Crise au sommet de la PJ : cette colère de la police qui couve bien au-delà du limogeage du patron de la PJ marseillaise <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti lors d'une visite sur le thème de la sécurité auprès des forces de l'ordre.
Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti lors d'une visite sur le thème de la sécurité auprès des forces de l'ordre.
©LUDOVIC MARIN / PISCINE / AFP

Police judiciaire

Éric Arella, le directeur zonal de la police judiciaire à Marseille, a été limogé par Frédéric Veaux, le DGPN.

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard est journaliste à Atlantico.

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Mais pourquoi Éric Arella, directeur zonal de la PJ à Marseille, a-t-il été démis de ses fonctions par le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux ? L'explication trouve vraisemblablement son origine bien loin de la cité phocéenne.

Depuis de nombreux mois, la grogne monte au sein de la police judiciaire. La raison ? La réforme de la police nationale qui est en train de voir le jour. Une réforme qui devrait advenir en 2023, selon les annonces du ministère de l’Intérieur et du Président de la République. Ce projet, expérimenté dans plusieurs départements et territoires depuis quelques années, a connu une accélération avant l’été.

Cela fait plusieurs semaines que certains grands patrons de la PJ, les « PJistes », comme Éric Arella ou Christophe Descoms à Versailles ont alerté sur les dégâts que pouvait entraîner cette réforme à très court terme. Une inquiétude partagée par certaines organisations syndicales mais aussi des magistrats instructeurs, des procureurs de la république, des avocats et même certains parlementaires.

C’est dans ce contexte que Frédéric Veaux a été accueilli, au siège de la police judiciaire de Marseille, l’Évêché, jeudi, par une « haie de déshonneur » : des policiers bras croisés ou filmant avec leur smartphones, silencieux et le visage fermé.

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Quelques heures après, Éric Arella est démis de ses fonctions. C’est la « loyauté » à ses hommes et ses critiques du projet de réformes qui lui auraient coûté son poste. Il devrait être dès lundi affecté comme chargé de mission à la direction de la police nationale selon les informations du Parisien (et non à l’IGPN comme évoqué). Son départ, vendredi dans l’après-midi, s’est fait sous les applaudissements nourris des policiers de la PJ. « Un geste rare et fort », souligne un membre des forces de l’ordre interrogé par Atlantico.

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Certains, comme Grégory Joron, Secrétaire Général UNITE SGP POLICE-FO, ont réagi et critiqué sévèrement le fonctionnement de l’Institution : « Dans la Police nationale, c'est beaucoup plus rapide de virer un Patron qui défend ses idées, son métier et soutient ses femmes, ses hommes, qu'un Patron qui les fait souffrir... Y'a pas comme un problème ? », a-t-il tweeté. Matthieu Valet, porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires des police a lui estimé sur le réseau social qu’un « grand patron de la PJ viré comme un malpropre, c’est du jamais vu ! ». Le SCPN a lui « déploré cette décision brutale et injuste ».

Signe de la tension à l’œuvre, l’information a circulé selon laquelle le directeur central de la police judiciaire, Jérôme Bonet, a voulu démissionner par solidarité. Le porte-parole de la police nationale a écrit « pour faire suite à certaines rumeurs, le directeur central de la police judiciaire, M. Jérôme Bonet, dément avoir présenté sa démission au directeur général de la police nationale. » Mais il en a bien été question et cette démission a été refusée, comme le confirment des sources concordantes à Atlantico.

Pourquoi la réforme fait-elle polémique ?

Si cette réforme suscite tant la controverse, c’est que certains y voient une casse de la police judiciaire, notamment dans sa lutte contre la criminalité organisée. Le projet vise notamment à rassembler, à l’échelle du département, tous les services de police - sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ) - sous l’autorité d’un nouveau responsable unique, le Directeur départemental de la police nationale (DDPN).

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Mais le problème central semble être que la réforme est conçue à bas bruit et, comme l’explique une source policière à Atlantico, sans associer les organisations syndicales. « Nous avons été écartés, mais comme nous sommes au XXIe siècle, les informations ont fuité ». Le 17 août, des enquêteurs ont créé une association contre cette réforme de la PJ. Le mouvement s’est peu à peu étendu au sein de la police. Principaux griefs : le manque de communication et de concertation de l’institution à propos de ce projet. Le 8 septembre dernier, le directeur général de la police nationale a d'ailleurs reconnu lors d’une réunion le déficit de communication de l’équipe projet (EPRPN), dirigée par l’inspecteur général Grégory-Hugues Frély. Mais après avoir écarté plusieurs mois les différents acteurs, notamment syndicaux, ces derniers ont été sollicités lors d’une réunion institutionnelle, jeudi 6 octobre, pour « faire de la pédagogie » face à l’intensification de la colère. « Ils mettent le feu, puis nous demandent de faire les pompiers », lâche un responsable syndical.

Vers une accentuation de la crise ?

Vendredi plusieurs manifestations ont eu lieu à travers la France. Une source syndicale estime auprès d’Atlantico que « si Gérald Darmanin cautionne les décisions de son directeur général de la police nationale, cela va entraîner une nette dégradation des relations avec les Pjistes ». Le 1er septembre, le ministre de l’Intérieur avait pourtant reçu à Beauvau tous les DZPJ, dont Éric Arella. A-t-il approuvé le limogeage du directeur de la PJ marseillaise ? Difficile d'imaginer que ce ne soit pas le cas, selon la même source. 

Tout laisse en tout cas à penser que le mouvement va continuer et prendre de l’ampleur après cette crise. Alors que le mardi 11 octobre débute au Sénat l’examen en séance du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (lopmi), le climat risque d’être explosif. 

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