D’où venait l’inflation ? La BCE a des réponses. Mais n’en tire curieusement pas les leçons <!-- --> | Atlantico.fr
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Un article publié par des experts de la BCE tente de décrypter les origines de l'inflation dans la zone euro.
Un article publié par des experts de la BCE tente de décrypter les origines de l'inflation dans la zone euro.
©DANIEL ROLAND / AFP

Politique monétaire

Des experts de la BCE viennent de publier une étude dans laquelle ils ont analysé la croissance des salaires et l’inflation des prix dans la zone euro afin de déterminer les causes de l’inflation.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Des experts de la BCE ont publié un rapport (What caused the euro area post-pandemic inflation ? An application of Bernanke and Blanchard) dans lequel ils reviennent sur les causes et les principaux facteurs de l’inflation post-pandémie dans la zone euro. Quels sont les principaux enseignements de la BCE sur les causes et les facteurs de l'inflation dans la zone euro ?

Don Diego De La Vega : Cet article est assez technique et ne reflète pas la position officielle de la BCE. Il ne s’agit pas d’une publication labellisée par Christine Lagarde et le board de BCE et qui expliquerait doctement avec la signature de Isabel Schnabel et  de François Villeroy de Galhau quelle serait la position de la BCE sur la question. Cette étude est une variante du modèle appelé Bernanke et Blanchard pour essayer de faire un pas de plus dans la modélisation de l'inflation des chocs d'inflation, de la persistance des chocs d'inflation et des interactions avec les anticipations d'inflation. 

Il s’agit d’un papier d'attribution, pas de tentative d'hypothèse d'attribution, des chocs d'inflation dans la période covid qui seraient liés, au regard des résultats de leur modèle, à des chocs d'offre qu’à des chocs de demande.

Cela valide ce que j’ai pu expliquer dans les colonnes d'Atlantico depuis quatre ans, à savoir que ce pseudo choc d'inflation était quelque chose qui venait essentiellement de l'offre. Donc ce que l'on appelle les chocs d'offre idiosyncratiques et exogènes. Cela veut dire concrètement que ce sont des choses sur lesquelles la BCE n'a aucune prise. 

Face à un choc d'offre venu de de facteurs de disruption, de chaînes de valeur au fin fond de l'Asie, vous ne pouvez rien faire avec les outils de la BCE, avec les outils de la politique monétaire interne.

Ce papier semble suggérer que j'ai eu raison de dire que la BCE ne devait pas répondre par des hausses de 400 points de base pour intégrer un choc sur lequel elle n'a strictement aucune prise. 

Cette étude attribue une partie du choc à des facteurs de demande. Ils sont bien plus minoritaires qu'aux Etats-Unis. Ces facteurs de demande sont reliés à une dynamique salariale sur laquelle la BCE ne peut rien faire non plus. La BCE ne peut pas faire grand-chose de façon directe sur les salaires. Cela dépend du télétravail, de la formation ou de l'adéquation entre l'offre et la demande de travail. 

Même dans les facteurs de demande sont invoqués, en réalité, les experts glosent pour la énième fois sur des facteurs liés à la dynamique salariale. La BCE veut monitorer cette partie-là, mais elle n'a pas une prise directe sur cette partie puisque cela dépend en réalité des décisions microéconomiques des millions d'entreprises de la zone euro. 

Cette étude valide ce que j'ai pu raconter, à savoir que les hausses de taux de la BCE étaient un sacrifice aztèque n'ayant strictement aucun lien avec le mal qu'elle prétendait combattre.

Au regard de cette publication et de ses conclusions, pourquoi curieusement la BCE n'en tire pas les leçons par rapport à la réalité de l'inflation et de sa politique ?

Cela témoigne de la disjonction entre le staff et le board au sein de la BCE. Cela illustre la disjonction et le profond décalage entre le monde des experts et celui des communicants.

Il n’est pas possible de dire que les hausses de taux de 400 points de base étaient complètement fantasmagoriques, qu'elles ont fait plus de mal que de bien et qu'elles n'ont pas changé grand-chose à la courbe de l'inflation, que cette inflation étant essentiellement importée et essentiellement temporaire et exogène, cela ne servait à rien de vouloir la tuer dans l'œuf, tout cela ne peut pas être dit.

Il s’agit d’un symptôme de plus du divorce qu'il y a entre le monde de l'expertise et le monde de la décision. Il n'y a plus de spécialistes de politique monétaire au sein du board de la BCE. Parmi les 23 personnes autour de la table, aucune ne peut vraiment être qualifiée de spécialiste en politique monétaire. C'est maintenant également le cas de la Fed. Il y a encore quelques années, il fallait avoir une certaine compétence académique ou pratique en politique monétaire pour être membre du board de la Fed. Ces deux mondes sont en train de divorcer de plus en plus. Le problème du monde des experts, notamment de la BCE, est qu'ils sont sous la tutelle des membres du board.

Ils ne le diront pas publiquement mais on le sent bien à travers la lecture de ce genre de papier, notamment lorsque très clairement l'accent est mis sur le fait que le surcroît d'inflation temporaire est venu de l'offre, et que, au sein des facteurs de demande, il s'agit essentiellement de problématiques salariales. Les salaires sont élevés en zone euro, en dynamique. Il n'y a pas de gains de productivité pour les justifier. Le public pour ce genre de publications, ce genre d’articles est trop faible pour que cela mette vraiment à mal la la position de Isabel Schnabel et de la Bundesbank.

Selon le modèle de cette étude, l'inflation IPC devait diminuer plus rapidement que prévu dans les projections des services de la BCE en juin 2023 et atteindre l'objectif dès la mi 2024. Est-ce qu'il y aurait de l'espoir pour les salaires et le pouvoir d'achat ou est ce que la politique monétaire et le modèle mis en place par la BCE vont-ils nuire aux espoirs des citoyens pour le pour les salaires et le pouvoir d'achat ?

La désinflation a bien lieu. Cela dure depuis maintenant 18 mois. Cela continue alors même que le prix du baril de Brent est encore très élevé. Une désinflation très nette a lieu, alors même que les facteurs de persistance des prix sont soumis à des perturbations dans les flux du commerce international. Il y a de nombreux éléments de fin de cycle, de taux de chômage assez bas, qui normalement devraient entraîner une persistance de l'inflation. Or, ce n'est pas ce que l'on constate. 

Les derniers chiffres lundi dernier de masse monétaire en zone euro l'ont encore montré, il n'y a aucun rétablissement des agrégats monétaires M1, M2, M3 en zone euro. Cela montre clairement que nous sommes plutôt en déflation objective qu’en risque de dérapage inflationniste.

Le pouvoir d'achat des Européens va être dopé par une désinflation qui elle vient clairement de la baisse de la demande. La désinflation que nous connaissons actuellement est assez pénible car elle vient du fait qu'il y a zéro croissance et même en réalité une décroissance industrielle depuis avril 2022 et une décroissance immobilière.

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