortir de la zone euro, c&rsquo;&eacute;tait une question qui &eacute;tait beaucoup pos&eacute;e il y a une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es, au moment de la crise de la zone euro. De fait, c&rsquo;&eacute;tait une crise &laquo;&nbsp;&agrave; la Mundell&nbsp;&raquo;. Elle &eacute;tait r&eacute;ellement li&eacute;e au fait que la zone euro int&eacute;grait la libert&eacute; des mouvements de capitaux, la parit&eacute; fixe &ndash; avec la m&ecirc;me monnaie dans tous les pays &ndash; mais plus d&rsquo;autonomie de la politique mon&eacute;taire.&nbsp; Cela ne semblait pas &ecirc;tre un probl&egrave;me jusqu&rsquo;au moment o&ugrave; on s&rsquo;est demand&eacute; s&rsquo;il n&rsquo;aurait pas fallu que certains pays sortent de l&rsquo;euro. Cet aspect reste pr&eacute;gnant car la zone euro demeure une zone &agrave; construire. On se pose moins la question aujourd&rsquo;hui mais il y a toujours des tensions et des probl&egrave;mes d&rsquo;incompl&eacute;tude en son sein. Dans cette optique, certains d&eacute;fendent un f&eacute;d&eacute;ralisme europ&eacute;en et un budget europ&eacute;en. On peut envisager aussi une harmonisation qui se ferait au niveau des march&eacute;s des produits et du travail. Cela signifierait un salaire minimum europ&eacute;en, une assurance ch&ocirc;mage commune et peut &ecirc;tre le d&eacute;veloppement de technologies de traduction.. Mundell offre un cadre d&rsquo;analyse pour comprendre la zone euro et d&eacute;terminer ce qu&rsquo;il pourrait manquer pour qu&rsquo;elle fonctionne.
Atlantico : Est-il possible d&rsquo;&eacute;largir ses analyses &agrave; d&rsquo;autres espaces&nbsp;?
Alexandre Delaigue : Cela peut permettre de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; d&rsquo;autres d&eacute;bats du m&ecirc;me ordre d&egrave;s que se pose une question mon&eacute;taire. La th&eacute;orie de Mundell nous dit que quand il y a des gros d&eacute;calages &eacute;conomiques entre pays, il faut des instruments qui donnent de la flexibilit&eacute;&nbsp;: le contr&ocirc;le du mouvement des capitaux, pour &eacute;viter une fuite des capitaux, mais &ccedil;a ne marche pas tr&egrave;s bien, ou alors faire bouger la parit&eacute; de la monnaie, ce qui est tr&egrave;s difficile &agrave; faire pour certains pays.&nbsp;
Dans la zone du franc CFA, dont la monnaie va bient&ocirc;t changer de nom, on s&rsquo;interroge sur l&rsquo;opportunit&eacute; de certains changements. Par exemple, faut-il abandonner la parit&eacute; fixe avec l&rsquo;euro&nbsp;ou faut-il une monnaie unique ouest-africaine&nbsp;avec le Nig&eacute;ria ? Si on veut r&eacute;former le franc CFA dans ce sens-l&agrave;, Mundell fournit un cadre d&rsquo;analyse et des mises en gardes. Par exemple, en alertant sur le fait que le Nigeria est un gros pays p&eacute;trolier, &agrave; c&ocirc;t&eacute; de pays plus petits en taille comme en &eacute;conomie.&nbsp;
C&rsquo;est aussi le cas quand la Chine envisage d&rsquo;internationaliser le Yuan. Le pays voudrait en faire une sorte de concurrent du dollar et un instrument de puissance &eacute;conomique. L&rsquo;internationalisation de la monnaie entraine un certain nombre de contraintes en particulier en termes d&rsquo;ouverture des capitaux. C&rsquo;est donc une v&eacute;ritable base pour comprendre le syst&egrave;me mon&eacute;taire international.
Enfin, cela doit nous faire r&eacute;aliser qu&rsquo;aucun pays ne peut faire abstraction de ce qui se passe dans l&rsquo;&eacute;conomie am&eacute;ricaine. Si on se retrouvait en Europe avec un gros d&eacute;calage &eacute;conomique avec les Etats-Unis, la capacit&eacute; d&rsquo;autonomie de l&rsquo;Europe seraient menac&eacute;e. Et pour garder une autonomie de la politique mon&eacute;taire, il faudrait une forte baisse de l&rsquo;euro en contrepartie, ce qui cr&eacute;erait une forme d&rsquo;inflation import&eacute;e. C&rsquo;est donc une incitation &agrave; la prudence. Si jamais on se retrouve trop d&eacute;cal&eacute;s en conjoncture par rapport aux Etats-Unis, ce cadre nous pr&eacute;vient d&rsquo;effets tr&egrave;s dangereux et des cons&eacute;quences &eacute;conomiques tr&egrave;s dommageables.
Atlantico : Notre conception actuelle de la zone euro a-t-elle trop tendance &agrave; ne voir que les avantages de th&eacute;orie de Mundell sans tenir compte du triangle des incompatibilit&eacute;s&nbsp;? &nbsp;
Alexandre Delaigue : C&rsquo;est assez net. On veut bien utiliser la th&eacute;orie pour souligner ses r&eacute;ussites mais on a peu envie de regarder ce qu&rsquo;en sont les cons&eacute;quences quand elles vont &agrave; l&rsquo;encontre de ce qu&rsquo;on a envie d&rsquo;entendre. S&rsquo;il y a trop de d&eacute;calages entre les pays de la zone euro, surtout des syst&egrave;mes de prix, cela pose probl&egrave;me. Si un pays est tr&egrave;s comp&eacute;titif et exporte beaucoup contrairement aux autres, cela cr&eacute;e des d&eacute;s&eacute;quilibres. La th&eacute;orie nous dit comment &ccedil;a devrait &ecirc;tre r&eacute;sorb&eacute;. A savoir, les pays comp&eacute;titifs devraient avoir un peu plus d&rsquo;inflation ou devraient modifier leur structure &eacute;conomique pour &eacute;viter d&rsquo;avoir un tel exc&eacute;dent. Cela voudrait dire, par exemple, changer de politique fiscale. Mais en Europe, lorsqu&rsquo;on dit &ccedil;a, on est accus&eacute; de vouloir &laquo;&nbsp;punir les premiers de la classe&nbsp;&raquo;. Mais le mod&egrave;le de Mundell nous dit qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de premiers de la classe, tout le monde est interd&eacute;pendant. Donc en ce sens, on ne veut effectivement pas regarder les probl&egrave;mes.&nbsp;

Devoir de mémoire

L’économiste Robert Mundell est mort et voilà ce que nous devrions absolument en retenir Alexandre Delaigue

Atlantico : La Chine a adopt&eacute; le 11 mars son 14eme plan quinquennal. Comment s&rsquo;inscrit celui-ci dans la lign&eacute;e des pr&eacute;c&eacute;dents ? Ce plan est-il dans la lign&eacute;e des derni&egrave;res d&eacute;cisions prises par le pouvoir chinois ?&nbsp;
Emmanuel V&eacute;ron : Le 14e plan quinquennal adopt&eacute; le 11 mars dernier &agrave; l&rsquo;issue des &laquo;&nbsp;deux assembl&eacute;es&nbsp;&raquo; est dans la continuit&eacute; de la gestion politique par le Parti-Etat de la politique int&eacute;rieure et &eacute;trang&egrave;re de la Chine. Dans un contexte tr&egrave;s fortement marqu&eacute; par la crise li&eacute;e &agrave; la pand&eacute;mie, les autorit&eacute;s pr&eacute;parent le 100 anniversaire du Parti communiste Chinois (d&eacute;but juillet prochain). L&rsquo;agenda de &laquo;&nbsp;puissance&nbsp;&raquo; affich&eacute; est &agrave; double sens. Le premier, &agrave; destination de la population chinoise, le r&eacute;gime souhaite se donner une l&eacute;gitimit&eacute; &agrave; gouverner et &agrave; r&eacute;pondre aux crises. Le second, dans une logique de politiquer international, le r&eacute;gime veut faire preuve d&rsquo;affirmation (y compris comme message envoy&eacute; &agrave; sa propre population) et d&rsquo;agressivit&eacute;, en premier lieu vis-&agrave;-vis des d&eacute;mocraties occidentales.
Le 5e&nbsp;Pl&eacute;num du 19e&nbsp;Comit&eacute; central du Parti communiste chinois (r&eacute;unissant 364 membres titulaires et suppl&eacute;ants du Comit&eacute; Central), qui s&rsquo;est tenu fin octobre dernier &agrave; huis clos d&eacute;voila le prochain plan quinquennal (2021-2025) mais aussi une nouveaut&eacute; dans le narratif du pouvoir&nbsp;: la &laquo;&thinsp;Vision 2035&thinsp;&raquo;. Cet exercice politique a &eacute;t&eacute; l&rsquo;occasion pour Xi Jinping de continuer de pr&eacute;parer son maintien au pouvoir apr&egrave;s le 20e Congr&egrave;s du PCC en octobre 2022. Le lancement de ce nouveau programme &laquo;&nbsp;Vision 2035&nbsp;&raquo; en parall&egrave;le de l&rsquo;annonce du 14e Plan quinquennal est plut&ocirc;t inhabituel. Cette d&eacute;marche est g&eacute;n&eacute;ralement d&eacute;volue au Premier ministre (&agrave; l&rsquo;instar du programme &laquo;&nbsp;Made in China 2025&nbsp;&raquo;, lanc&eacute; en 2015 par Li Keqiang). 2035 est &agrave; mi-chemin entre 2021 et les objectifs vant&eacute;s de 2049. Le choix des nombres et des dates, toujours symboliques, sugg&egrave;re une installation du pouvoir de Xi Jinping dans la dur&eacute;e (une revanche sur le pass&eacute; et ses longues difficult&eacute;s &agrave; &ecirc;tre admis au PCC). En cela, cette tendance &agrave; l&rsquo;enkystement se v&eacute;rifie bien au-del&agrave; de la r&eacute;alit&eacute; chinoise, et dans un nombre croissant de r&eacute;gimes autoritaires de la sph&egrave;re eurasiatique, elle devient m&ecirc;me la r&egrave;gle.
&nbsp;
Atlantico :&nbsp; En posant des objectifs de plus court terme, moins ambitieux, la Chine fait-elle un pari gagnant qui lui permettra de tirer tous les b&eacute;n&eacute;fices de ses mesures en s&rsquo;octroyant une plus grande r&eacute;activit&eacute; ?&nbsp;
Emmanuel Veron : Ainsi, si le document du 14e Plan (2021-2025) et cette nouvelle &laquo;&nbsp;Vision 2035&nbsp;&raquo; sont valid&eacute;es lors des r&eacute;unions politiques en mars 2021, il n&rsquo;en demeure pas moins que les th&egrave;mes mis en avant sont directement li&eacute;s &agrave; trois param&egrave;tres essentiels qui font la Chine d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;: ralentissement &eacute;conomique et modalit&eacute;s de transformation technologique&nbsp;; le maintien au pouvoir de Xi Jinping et la rivalit&eacute; accrue avec les Etats-Unis, plus largement avec l&rsquo;Occident.
Le document du pl&eacute;num n&rsquo;apporte pas de nouveaut&eacute;s singuli&egrave;res. Pour autant, il synth&eacute;tise plusieurs aspects politique et &eacute;conomique, connus et d&eacute;battus depuis plus d&rsquo;une d&eacute;cennie&nbsp;:
-&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Remplacer la forte croissance par une croissance moindre et de qualit&eacute;.
-&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; R&eacute;&eacute;quilibrer l&rsquo;&eacute;conomie avec une r&eacute;forme structurelle sur l&rsquo;offre. &nbsp;
-&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; D&eacute;velopper la demande int&eacute;rieure tout en poursuivant les exportations.
-&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Modernisation du pays gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;innovation et aux progr&egrave;s technologiques.
-&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Promouvoir une production haut de gamme, &laquo;&nbsp;intelligente et verte&nbsp;&raquo;.
Ces quelques th&egrave;mes rappellent les grandes orientations &eacute;conomiques souhait&eacute;es et le volontarisme des choix technologiques et s&eacute;curitaires du r&eacute;gime, qui restent tr&egrave;s massivement articul&eacute;s &agrave; l&rsquo;Etat. Lors du pl&eacute;num, essentiellement trois mots, devenus cl&eacute;s ont &eacute;t&eacute; mentionn&eacute;s plus de vingt fois&nbsp;: &laquo;&nbsp;s&eacute;curit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;innovation&nbsp;&raquo;,&nbsp;et&nbsp;&laquo;&nbsp;technologie&nbsp;&raquo;. Malgr&eacute; un rebond du PIB au deuxi&egrave;me trimestre de 3,2&nbsp;% par rapport &agrave; 2019 (essentiellement tir&eacute; par l&rsquo;export et le soutien de l&rsquo;Etat dans l&rsquo;investissement dans les infrastructures), les termes de &laquo;&nbsp;croissance &eacute;conomique&nbsp;&raquo; ont &eacute;t&eacute; d&eacute;laiss&eacute;s. Il y a donc, d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;annonce des perspectives &agrave; 5 ans dans le cadre du Plan et une projection au-del&agrave; avec la &laquo;&nbsp;Vision 2035&nbsp;&raquo;. En compl&eacute;ment du nouveau concept de &laquo;&nbsp;double circulation&nbsp;&raquo; (shuang xunhuan), l&rsquo;id&eacute;e principale porte essentiellement sur l&rsquo;autosuffisance dans un environnement strat&eacute;gique tendu (et acc&eacute;l&eacute;r&eacute;), notamment avec les partenaires technologiques occidentaux, contributeurs technologiques de la puissance industrielle chinoise. La volont&eacute; de d&eacute;velopper le march&eacute; int&eacute;rieur (difficile et probablement impossible dans un contexte de r&eacute;gime autoritaire) se double d&rsquo;une question strat&eacute;gique d&rsquo;approvisionnement et de d&eacute;bouch&eacute;s &agrave; l&rsquo;international, alors m&ecirc;me que le g&eacute;ant Huawei (par exemple) traverse de fortes difficult&eacute;s. &nbsp;
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Atlantico :&nbsp;&nbsp; Les plans quinquennaux &ldquo;traditionnels&rdquo; sont-ils devenus inadapt&eacute;s au monde dans lequel la Chine vit ?
Emmanuel Veron : La composante s&eacute;curitaire a une place majeure. Concernant le domaine militaire, le nouvel objectif annonc&eacute; est celui d&rsquo;une arm&eacute;e (l&rsquo;Arm&eacute;e Populaire de Lib&eacute;ration &ndash; APL) &laquo;&nbsp;enti&egrave;rement modernis&eacute;e&nbsp;&raquo; capable de rivaliser avec l&rsquo;arm&eacute;e am&eacute;ricaine en 2027, qui n&rsquo;est autre que le centenaire de l&rsquo;APL. Dans le m&ecirc;me sens, le PIB chinois devrait doubler d&rsquo;ici &agrave; la fin de cette &laquo;&nbsp;Vision&nbsp;&raquo;, atteignant plus de 30&nbsp;000 milliards de dollars, soit une croissance moyenne autour de 4&nbsp;% par an.
Le contenu pr&eacute;cis du 14&egrave;me Plan quinquennal rendu public au mois de mars prochain lors des prochaines r&eacute;unions politiques (&laquo;&nbsp;deux assembl&eacute;es&nbsp;&raquo; liang hui). Si le d&eacute;tail du programme &eacute;conomique, technologique, social et de s&eacute;curit&eacute; n&rsquo;est pas encore donn&eacute;, il n&rsquo;en demeure pas moins que la situation reste difficile et lisible. L&rsquo;annonce fin novembre, de l&rsquo;&eacute;radication de l&rsquo;extr&ecirc;me pauvret&eacute; (dans les derniers districts ruraux du Guizhou) &eacute;tait un objectif politique de plusieurs ann&eacute;es. Cela ne prend pas en compte la pauvret&eacute;, ni le ch&ocirc;mage massif depuis une ann&eacute;e (en particulier chez les jeunes et les migrants). La priorit&eacute; est donn&eacute;e &agrave; la s&eacute;curisation de la &laquo;&nbsp;matrice Chine&nbsp;&raquo; (s&eacute;curit&eacute; int&eacute;rieure, fronti&egrave;res, forces arm&eacute;es, cyber et technologies de ruptures) tout en renfor&ccedil;ant le contr&ocirc;le du Parti sur les activit&eacute;s (tous azimuts) &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, dans un contexte de crise mondiale. Ce mouvement de concentration interne et de cristallisation externe n&rsquo;est pas sans rappeler les questionnements sur les diff&eacute;rentes phases d&rsquo;expansion de l&rsquo;empire Chinois d&rsquo;hier.
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Bond sur place

Le 14e plan quinquennal chinois est moins ambitieux que ses prédécesseurs. Et la Chine pourrait s’en trouver gagnante Emmanuel Véron

<h3>Atlantico : Dans <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/la-vaccination-ne-fonctionne-pas-a-plein-regime-a-paris-regrette-anne-hidalgo-sur-rtl-7900017547" target="_blank" rel="noopener">une interview &agrave; RTL, Anne Hidalgo</a> vous cite nomm&eacute;ment comme &eacute;tant parmi les personnes &agrave; l&rsquo;origine de #SaccageParis, mentionnant aussi une proximit&eacute; des internautes y participant avec l&rsquo;extr&ecirc;me droite. &Ecirc;tes-vous d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre &agrave; l&rsquo;initiative de ce hashtag ?</h3>
Pierre Liscia : J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; tr&egrave;s surpris qu&rsquo;elle me charge aussi frontalement et personnellement. Ma premi&egrave;re r&eacute;action a &eacute;t&eacute; de me dire qu&rsquo;elle me consid&eacute;rait comme son premier opposant. On a le sentiment en l&rsquo;&eacute;coutant que je suis le grand organisateur de ses malheurs. Elle a surtout &eacute;t&eacute; tr&egrave;s m&eacute;prisante &agrave; mon &eacute;gard et &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de celui de toutes celles et ceux qui se sont retrouv&eacute;s derri&egrave;re ce hashtag lanc&eacute; le 21 mars dernier et qui l&rsquo;ont fait vivre pendant plusieurs semaines. J&rsquo;aurais ador&eacute; pouvoir &ecirc;tre &agrave; l&rsquo;initiative d&rsquo;une op&eacute;ration de cette envergure mais je n&rsquo;y suis pour rien. J&rsquo;ai d&rsquo;ailleurs d&eacute;couvert son existence quand il &eacute;tait dans les tendances de Twitter. Mon premier tweet sur le sujet date de samedi et c&rsquo;&eacute;tait pour d&eacute;mentir &ecirc;tre l&rsquo;initiateur de l&rsquo;op&eacute;ration mais que je trouvais la d&eacute;marche int&eacute;ressante et que je la soutenais. C&rsquo;est tr&egrave;s regrettable que le premier r&eacute;flexe d&rsquo;Anne Hidalgo est de chercher &agrave; &eacute;viter d&rsquo;avoir &agrave; r&eacute;pondre sur le fond en agitant l&rsquo;&eacute;pouvantail de l&rsquo;extr&ecirc;me droite. Associer dans une m&ecirc;me phrase &laquo; Pierre Liscia, proche de Val&eacute;rie P&eacute;cresse &raquo; et &laquo; extr&ecirc;me droite &raquo;, ce n&rsquo;est cr&eacute;dible pour personne sauf dans un esprit &eacute;triqu&eacute; et sectaire. Je ne suis franchement pas d&rsquo;extr&ecirc;me droite et je n&rsquo;ai m&ecirc;me pas &agrave; me justifier sur le sujet, mais c&rsquo;est trop facile d&rsquo;accuser les Parisiens qui se plaignent du d&eacute;labrement de Paris qu&rsquo;ils sont des supp&ocirc;ts de l&rsquo;extr&ecirc;me droite. Anne Hidalgo parlait de &laquo; Trumpisation du d&eacute;bat politique &raquo;, pourtant s&rsquo;il en est bien un qui pendant des ann&eacute;es a cherch&eacute; &agrave; diaboliser ses contradicteurs en les accusant d&rsquo;&ecirc;tre de dangereux gauchistes, c&rsquo;est bien Donald Trump ! Elle utilise exactement les m&ecirc;mes m&eacute;thodes pour &eacute;viter de rendre des comptes aux Parisiens sur sa mauvaise gestion. La premi&egrave;re responsable de ce hashtag, c&rsquo;est elle. Si les rues de Paris &eacute;taient belles et propres, il n&rsquo;aurait jamais &eacute;merg&eacute; sur les r&eacute;seaux sociaux. C&rsquo;est elle et elle seule qui a la comp&eacute;tence exclusive en mati&egrave;re de propret&eacute; et d&rsquo;entretien des rues de Paris et de la pr&eacute;servation du patrimoine.
<h3>Le hashtag est #SaccageParis. Est-ce que le terme de saccage n&rsquo;est pas un peu fort ?</h3>
Au contraire, je trouve plut&ocirc;t ce terme tr&egrave;s &agrave; propos. Paris, ce sont &laquo; les joyaux de la couronne &raquo;. C&rsquo;est une ville magnifique, la plus belle du monde. Depuis quelques ann&eacute;es - et je ne parle pas de salet&eacute; seulement &ndash; il n&rsquo;y a aucune volont&eacute; d&rsquo;entretien, de pr&eacute;servation et de valorisation de ce joyau. C&rsquo;est catastrophique. On peut parler du mobilier urbain et des installations &agrave; l&rsquo;esth&eacute;tique plus que discutable, mais le vrai saccage de Paris est dans tout ce qui fait le charme et la beaut&eacute; de la capitale au quotidien : les monuments et b&acirc;timents historiques sont laiss&eacute;s &agrave; l&rsquo;abandon et se d&eacute;t&eacute;riorent chaque jour comme c&rsquo;est le cas des 96 &eacute;glises, temples et synagogues de Paris qui y sont pour la plupart inscrits ou class&eacute;s au titre des monuments historiques ainsi que les 40.000 &oelig;uvres d&rsquo;art qu&rsquo;ils abritent et sont la propri&eacute;t&eacute; exclusive de la Ville de Paris. On peut &eacute;galement citer les fontaines Wallace qui sont hors d&rsquo;eau, les kiosques &agrave; journaux de Gabriel Davioud remplac&eacute;s par des abris au design impersonnel, les serres chaudes class&eacute;es du jardin botanique d'Auteuil, construites &agrave; la fin du XIXe si&egrave;cle qui &eacute;taient une richesse patrimoniale aussi prestigieuse que les ouvrages m&eacute;talliques de Gustave Eiffel ou de Victor-Louis Baltard, et qui ont purement et simplement &eacute;t&eacute; ras&eacute;es pour permettre l'extension du stade de Roland-Garros&hellip; Tout l&rsquo;h&eacute;ritage d&rsquo;Haussmann est saccag&eacute; petit &agrave; petit. Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;autres mots. La Ville de Paris a également autorisé la démolition complète de la piscine Molitor, construite en 1921 par Lucien Pollet dans le plus authentique style Art Déco et inscrite aux monuments historiques depuis 1990, pour en faire un complexe hôtelier de luxe. Je ne demande pas de r&eacute;inventer Paris, mais de le restaurer. La Mairie a tordu le bras au PLU pour des r&eacute;alisations douteuses &ndash; comme pour la d&eacute;molition des immeubles class&eacute;s de la Samaritaine &ndash; et sous couvert de v&eacute;g&eacute;talisation on enlaidit la ville. Paris est une ville d&eacute;grad&eacute;e et d&eacute;labr&eacute;e. Je demande simplement une ville propre, nous sommes nombreux &agrave; le vouloir. Des personnalit&eacute;s m&eacute;diatiques de gauche ont elles aussi exprim&eacute; leur m&eacute;contentement, et &ccedil;a ne fait pas pour autant d&rsquo;elles de dangereux extr&eacute;mistes.
<h3>Les reproches que vous faites sur l&rsquo;&eacute;tat de Paris sont-ils tous imputables &agrave; Anne Hidalgo&nbsp;et son mandat &agrave; la mairie de Paris ?</h3>
Je vais avoir la s&eacute;v&eacute;rit&eacute; de dire que oui. C&rsquo;est imputable &agrave; Anne Hidalgo et &agrave; sa gestion et surtout &agrave; son manque de vision. Je crois qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas de vision pour Paris. Elle est accul&eacute;e car son budget ne lui permet plus de rien faire sauf &agrave; augmenter les imp&ocirc;ts donc elle rogne sur les budgets les plus &eacute;l&eacute;mentaires. Celui de la voirie a &eacute;t&eacute; sabord&eacute; et on a vu, par exemple, l&rsquo;apparition de nids de poule &agrave; Paris. Pour les cyclistes, comme moi, c&rsquo;est une mise en danger de la vie d&rsquo;autrui ! La Maire pr&eacute;f&egrave;re d&eacute;penser l&rsquo;argent du contribuable dans le spectaculaire et le r&eacute;cr&eacute;atif plut&ocirc;t que dans la propret&eacute;, la voirie et l&rsquo;entretien du patrimoine qu&rsquo;elle doit consid&eacute;rer comme des pr&eacute;occupations r&eacute;actionnaires et conservatrices. Pourtant, la propret&eacute;, ce n&rsquo;est ni de gauche, ni de droite.
<h3>Dans son interview Anne Hidalgo &eacute;voque sa volont&eacute; de mettre en place la d&eacute;concentration des questions de propret&eacute; aux maires d&rsquo;arrondissement, cela va-t-il dans le bon sens selon vous&nbsp;?</h3>
La d&eacute;centralisation des comp&eacute;tences de propret&eacute; aux maires d&rsquo;arrondissement &ccedil;a fait tr&egrave;s longtemps que je la demande, tout comme une partie de la droite parisienne. Anne Hidalgo a &eacute;voqu&eacute; mon livre, si elle l&rsquo;avait lu elle aurait vu que la proposition y &eacute;tait formul&eacute;e. Jusqu&rsquo;&agrave; maintenant, elle s&rsquo;y &eacute;tait toujours refus&eacute;e. Pourtant c&rsquo;est une mesure d&rsquo;un bon sens implacable. Je suis ravi qu&rsquo;elle entende enfin raison sur cette question. Mais il faut faire plus. Il y a aujourd&rsquo;hui quatre directions diff&eacute;rentes qui agissent dans le champ de la propret&eacute; et du nettoiement des rues. C&rsquo;est incompr&eacute;hensible. Il est urgent de les fusionner pour n&rsquo;en créer qu&rsquo;une seule, lisible et placée sous la direction d&rsquo;un unique adjoint. Enfin, d&egrave;s lors que la Mairie de Paris consid&egrave;re que les Parisiens sont sales et inciviques &ndash; ce qui est tr&egrave;s m&eacute;prisant pour les Parisiens &ndash; pour mieux se d&eacute;fausser de ses responsabilit&eacute;s, elle doit donc en tirer les cons&eacute;quences en sanctionnant les comportements d&eacute;viants. Il n&rsquo;y a pas besoin de nouvelles lois, ni d&rsquo;augmenter les imp&ocirc;ts pour le faire. Les 5000 agents de la DPSP qui sont plac&eacute;s directement sous son autorit&eacute; sont asserment&eacute;s pour cela, mais la Mairie pr&eacute;f&egrave;re les concentrer sur d&rsquo;autres missions comme la verbalisation des stationnements g&ecirc;nants ou des &eacute;tals et terrasses des restaurants et des commerces. C&rsquo;est un choix politique d&eacute;lib&eacute;r&eacute;. Enfin, il faut aussi consid&eacute;rer le recours au priv&eacute;. Dans de nombreuses villes de France, les d&eacute;l&eacute;gations de services publics fonctionnent tr&egrave;s bien. Pourquoi pas &agrave; Paris ? L&agrave; encore, par id&eacute;ologie, le mot &laquo; priv&eacute; &raquo; est devenu un gros mot, mais c&rsquo;est au d&eacute;triment des Parisiens. Au total, ce sont 500 millions d&rsquo;euros qui sont engloutis chaque ann&eacute;e dans la propret&eacute; de la ville, c&rsquo;est colossal ! Pourtant Paris est d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;ment sale. La question n'est pas de savoir combien la Ville d&eacute;pense chaque ann&eacute;e mais comment elle d&eacute;pense.
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Pierre Liscia est porte-parole du mouvement Libres ! de Val&eacute;rie P&eacute;cresse et <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/la-honte-9782226441393" target="_blank" rel="noopener">auteur de La Honte (Albin Michel)</a>.

#SaccageParis

Pierre Liscia : « Mais comment expliquer qu’avec 500 millions d’euros engloutis chaque année dans la propreté, Paris soit aussi désespérément sale ? » Anne Hidalgo #SaccageParis patrimoine budget Libres

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