COVID-19 : la pandémie s'étend, la reprise faiblit, la déflation arrive<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire ministre de l'économie
Bruno Le Maire ministre de l'économie
©LUDOVIC MARIN / AFP

Evolution de l'impact du coronavirus

Jean-Paul Betbeze revient sur l'impact du coronavirus sur l'économie et sur les principales devises. La hausse du nombre de cas suscite de nouvelles inquiétudes. L'impact des nouvelles mesures sanitaires va avoir des conséquences directes sur l'économie.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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35 millions de cas : c'est le chiffre officiel des personnes atteintes, ou l’ayant été, par le COVID-19. Plus d’un million de personnes en sont mortes. Après une première phase de surprise et d'inquiétude, suivie de mesures pour essayer de réduire et d'endiguer la pandémie, la voilà qui revient. On peut toujours annoncer que des vaccins vont arriver bientôt, que l'on sait mieux la soigner qu'avant, le paradoxe est toujours que l'on peut l'arrêter en se tenant à distance d’une autre personne et en portant un masque. En fait, le développement de la pandémie est comportemental.

Le pire est économique : il y a certes un million de morts, mais il y a aussi des dizaines de millions d'emplois perdus et de vies brisées. On se rend compte que la reprise économique qui naissait aux États-Unis et en Europe est en train de faiblir. Les États-Unis ont ainsi enregistré 660 000 nouveaux emplois en septembre 2020, moins que le 1,5 million d'emplois d’août et moins que les 850 000 attendus. On mesure qu’il y a certes une amélioration américaine dans les activités industrielles, ou proches de l'industrie, mais la chute des services n'arrive pas à être compensée. Les problèmes de distance qui se posent dans les hôtels, les restaurants, les bars, le tourisme, activités intensives en travail de  proximité, impliquent des investissements énormes, matériels et immatériels et demandent des restructurations profondes de ces secteurs. Rien de facile ni d’immédiat.

La reprise économique en V a disparu, pour laisser place à une reprise en aile d’oiseau, expression poétique pour dire que le retour au niveau du PIB intérieur prendra entre 3 et 4 ans au mieux. Surtout, derrière ce « retour », il va y avoir des changements structurels dans l'industrie et surtout dans les services et c'est cela le problème. On voit que les États-Unis sont toujours les premiers atteints (7,6 millions de personnes), sans doute pour les problèmes de mauvaise gestion politique de la maladie, suivis de l’Inde (6,5 millions) et du Brésil (4,9 millions), pour des raisons de pauvreté et de taille des populations. Si l’on raisonne par millions de personnes touchées dans les pays, en Amérique latine la situation est dramatique : pauvreté ? Il ne faut pas oublier les interrogations que l'on peut avoir sur ce qui se passe en Afrique et plus particulièrement en Afrique du Sud, où la pandémie continue d'avancer.

Bref des raisons multiples, économiques, sociologiques et politiques derrière cette reprise qui est, partout, en train de donner des signes de ralentissement. Elle touche la partie moderne de l'activité et de l'emploi dans les pays avancés et la partie informelle dans les pays émergents. Pour repartir, des milliards d'investissements seront nécessaires : actuellement les dépenses sont surtout faites pour soutenir la demande en finançant le chômage partiel ou des crédits aux entreprises, afin qu'elles ne s'effondrent pas, la vraie reprise se fera par l'investissement matériel et immatériel (le plus risqué).

Les bourses de valeurs traduisent cette réalité. Le Nasdaq américain est toujours en avance, montrant que les nouvelles technologies seront les gagnantes de la nouvelle phase historique qui s'ouvre, accélérée par la pandémie. La Bourse de Shanghai suit, de loin, en liaison avec la reprise chinoise. Le Cac 40 français est toujours en baisse, avec des interrogations sur La France mais également sur ses composantes bancaires et pétrolières. La bourse anglaise est encore plus en retard, ajoutant les problèmes du Brexit. Le Dow Jones américain et le Dax allemand se trouvent, au milieu en légère baisse de 3% environ depuis le début de l'année. Ceci manifeste les interrogations que l'on peut avoir sur la vigueur de la reprise américaine, même si les soutiens budgétaires et monétaires sont là, et sur la situation allemande, dépendante de ses exportations industrielles autrement dit les importations des autres.

Les prix des matières premières montrent également les tiraillements dans l'économie mondiale. L'or est toujours en avance, pour se protéger, le Brent est toujours en retard, parce que l'économie est ralentie et que l’on sait que la surproduction de pétrole pourrait durer des années. Total  se donne ainsi comme objectif d'être une société de services et décarbonée dans les  dix et vingt ans à venir. Les entreprises de matières premières agricoles vendent un peu mieux, en particulier le soja, sans doute lié à la demande chinoise. Quant aux prix du bétail, ils souffrent toujours.

Alors, si la reprise économique se met à décevoir, on comprend bien que le déficit budgétaire ne peut qu’augmenter, sans pour autant faire monter les taux à long terme. C’est en particulier le cas aux États-Unis, pour des raisons économiques, monétaires – le soutien de la Fed et politiques - la campagne électorale. Mais les déficits budgétaires se creusent également en Europe, avec l'idée qu’il s'agit de repartir en changeant, quitte à devenir verts. Ce sera cher !

Le cas dramatique est l'Italie : le pays est en récession (-12%),  avec un déficit budgétaire qui se creuse évidemment (10% du PIB), avec une montée de la dette publique qui atteint presque 1,6 fois le PIB. Ceci se produit avec des taux d'intérêt nominaux sur la dette publique à 0,8% : chiffre miraculeux, grâce à l'intervention de la Banque Centrale Européenne évidemment, qui rachète largement les bons du Trésor italien. Mais cela ne suffit pas à empêcher la propagation de la déflation avec des prix qui, sur l'année, sont en baisse de 0,9% : le taux réel de la dette italienne est ainsi à 1,7%, ce qui est alarmant.

Les taux de change traduisent ces réalités : le dollar baisse un peu par rapport à l’euro, les devises des pays émergents sont en chute. Le dollar paye son déficit budgétaire et son engagement de taux bas, avant même que les marchés ne s’inquiètent du COVID du Président Trump. Quant aux pays émergents, ils payent le prix de la pandémie et de problèmes géopolitiques, dans un climat très nerveux.

Le COVID-19 accentue les inquiétudes du monde et accélère ses mutations, au moment même où il touche le Président Trump.

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