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Ces dispositions du budget 2012
non conformes à la Constitution
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Désordre

Le Parlement vient d'adopter le premier collectif budgétaire de l'ère Hollande. Parmi les mesures adoptées, celles relatives au système d’épargne salariale posent notamment question vis-à-vis de leur conformité à la Constitution.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La lecture du collectif budgétaire, la fameuse loi de finances rectificative, par laquelle la nouvelle majorité veut se mettre en ordre avec nos engagements communautaires de trajectoire vertueuse en matière de finances publiques, ne manque pas de soulever quelques perplexités, au-delà de l’agacement qu’elle suscite parmi les ennemis de l’impôt.

En effet, elle est truffée de dispositions dont on se demande pour quelle raison elles se trouvent là.

C’est notamment le cas d’une mesure en apparence technique, mais qui frappe de plein fouet les salariés qui bénéficient d’un système d’épargne salariale au sein de leur entreprise: le relèvement du forfait social à 20%.

Jusqu’en 2008, l’épargne salariale bénéficiait d’une grande clémence de la part du législateur. Elle échappait aux cotisations sociales, et était simplement soumise à la CSG. Dans ce dispositif global, il faut ranger les PERCO, les PEE, les retraites supplémentaires, mais aussi la participation et l’intéressement. En tout, plus d’une vingtaine de milliards chaque année, qui sont versés sous forme de revenus différés aux salariés.

Ne pas soumettre ces revenus aux cotisations sociales avait du sens. Cette mesure de clémence a permis au dispositif de commencer à prendre ses marques. Il a par ailleurs constitué un apport important à ses bénéficiaires, notamment en cas de départ de l’entreprise: pour beaucoup de salariés qui quittaient leur entreprise avec une certaine ancienneté, la libération des sommes accumulées a permis de partir avec un petit capital tout à fait bienvenu.

Dès 2009, la loi de financement de la sécurité sociale a imposé une cotisation patronale sur ces sommes, dénommée forfait social. Initialement, ce forfait était de 2%, mais il a augmenté de 2 points par an jusqu’à atteindre 8% en loi de financement de la sécurité sociale 2012.

Le gouvernement a décidé, sous l’impulsion de Bercy d’ailleurs, une mesure d’augmentation très lourde sur ce forfait : un triplement, puisque le taux définitif de 2012 sera de 20%, contre 6% en 2011. Autrement dit, le gouvernement a décidé de récupérer près de 2,5 milliards d’euros en année pleine sur l’épargne salariale.

Même si la mesure ne semble pas très encourageante pour les entreprises qui jouent le jeu de l’association du travail au capital, elle peut au fond se défendre. Mais, ce qui laisse perplexe, c’est la forme par laquelle cette décision est prise.

En théorie, dès lors qu’une mesure est prise en loi de financement de la sécurité sociale, seule une autre loi de financement de la sécurité sociale peut la modifier. Cette mécanique a un puissant effet de stabilisation... pendant au moins un an. La gymnastique des lois de financement de la sécurité sociale rectificative étant peu prisée du législateur, toute mesure liée au financement de la sécurité sociale suppose généralement un an d’attente pour être intégrée à la loi suivante.

On exceptera la création de la «prime de participation» voulue par Nicolas Sarkozy qui s’est faite au terme d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative montée de toutes pièces en mai 2011 pour des résultats insignifiants.

Le bon sens aurait voulu que le nouveau gouvernement se livre au même exercice pour augmenter le forfait social (et prendre deux ou trois autres mesures du même ordre), celui d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, parallèle à la loi de finances rectificative, qui ne concerne que le budget de l’Etat et n’a aucune compétence sur cette noble institution qu’est la sécurité sociale.

Assez curieusement, le gouvernement a choisi l’inverse : il traite de questions de sécurité sociale dans une loi de finances qui est limitée à l’Etat.

La loi organique du 1er août 2001, à l’époque pilotée par Laurent Fabius, est pourtant formelle: dans une loi de finances, même rectificative, et conformément à l’article 34 de la Constitution, on ne peut trouver autre chose que des mesures portant sur les finances de l’Etat. Puisque l’augmentation du forfait social ne parle pas des finances de l’Etat, mais des finances de la sécurité sociale, elle n’est donc pas constitutionnelle.

Le Conseil Constitutionnel ne manque en effet jamais une occasion d’annuler les dispositions d’un article en loi de finances qui ne correspond pas à l’objet de la loi de finances. Cette jurisprudence dite du cavalier budgétaire et du cavalier social est régulièrement rappelée.

On peut donc s’attendre à des mesures d’annulation pour tout ce qui touche au forfait social, ce qui ravira les salariés mais pose un sérieux problème de chronologie pour 2012. Comment constituer en urgence une loi de financement de la sécurité sociale rectificative?

Au total, le premier texte de la mandature laissera le souvenir du désordre et de la précipitation, ce qui surprend s’agissant d’une session délibérément légère et dépourvue de textes majeurs.

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