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Covid-19 : les 4 mesures qu’il est encore temps de prendre pour éviter une épidémie à l’italienne en France
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

Solidarité européenne

L'Italie est le pays européen le plus touché par le Covid-19. De nombreux pays ont décidé de fermer leurs frontières avec l'Italie. Le système de santé de nos voisins italiens est-il à mettre à cause ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico.fr : L’Italie est le pays européen le plus durement touché par l’épidémie du coronavirus. Pourquoi? Le système de santé du pays est-il à mettre en cause?

Dr. Guy-André Pelouze : Cette épidémie est devenue une pandémie plus personne ne le conteste. Aujourd’hui nous avons deux foyers majeurs d’épidémie: chinois et européen. L’Italie a présenté des particularités du point de vue de la surveillance des patients, de la façon dont le système a contrôlé les entrants et également semble-t-il, des particularités dans la région de la Lombardie, la plus touchée, où de nombreuses personnes chinoises résident. Donc il semblerait qu’il y ait eu dans le pays de nombreux échanges qui n’ont pas été correctement contrôlés. On a souvent parlé de la question de l’interdiction des vols, que les Italiens avait prise assez précocement. Pour autant, il s’avère que les Italiens d’origine chinoise ou des Italiens revenus de voyages d’affaire en Chine, sont revenus en Europe par d’autres aéroports, et ont prit un deuxième vol pour rentrer en Italie.

Tous ces phénomènes ont contribué à ce qu’en Italie il y ait probablement un afflux important dans un temps relativement court de personnes contaminées. C’est la spécificité de l’Italie et nous en saurons plus au fur et à mesure du reporting et de l’analyse de ses facteurs par les épidémiologistes.

Les Italiens ont un système hospitalier différent du nôtre certes, mais je ne pense pas qu’il ait lieu de le mettre en cause. Je rappelle que les Italiens ont des hôpitaux publics et privés, il n’y a pas de raisons de mettre en doute la qualité des soins ou la gestion médicale de cette épidémie. Ce qui est certain, c’est qu’il y a eu dans le pays un afflux important de personnes contaminées dans un espace - temps extrêmement restreint. Au regard de la taille moyenne des régions touchées, et du nombre important de cas qui s’y sont déclarés, il n’est pas étonnant que les hôpitaux de la région aient été rapidement débordés. La charge pour le système hospitalier a été au-dessus des capacités maximales des structures installées, ce qui est d’ailleurs la crainte, à juste titre, du gouvernement français.

Si le nombre de patients en fonction du temps devient très important on sait que les patients qui arrivent à l’hôpital sont déjà des patients symptomatiques. De ces patients, il y a en 10% qui vont aller en réanimation. Si le flux de ces patients qu’il faut hospitaliser est élevé on observe rapidement une saturation des capacités locales. Les transferts posent d’autres problèmes, propagation du virus, état des patients etc.

Que peut-on faire en France aujourd’hui pour éviter une situation aussi grave qu’en Italie?

D’abord, il faut préciser que la majorité des décisions qui sont prises aujourd’hui sont prises en réaction aux évènements. Et cela pour une raison simple: nos responsables politiques ont tardé à tirer des leçons de ce qui se passait à Hubei. Les chiffres communiqués à l’époque, notamment la modélisation de l’épidémie publiée par l’université Imperial College à Londres, étaient très inquiétants. On aurait pu anticiper la menace plus précocement. Désormais, pour éviter de se retrouver dans une situation difficile, il faut anticiper. Le président de la république a pris l’initiative en parlant des EPHAD. Il faut dire « non n'allez pas voir les gens fragiles, ce n’est pas le moment ». Il faut étendre le confinement de manière extrêmement sérieuse et coercitive. On peut, quand on regarde la carte des foyers déclarés en métropole conseiller aux gens qui habitent là de vivre localement et de ne pas multiplier les déplacements pour les deux prochaines semaines.

L’idée de se réfugier dans les zones non contaminés est-elle réalisable?

L’idée de créer des espaces où les gens ne sont pas testés positifs peuvent aller est une idée qui a déjà été évoquée lors d’épidémie plus anciennes. Face à un accélération de l’épidémie cela peut apparaître comme une solution pour les gens qui ne sont pas encore contaminés. Mais cela pose un autre problème énorme: c’est qu’il faut tester tout le monde. Or le gouvernement a annoncé ne pas vouloir tester les personnes asymptomatiques. Pour pouvoir autoriser ces mouvements de population vers des zones non contaminées, il faudrait mettre en place un test pour toute personne qui décide de partir, sinon ça n’a pas de sens. La transmission la plus redoutable est celle des porteurs asymptomatiques. Ces personnes sont contagieuses, même semble-t-il pendant la période d’incubation, et surtout sont plus nombreuses que les malades. C’est de cette manière que le virus a pu se transmettre à une telle vitesse. Attention à ces intentions constructivistes car elles ne sont finalement pas réalisables.

Limiter les déplacements, appliquer strictement les mesures de prévention c’est ce qui va donner un coup de frein à la propagation de la maladie. Une étude récente menée en Chine sur 200 à 300 villes a montré que les villes qui avaient entamées les restrictions de circulation le plus précocement ont 37% de cas en moins. Si nous arrivons à « casser »la transmissibilité dans les 2 à 3 prochaines semaines, nous pourrons sauver des vies. Sur 100 transmissions qui se traduisent par un patient malade, vous avez 2 morts. Comme chaque personne infectée transmet le virus entre 2 et 4 fois peut être plus dans certaines conditions, le nombre de victimes atteint rapidement des chiffres élevés. Stopper cette transmissibilité dès à présent est capital.

Les hôpitaux privés doivent-ils être associés à la lutte contre l’épidémie?

Il n’y a aucun doute. Nous ne sommes pas dans une épidémie mineure, confinée aux patients des hôpitaux publics! Nous sommes dans une épidémie où tout l’appareil sanitaire français, doit être mis à contribution. Je ne comprends pas, et j’en suis très choqué, que la politique menée jusqu’à présent par le ministère de la Santé consiste à opposer le système public et privé, tout en bâtissant des politiques hospitalo-centrées, comme si l’hôpital était au centre de la vie publique, et qu’il n’y avait rien autour pour soigner les gens. L’erreur vient du fait que ce ministère ne fait toujours pas confiance aux acteurs privés, et qu’il n'était pas prêt à confier un rôle de premier plan aux médecins généralistes. Il ne faut exclure personne. L’idée de ne pas envoyer les cas suspects aux urgences n’est efficace que si il y a des médecins en amont pour faire ce tri. Il ne faut pas que n’importe qui arrive dans les couloirs des urgences, il faut souhaiter que cette évidence soit appliquée après la crise du Covid-19. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille saturer le 15. Il ne peut pas tenir. Il faut que les médecins généralistes puissent prendre en charge un certain nombre de malades et que les laboratoires privés face des tests. Cette crise met en avant l’échec de la vision hospitalo-centrée de ce gouvernement ainsi que de ses prédécesseurs. Changeons vite et utilisons tous les médecins. Les cliniques privées sont très bien équipées et parfaitement capables de prendre en charge les malades.

J’ajouterai qu’il faut absolument associer dès à présent, avant toute surchauffe du système hospitalier, l’armée. Aujourd’hui nous n’avons aucune raison, compte tenu de la menace, de mettre les hôpitaux militaires à l’écart. Il faut que l’armée soit impliquée dans le processus. S’il manque des respirateurs, comme en Italie, il faut que l’armée puisse en fournir, du moins substantiellement. Quitte à ce que, dans cette période, nous soyons assez audacieux pour mettre en place un processus de protection des frontières européennes et de mise à disposition de matériel commun avec les armées des pays membres de l’UE.

Existe-t-il des alternatives aux respirateurs des hôpitaux ?

Les alternatives sont connues. Il y a des dispositifs comme la VNI (ventilation non invasive) qui peuvent permettre d’améliorer l’oxygénation du sang sans mettre un tube dans la trachée et sans respirateur. Ces techniques sont parfaitement maîtrisées, en Italie, comme ailleurs. Il existe par exemple des masques qui sont collés au visage et qui permettent de faire respirer au patient de l’air à un pression plus élevée et enrichi en oxygène. Ces techniques vont permettre d’oxygéner correctement le sang et éviter une détresse respiratoire plus grave conduisant à l’utilisation de techniques lourdes et invasives. Il y a là aussi du matériel à avoir à sa disposition pour en faire bénéficier les patients, et donc une limite. Par ailleurs ces techniques sont déjà maîtrisées dans les unités de surveillance continue en cardiologie, pneumologie. Cela permet d’éviter des décompensations par une prise en charge précoce non invasive et de décharger les services de reanimation.

Il faut utiliser toutes les armes thérapeutiques qui sont à notre disposition. Il faut agir dans un esprit de responsabilité et de civisme. Il ne s’agit plus de faire de la critique politique, il faut faire du factuel, du réaliste pour éviter d’autres victimes. Chacun peut contribuer surtout en cassant la chaîne de transmission.

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