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Impartialité... La direction de l'Agence France Presse a-t-elle applaudi à la victoire de François Hollande ?
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Erreur de débutant

Le soir de la victoire de François Hollande, l'AFP diffusait une vidéo sur laquelle on peut apercevoir plusieurs responsables de l'agence de presse en train d'applaudir. Célébration de l'information ou enthousiasme de cette alternance politique, les journalistes s'interrogent en interne, certains y voyant déjà une grossière erreur professionnelle.

Karl Wilner

Karl Wilner

Karl Wilner est journaliste.

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Pourquoi la  direction de l'Agence France Presse (AFP) réunie au soir du second tour de la présidentielle a-t-elle applaudi lors de l'envoi du premier flash annonçant la victoire de François Hollande? La question suscite aujourd'hui  un malaise chez certains journalistes de l'agence qui s'interrogent en outre sur les raisons pour lesquelles la vidéo de cet "instant historique" a été mise en ligne sur le site de l'AFP. Cette séquence est visible à la rubrique "Making off" récemment créée à destination du grand public. On peut y voir le PDG Emmanuel Hoog entouré de son directeur de l'information, du chef du service politique et de la rédactrice en chef centrale, prendre la décision de rompre le sacro-saint embargo de 20 heures et d'annoncer à leurs clients dès 18h53 l'élection du candidat socialiste. Pour justifier cette entorse à la loi, l'AFP explique dans le texte diffusé surson site qu'il n'était guère possible à une agence de dimension internationale de demeurer plus longtemps silencieuse alors que nombre de médias étrangers avaient commencé depuis la fin de l'après midi à annoncer le caractère inéluctable de l'entrée de François Hollande à l'Elysée.  "A 18 h 53, la décision est donc prise de diffuser le flash donnant Hollande président. Sylvie Maligorne prend sa respiration et appuie sur le bouton… Un petit brouhaha s'en suit. Des applaudissements pour fêter l'envoi du flash", raconte le texte du making off avant d'inviter l'internaute à visionner lui-même cet épisode de la vie de l'agence. Emmanuel Hoog, le visage rayonnant, frappe dans ses mains avec le reste du staff pour mieux savourer ce "moment crucial". Selon la direction de l'AFP, les applaudissements ne seraient venus saluer que l'audace d'avoir pris la bonne décision en outrepassant l'embargo de 20h.

Mais cette explication ne semble pas avoir convaincu tous les journalistes de l'AFP. "Le texte qui accompagne la vidéo prétend que c'est le flash lui-même qui est applaudi et non l'élection, mais c'est une pure hypocrisie, car l'envoi de ce flash ne relève d'aucun exploit particulier de l'AFP, informationnel, technique ou autre", estime un journaliste chevronné de l'agence, contacté par Atlantico et qui préfère conserver l'anonymat. "L'AFP s'est contentée de décider de violer la loi comme elle l'avait déjà fait au premier tour, en diffusant des estimations déjà diffusées par des médias étrangers. Mais le flash ne constitue en lui-même aucun succès remarquable de l'agence qu'il conviendrait d'applaudir à tout rompre. Que reste-t-il à applaudir sinon le contenu?".

D"autres journalistes s'interrogent de surcroit sur la maladresse qui a consisté à diffuser un tel document. "C'est amener le fouet pour se faire battre. Le statut de l'Agence France Presse lui interdit toute prise de position ou ligne éditoriale en faveur d'un camp politique ou d'un autre. On voudrait faire envoyer un signal d'obéissance et de servilité à l'égard du nouveau pouvoir, on ne s'y prendrait pas autrement", relève un autre journaliste. Pourquoi avoir mis en ligne cette séquence grotesque? Pour mieux se démarquer de l'ère Sarkozyste? "Non, c'est absurde", plaide un rédac chef,  qui face à la bronca veut prendre la défense du PDG et de son équipe. "Tout le monde sait bien que Hoog n'est pas un type de droite et qu'il ne traine aucune casserole de l'époque Sarkozy". Il est vrai qu'à cet égard, le passé du PDG de l'AFP plaide en sa faveur. Cet énarque (promotion 1986) a connu une ascension rapide au ministère de la culture où il a débuté au cabinet de Jack Lang. En 1996, lorsque Jack Lang a pris la direction du Piccolo Teatro de Milan, Emanuel Hoog l'a suivi comme directeur délégué. De retour à Paris, Il est devenu conseiller chargé de la culture et des médias auprès de Laurent Fabius, d'abord à l'Assemblée Nationale puis au ministère de l'Economie et des Finances, jusqu'en 2001. Nommé PDG de l'Institut National de l'Audiovisuel en 2001, il a pris la présidence de l'AFP en 2010. 

La dérisoire séquence des applaudissements ne serait-elle finalement que la manifestation spontanée de l'enthousiasme du PDG de la première agence française et de ses collaborateurs à l'issue d'une campagne électorale particulièrement dense? S'agit-il d'une phase de relâchement comme il peut s'en produire dans n'importe quelle salle de rédaction après une journée de travail, d'une légère baisse de vigilance après un bouclage dans le stress ?  "Cette vidéo débile ne va pas en tous cas aider à rehausser l'image de l'AFP. On nous accuse régulièrement d'être une agence de gauche. Voilà le genre de conneries qui va faire le buzz et accréditer cette thèse ", confie désabusé un cadre de l'agence. 

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