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FMI 1/ UE 0 : 
la Hongrie sait de qui elle a peur...
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Europe es-tu là ?

Le chef du groupe libéral au Parlement européen, Guy Verhofstadt, a appelé les institutions européennes à prendre des sanctions envers les "réformes réactionnaires" en Hongrie. Mais l'Europe le peut-elle vraiment ?

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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"Les droits de l'homme sont universels et indivisibles. L'Union européenne s'efforce donc de les promouvoir et de les défendre activement, tant en son sein que dans le cadre de ses relations avec les pays tiers,(…). "

Ces mots forts et définitifs figurent dans un document de travail de la Commission européenne publié le 7 décembre dernier. La cause est entendue : l’Union européenne, prolongeant les philosophes des Lumières, est un modèle de démocratie en charge d’aider les États moins chanceux dans leur accession aux droits de l’homme.

La réalité est toute autre. Que peut faire l’Union européenne pour s’opposer à la mise en place d’une démocratie autoritaire en son sein ? Juridiquement, rien !

La procédure de mise au ban de l’Union européenne d’un État qui remettrait en cause les valeurs communes prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne est un sabre de bois. Les embûches procédurales sont telles qu’elle n’a jamais trouvé à s’appliquer ni pour le cas autrichien (association du FPÖ d’Haider au gouvernement) ni pour le cas italien (participation des néo-fascites – à l’époque – de Gian-Franco Fini au premier gouvernement Berlusconi). La Cour de justice de Luxembourg ne peut pas davantage être saisie sur la base d’une méconnaissance d’une des libertés couvertes par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, la juridiction de l’Union ne pourrait sanctionner une telle atteinte que si une législation européenne était intervenue dans une des matières concernées par la nouvelle législation hongroise (liberté de la presse, définition du mariage, etc.), ce qui n’est pas le cas. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme (qui ne fait pas partie de l’Union européenne) se refuse à sanctionner une législation « in abstracto », et ne peut être saisie qu’après que des atteintes individualisées à ses principes soient poursuivies devant les juridictions internes. Bref, les opposants hongrois au ministre-président Viktor Orban devront patienter.

L’absence de réaction (à l’exception remarquable de notre ministre des affaires étrangères et européennes, Alain Juppé) des dirigeants politiques nationaux, jointe aux atermoiements des institutions européennes (la Commission européenne étudie les textes… pendant que le Parlement européen est déchiré entre ses différents partis sur la nécessité d’agir) laissent un goût de cendres dans la bouche.

Une raison d’espérer toutefois, la Commission européenne ne devrait pas tarder à lancer une procédure contentieuse… sur l’atteinte portée à l’indépendance de la Banque centrale hongroise ! Mais l’indépendance d’une Banque centrale est-elle un droit fondamental ? Par ailleurs, cette action a d’autant plus de chance d’aboutir que le FMI a très fortement indiqué au gouvernement hongrois que cette réforme déjà votée lui fermerait l’accès aux crédits demandés.

Le traitement de la situation hongroise fait clairement craquer le vernis d’un discours européen qui se paye de mots. La crise hongroise pointe une évidence : le modèle démocratique n’est pas partagé par tous en Europe. Au regard de ces évènements et de l’incapacité, voire de l’absence de volonté des institutions européennes à intervenir, que représente la prétendue « identité européenne » ?

Vraiment, à quoi sert l’Union européenne ? Elle se révèle incapable de mobiliser ses citoyens autour d’un projet partagé. Elle est incompétente, puisque, après avoir accompagné le FMI dans la résolution de la crise grecque, elle s’apprête à lui confier la direction de la remise en ordre d’un État membre de la zone euro, qui demanderait au FMI une aide que les autres États membres ne pourraient financer. Enfin, elle est impuissante puisque, dans le cas hongrois, la menace du FMI pèse bien davantage que les gesticulations bruxelloises.

Bonne année 2012 à tous. Mais il est vraiment temps de s’occuper de l’Europe, si nous ne voulons pas nous réduire à une arrière-boutique d’un atelier sino-américain !

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