Covid version Delta : la 4e vague nous menace-t-elle vraiment d’un retour à la submersion des hôpitaux (et à la nécessité d’un confinement) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Djakarta, le 2 juillet 2021 après la mise en place de nouvelles restrictions afin de freiner l'épidémie.
Djakarta, le 2 juillet 2021 après la mise en place de nouvelles restrictions afin de freiner l'épidémie.
©BAY ISMOYO / AFP

Retour à la case départ

Le variant delta va devenir majoritaire sous peu en France et depuis plusieurs jours, on observe une hausse rapide du nombre de cas quotidiens. Pourtant, la situation hospitalière demeure encore stable avec très peu d’hospitalisations et de formes graves.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Le variant delta va devenir majoritaire sous peu en France. Depuis plusieurs jours, on observe une hausse rapide du nombre de cas quotidiens. Pourtant, la situation hospitalière demeure encore stable avec très peu d’hospitalisations et de formes graves. Certains pensent donc que la 4eme vague n'entraînera pas de tension sur le système hospitalier. Selon vous, la situation fait que nous ne pourrons pas éviter une saturation au cours ou à la fin de l’été. Qu’est ce qui accrédite cette prévision ?

Professeur Antoine Flahault : L’imprévisibilité de cette pandémie nous déroute depuis l’origine, donc je me garderai bien de prévoir au-delà d’une semaine ce qui va advenir de cette quatrième vague en cours de constitution. On peut bien sûr regarder les pays voisins, mais il faut se rappeler qu’aucune situation n’est totalement transposable d’un pays à un autre. Le Royaume-Uni rencontre depuis près de deux mois une quatrième vague d’une grande ampleur avec plus de 30 000 nouvelles contaminations rapportées chaque jour désormais et nous prévoyons que l’incidence dépassera les 40 000 cas quotidiens dans une semaine (https://renkulab.shinyapps.io/COVID-19-Epidemic-Forecasting/_w_2da9a25f/?tab=jhu_pred&country=United%20Kingdom) avec une augmentation notable des hospitalisations et des décès, même si cette dernière semble sans commune mesure pour le moment avec les niveaux atteints en décembre dernier outre-manche. Mais la couverture vaccinale est plus importante au Royaume-Uni qu’en France puisque près de 70% de la population y a reçu au moins une dose contre un peu plus de 50% en France. Le Portugal connaît une situation assez similaire à celle du Royaume-Uni, avec une couverture vaccinale de 60%, un niveau intermédiaire entre le Royaume-Uni et la France. Quant à la Russie, elle est frappée par une vague qui cause une mortalité importante, puisque 750 à 800 décès y sont rapportés chaque jour actuellement (pour un pays de 145 millions d’habitants, soit un peu plus de deux fois la population française), mais sa couverture vaccinale y est beaucoup plus faible, avec seulement 30% de sa population ayant reçu au moins une dose.

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Dans ce contexte de saturation hospitalière un confinement tel que nous avons pu le connaître serait-il inéluctable ?

Il faut se rappeler que chacune des vagues pandémiques a contaminé environ 5% de la population française, et probablement seulement 2-3% des personnes de plus de 50 ans, celles qui sont les plus à risque de complications graves et de décès. La question qu’il faut se poser pour évaluer le risque de nouvelles vagues est de savoir si il persiste encore 5% de la population susceptible de se faire contaminer (c’est-à-dire des personnes non immunisées contre le coronavirus). En France, la réponse est clairement affirmative, puisqu’il y a plus de 15% des personnes de plus de 50 ans qui ne sont toujours pas vaccinées contre la Covid-19. Il y a donc d’une part un risque de quatrième vague et d’autre part le risque qu’elle vienne encore saturer les hôpitaux et provoquer une surmortalité, et cela parce que la couverture vaccinale reste encore insuffisante, et donc offre une protection sub-optimale au pays.

Quelles sont les mesures qui permettraient d’éviter ou de ralentir l’impact de la 4eme vague ?

Aujourd’hui nous disposons d’un vaccin efficace et sûr, avec une expérience sur plus d’un milliards de personnes dans le monde, ce qui n’était pas le cas l’été dernier. Les deuxième et troisième vagues étaient en quelque sorte quasiment inéluctables sauf à adopter des stratégies de type zéro Covid, ce qu’aucun pays européen n’a choisi de faire, en dehors de l’Islande et dans une certaine mesure le Danemark, la Finlande et la Norvège. Si l’on veut éviter une quatrième vague aussi dévastatrice que les précédentes en France, il faut que les Français soient beaucoup plus vaccinés qu’ils ne le sont actuellement. 50% de la population ayant reçu au moins une dose en France n’est pas suffisant, il faudrait obtenir plus de 90% de couverture auprès de la population en âge d’être vaccinée pour être en mesure d’empêcher une nouvelle vague de se former et surtout pour empêcher des cas sévères de venir saturer le système hospitalier ce qui a pu être évité à trois reprises par des confinements nationaux décidés pour éviter son engorgement voire son implosion. Comme on n’obtiendra pas cette couverture vaccinale de 90% en quelques semaines, on peut déjà prendre des mesures qui seront à la fois incitatrices à se faire vacciner et aussi de nature à prévenir les contaminations, tout en évitant le reconfinement du pays. Il s’agit de fermer les frontières des pays européens aux personnes non-vaccinées et de restreindre aux personnes vaccinées l’accès des lieux connus pour leur risque élevé de contamination. Je parle des bars, restaurants, discothèques, entreprises, transports publics, puis dès la rentrée, des écoles, universités. Il est clair qu’il est dangereux pour les personnes non vaccinées de séjourner dans des lieux clos, bondés et peu ventilés. Pour les écoles primaires et les crèches, où les enfants devront se rendre sans pouvoir être vaccinés puisque le vaccin n’est pas encore homologué pour les enfants de moins de 12 ans, il serait important de promouvoir l’aération, et d’en vérifier la qualité par des capteur de CO2 et d’imposer le port du masque dès l’âge de 6 ans.

A ce titre, que penser des annonces d’Emmanuel Macron de ce lundi soir ?

Les annonces du président français du lundi 12 juillet vont dans le sens d’une vaccination pour tous, sans franchir le cap de l’obligation légale, ou plus précisément en procédant par étapes, en commençant par les personnels soignants et non soignants au contact avec les vulnérables dans les hôpitaux et les EHPAD et les bénévoles au contact avec les personnes âgées, puis en conditionnant la question de l’obligation vaccinale du reste de la population à son niveau de couverture à la rentrée. Les annonces vont aussi dans le sens d’un meilleur contrôle sanitaire aux frontières, en privilégiant les vaccinés, les autres seront soumis à l’isolement contraint. On sent que dans le discours officiel, le pass sanitaire cède progressivement la place au pass vaccinal, et les PCR vont devenir payantes à la rentrée. Avec l’extension du pass sanitaire, dès juillet pour les événements de plus de 50 personnes, puis à partir d’août en l’étendant désormais aux lieux fermés à haut risque de transmission (bars, restaurants, discothèques, etc…), et aux transports publics (avions, trains), le privilège accordé aux personnes vaccinées est encore renforcé. Un autre point qui participe du même objectif est la mise en œuvre de mesures locales de freinage de l’épidémie au cours de l’été, conditionnées à un indicateur sanitaire (seuil d’incidence supérieur à 200 nouveaux cas/100 000 habitants/semaine), et en les ciblant sur les seules personnes non vaccinées.

Si la poursuite des gestes barrières a été rappelée, il manque toujours un plan d’investissement ambitieux sur la ventilation des écoles et des crèches qui ne pourront pas bénéficier de l’effet protecteur de publics vaccinés et qui ont été les oubliées des annonces du 12 juillet, alors que l’on aurait pu mettre à profit la pause estivale pour procéder à ces équipements pour sécuriser la rentrée scolaire des moins de 12 ans.



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