Délitement des banlieues françaises : comment sauver l’attractivité de la France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le délitement des banlieues françaises qui est à l’origine des évènements de Saint-Denis.
Le délitement des banlieues françaises qui est à l’origine des évènements de Saint-Denis.
©THOMAS COEX / AFP

Hexagone

Le fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des Champions en Seine-Saint-Denis interroge la capacité de la France à organiser des grands événements sportifs populaires en Ile-de-France.

Marie-Raphaëlle Billot

Marie-Raphaëlle Billot

Marie-Raphaëlle Billot est Analyste du Millénaire.

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Théophile Braud

Théophile Braud

Théophile Braud est analyste du Millénaire.

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Matthieu Hocque

Matthieu Hocque

Matthieu Hocque est Secrétaire général adjoint du think tank Le Millénaire.

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Notre nation organisera en 2023 la Coupe du Monde de rugby et en 2024 les Jeux-Olympiques de Paris. Pour autant, le fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France interroge la capacité de la France à organiser des grands événements sportifs populaires en Île-de-France, à l’image des pays émergents tels que le Brésil, le Mexique ou l’Afrique du Sud.

Alors qu’Emmanuel Macron utilise les 1 514 quartiers prioritaires de la ville (QPV) comme vitrines de l’attractivité française, les récents évènements à Saint-Denis sont venus rappeler à l’Europe la réalité sécuritaire de notre pays. Il devient impossible d’ignorer que le délitement des banlieues françaises est un facteur qui a considérablement réduit notre attractivité, au point que pour sauver l’attractivité de la France, il faut reconquérir ces territoires perdus.

Une autonomisation des quartiers sensibles vis-à-vis de la République

L’origine de ce fiasco républicain ne réside ni dans les manquements organisationnels de l’UEFA, ni dans le flux de supporters du Liverpool FC ou du Réal Madrid. Il s’agit bien du déficit d’organisation et de préparation des autorités françaises face aux voyous et à la délinquance publique, que la Préfecture de police a qualifié de « riverains », entendus comme les bandes organisées de Seine-Saint-Denis et la population de Porte de la Chapelle principalement issue de l’immigration clandestine et des toxicomanes parisiens. Une étude alarmante du Global Organized Crime Index classe la France comme un des 9 pays au monde où il y a une forte criminalité et une forte résilience au même titre que l’Italie, les États-Unis, la Colombie, l’Équateur, la Malaisie, le Nigéria ou encore l’Afrique du Sud. La France dispose d’un arsenal de lutte contre le crime certes important, mais peu efficace eu égard à une criminalité, prospère en raison du haut niveau de consommation de stupéfiants et d’îlots organisés à petite échelle concentrant la délinquance, le trafic de drogue et d’armes. 

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C’est donc le délitement des banlieues françaises qui est à l’origine des évènements de Saint-Denis. Ce délitement provient de l’essor de sociétés autonomes de facto au sein de la République sur fond de ruptures spatiales, sociales et culturelles. D’abord, ces quartiers sensibles sont issus d’une construction spatiale mal-maîtrisée pour soutenir la stratégie de métropolisation à partir des années 1960 et 1970. En effet, alors que les métropoles constituent les principaux espaces de création de richesses (plus de 75% du PIB français selon l’OCDE), les QPV sont paradoxalement restés en marge de cette création de richesses, à l’image d’un taux de pauvreté (42%) trois fois supérieur au territoire national. Cette vulnérabilité a pour conséquence une ghettoïsation qui prospère sur les fondements d’une économie souterraine informelle et bien souvent criminelle, avec une explosion des faits constatés d’infractions en matière de stupéfiants, quasi-nuls en 1975, mais dépassant le cap des 100 000 faits constatés au tournant des années 2000. Ces aspects ont généré un sentiment de différence sociale et culturelle accentué par une dislocation des références culturelles communes par la concentration de populations étrangères et d’origine étrangère dont l’assimilation n’a pas été réussie, à l’image de ce que Jérôme Fourquet qualifie « d’archipel d’îles s’ignorant les unes des autres ». 

Pour sauver l’attractivité de la France, il faut reconquérir les quartiers sensibles

Alors qu’Emmanuel Macron utilise politiquement les 1 514 quartiers prioritaires de la ville (QPV) comme vitrines de l’attractivité française par le biais de l’imaginaire californien, les récents évènements à Saint-Denis sont venus rappeler à l’Europe la réalité sécuritaire de notre pays. Le déversement d’argent public, de l’ordre de 498 millions d’euros dans la loi de finances pour 2020 pour la politique de la ville, n’a pu enrayer la ghettoïsation, l’archipellisation de nos métropoles et l’accroissement de l’insécurité. En effet, en 1980, 100 000 personnes ont été des victimes directes de faits avec violence sur le sol français, contre plus de 400 000 en 2019 selon les chiffres de l’INSEE. Cette situation porte foncièrement atteinte à l’attractivité et au rayonnement économique, sportif et culturel de la France. 

Face à l’impuissance de l’État et des discours politiques de Gérald Darmanin, il ne faudra ni céder à l’angélisme des perfusions financières qui nous condamnent au déni, ni se contenter de déclarations politiques sulfureuses. Il est impératif de restaurer l’autorité de l’État en reprenant l’initiative sur les délinquants par le biais du rétablissement de services de renseignement opérationnels de terrain chargés d’infiltrer les réseaux et les bandes, de redéployer des moyens pour les démanteler et de systématiser la saisie de leurs avoirs criminels. Il s’agit du seul gage pour ensuite bâtir des espaces de prospérité à même d’offrir des perspectives à nos concitoyens qui résident dans ces territoires en reversant la logique de développement économique par un pacte national pour le travail et en fluidifiant la mobilité géographique et sociale afin qu’ils puissent bénéficier de l’art de vivre à la française. 

Pour sauver le rayonnement et l’attractivité de la France, reconquérir les quartiers sensibles demeure une nécessité. La France ne peut tolérer sur son sol des fragmentations, qui affaiblissent la nation jacobine portée par un référentiel commun, car il nous faut préserver la singularité et l’attractivité de notre modèle afin de redevenir un phare du monde capable d’organiser les grands évènements sportifs et culturels de l’humanité.

Matthieu Hocque, Secrétaire général adjoint du Millénaire

Théophile Braud, Directeur du Pôle Politique

Marie-Raphaëlle Billot, Analyste du Millénaire

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