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Dissolution des organisations salafistes : le temps des actes
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Lutte contre le séparatisme

L’exécutif affirme vouloir attaquer frontalement associations et mosquées radicales prêchant la haine. On ne demande qu’à le croire, mais après trente ans de compromissions et de lâchetés quotidiennes, la société, fatiguée des effets d’annonce, attend des actes forts…

Claude Moniquet

Claude Moniquet

Claude Moniquet, né en 1958, a débuté sa carrière dans le journalisme (L’Express, Le Quotidien de Paris), avant d’être recruté par la Dgse pour devenir "agent de terrain" clandestin. Il exerce ainsi sous cette couverture derrière le Rideau de fer à la fin de l’ère soviétique, dans la Russie des années Eltsine, dans la Yougoslavie en guerre, au Moyen-Orient ou encore en Afrique du Nord. En 2002, il cofonde une société privée de renseignement et de sûreté : l’European Strategic Intelligence and Security Center. De 2001 à 2004, il a été consultant spécial de CNN pour le renseignement et le terrorisme, et est aujourd’hui consultant d’iTélé et RTL. Il est l’auteur, notamment, de Néo-djihadistes : Ils sont parmi nous (Jourdan, 2013) et Djihad : d’Al-Qaïda à l’État islamique (La Boîte à Pandore, 2015), de Daech, la Main du Diable(Archipel, 2016) et, avec Genovefa Etienne, des Services Secrets pour les Nuls (First, 2016). Il est également scénariste de bandes dessinées : Deux Hommes en Guerre (Lombard, 2017 et 2018). Il réside à Bruxelles.

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En déplacement à Bobigny mardi, Emmanuel Macron a annoncé que le Conseil des ministres de ce mercredi prononcerait la dissolution du collectif « Cheikh Yassine », organisation salafiste « pro-Hamas » fondée et dirigée par Abdelhakim Sefrioui. Toujours en garde-à-vue mardi soir, ce dernier a été déféré mercredi matin devant un juge d’instruction anti-terroriste en vue d’une éventuelle inculpation pour « incitation directe au terrorisme » :  il avait orchestré la dénonciation publique de Samuel Paty dans les jours qui ont précédé son assassinat.

La décision annoncée par le Président de la République est une bonne décision, mais elle intervient bien tard : le collectif avait été fondé en 2004 et le Hamas dont se revendique le collectif avait été déclaré « organisation terroriste » par l’Union européenne dès le 13 septembre 2003. Il aura donc fallu 16 ans (!!) pour que l’Etat prenne une décision du pur bons sens.

La faute n’en incombe évidemment pas à Emmanuel Macron : trois présidents, de gauche comme de droite (Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande…) l’ont précédé et aucun n’avait tranché. Car oui, malheureusement, le constat s’impose : par angélisme, par clientélisme, par incompréhension ou, simplement dans une lâche tentative d’acheter la paix communautaire, la gauche comme la droite ont failli dans la lutte contre l’islamisme politique. Et ce depuis 30 ans.

Je suis de ceux qui, depuis vingt ans, appellent publiquement, dans mes livres comme dans mes interventions publiques à mener une guerre sans merci, par tous les moyens de droit, contre le salafisme sous toutes ses formes, et pas seulement contre le salafisme djihadiste contre lequel nous nous sommes armés : création des juges d’instruction antiterroristes en 1986 et, la même année, de la Cour d’assise spécialement constituée (sans jury et formée uniquement de magistrats), du parquet national antiterroriste (PNAT) en 2019, allongement de la garde-à-vue à 4 jours (et même 6, si existe un « risque imminent » d’attentat, etc.

Mais contre l’islam politique, qu’avons-nous fait ? Rien, ou presque. Or, on ne « nait » pas terroriste, on le devient, au terme d’un processus qu’on appelle « radicalisation » et qui passe obligatoirement par une phase religieuse puis politique. En 2015, j’avais déclaré sur plusieurs plateaux de télévision que s’attaquer au salafisme djihadiste sans s’attaquer aux autres formes de cette déviance, c’était comme si, en 1945, lors de la « dénazification » de l’Allemagne, on avait dissous la Gestapo, la SS et le commandement de la Wehrmacht mais pas le parti nazi parce qu’il ne faisait « que » de la politique, ce qui était évidemment un non-sens. Je le maintiens.

Il aura donc fallu attendre fin 2020 pour que la « loi sur le séparatisme », actuellement en discussion, s’attaque à ce problème. Mais durant toutes ces années perdues, combien de jeunes, déboussolés et manipulés ont-ils vu leur vie détruite par un engagement sur le chemin sans issue prêché par les salafistes ?

Nul doute que l’horrible assassinat de Samuel Paty n’amènera à la prise de mesures « dures » et que l’on espère efficaces, sinon, il sera mort pour rien. Mais une fois la loi votée, il faudra avoir le courage politique de l’appliquer et de résister aux pressions qui dénonceront, n’en doutons pas, une « atteinte aux libertés » voire une « stigmatisation » de l’islam.

Or, le salafisme a prospéré sur notre lâcheté et sur la « faiblesse » de la démocratie. Le moment est venu de montrer que cette démocratie peut être forte : il n’y a pas de place, dans nos sociétés pour la haine, l’intolérance et les appels au meurtre où pour la discrimination basée sur le genre ou la religion ; il n’y a pas de place pour ceux qui remettent en cause l’enseignement dispensé dans les écoles de la République, que ce soit sur la liberté d’expression, sur le genre et la reproduction, sur la théorie de l’évolution, sur l’histoire, ou sur le big bang.

Il n’y a pas de place, en France, en 2020, pour des valeurs incompatibles avec l’humanisme et la laïcité qui, seule, permet le véritable « vivre ensemble » en faisant de la religion ce qu’elle doit être : un engagement privé qui n’a rien à faire dans la sphère publique.

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