Covid-19 : Pourquoi la chute de la vaccination aux Etats-Unis devrait sérieusement nous préoccuper<!-- --> | Atlantico.fr
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Un centre de vaccination contre la Covid-19 à l'aéroport international de Miami, à Miami, en Floride, le 29 mai 2021.
Un centre de vaccination contre la Covid-19 à l'aéroport international de Miami, à Miami, en Floride, le 29 mai 2021.
©EVA MARIE UZCATEGUI / AFP

Essoufflement

Après des débuts foudroyants pour la vaccination outre-Atlantique, le pays peine désormais à atteindre la barre des 70% de vaccinés et l’objectif fixé par Joe Biden pour début juillet. Alors que l’OMS alerte sur le risque de résurgence couru par l’Europe faute de vaccination suffisante à date, les autorités sanitaires françaises feraient bien d’intégrer ces données à leur stratégie.

Eric Billy

Eric Billy

Eric Billy est chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg. Il est membre du collectif Du côté de la science.

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Franck Clarot

Franck Clarot

Le Dr Franck Clarot est médecin légiste, radiologue, vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues et membre du Collectif Du Côté de la Science .

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Atlantico : Après une campagne vaccinale menée tambour battant outre-Atlantique, la dynamique s’essouffle et les Etats-Unis peinent désormais à atteindre la barre des 70% de vaccinés et l’objectif fixé par Joe Biden pour début juillet. Tous les pays sont-ils condamnés à connaître un jour cet essoufflement ? A quoi est-ce dû ?

Eric Billy et Franck Clarot : Depuis la mise à disposition des vaccins, trois pays ont connu une dynamique particulière et rapide de la vaccination : les Etats-Unis, Israël et le Royaume-Uni, en particulier durant les 3-4 premiers mois de l’année 2021. 

En Israël, par exemple, c’est près de 60% de la population qui est totalement vaccinée, ce qui représente quasiment 80% des adultes. 

Aux USA, la machine se grippe, même si l’évaluation de la couverture vaccinale dépend du paramètre considéré (une ou deux doses). Depuis la mi-avril, dans ce pays pourtant exemplaire, qui vaccinait plus de 3 millions de personnes par jour (en moyenne hebdomadaire), les rythmes chutent.

A ce jour, alors qu’environ 43% de la population est complètement vaccinée, 53% des américains n’ont reçu qu’une seule dose, ce qui ne peut permettre au Président Biden d’atteindre l’objectif des 70% de vaccinés pour le début du mois de Juillet. Et comme 23% des américains se déclarent opposés à la vaccination - 33% chez les républicains - l’administration Biden ne peut actuellement espérer qu’une immunité collective maximale de 77%.

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La vaccination, partout, se heurte à des postulats, des a priori, et des critères très concrets de discimination d’accès. Il existe aux USA par exemple, de nombreuses disparités entre les états américains, comme au sein même d’un état, entre les county, ou entre les zones urbaines et les zones à faible densité de population, entre les zones riches et pauvres, ou encore entre les zones démocrates et républicaines (on est ainsi plus vaccinés dans les états à dominante démocrate des côtes Est et Ouest que dans le centre ou sud des USA). Ces disparités limitent la vaccination, comme l’accès aux soins, d’ailleurs.

En France, le système de soins est très différent. Pour autant, on peut aussi craindre un plafonnement multifactoriel de la cinétique de vaccination liée :

  • à la part stable des irréductibles opposés à la vaccination (quelle qu’elle soit d’ailleurs, environ 20%) ;

  • aux signaux de réouverture qui semblent indiquer que tout est contrôlé en l’état et que la situation est satisfaisante ;

  • au ras le bol des contraintes, à l’ambiance des vacances, et la délocalisation des français, entraînant des rendez vous plus complexes à gérer ;

  •  et à l’espacement accru des doses, qui a retardé les deuxièmes injections.

Du point de vue épidémiologique, quel est le risque d’une campagne de vaccination incomplète ? Des résurgences épidémiques peuvent-elles advenir ?

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Eric Billy et Franck Clarot : Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que l’immunité collective prévient le statut épidémique, mais n’empêche pas totalement une circulation virale à bas bruit, selon le taux de couverture vaccinal. De fait, plus celle-ci est importante, plus le risque de diffusion du virus dans la population, à partir d’un cas sporadique ou importé, est faible.

Dans le cas d’une vaccination incomplète, les risques sont multiples :

  • Tout d’abord,  une immunité vaccinale globale insuffisante au sein d’une population, ou limitée au sein d’une classe d’âge, peut mettre en danger l’ensemble d’une population, et surtout les plus fragiles, lors d’une résurgence épidémique. C’est pourquoi il faut vacciner les personnes à risque, indépendamment de leur âge, afin de limiter l’éventuelle pression sur le système hospitalier, et de limiter les décès. 

De même, il est important de vacciner les classes d’âge vectrices (18-35 ans) afin de limiter  les risques de circulation virale importante dans la population générale, et les plus fragiles.

  • Ensuite, le développement d’une immunité partielle est plus à même de favoriser l’émergence de variants, en créant une pression de sélection. 

L’exemple du Royaume Uni est à ce titre démonstratif ; ce pays, en modifiant les protocoles vaccinaux, dans le cadre d’un pari politique, et en décidant d’un intervalle de 10 à 12 semaines entre les deux doses, a créé les conditions favorables à la circulation virale d’un variant plus résistant aux vaccins actuels.

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Si l’espacement des injections de 12 semaines respecte les préconisations scientifiques des études du vaccin Astra Zeneca, il n’est qu’une extrapolation concernant les produits Moderna ou Pfizer/BionTech, loin des essais de phase 3, et des délais de 3 à 4 semains, 6 au maximum. 

L’espacement des doses, en dehors d’une pénurie de vaccins, ou d’insuffisance logistique, ne peut s’entendre, car il génère un grand nombre de sujets partiellement (insuffisamment) vaccinés ce qui peut conduire, en cas de reprise épidémique avec un variant comme le Delta, à une circulation virale forte, possiblement à l’origine d’un variant, pire encore.  

La France doit-elle tirer des leçons de ce qu’il se passe aux Etats-Unis ? Comment ?

Eric Billy et Franck Clarot : Oui, des USA comme des autres pays, de leurs expériences, leurs réussites ou leurs échecs.

Vacciner le plus possible, rapidement, avec deux doses, en respectant les schéma vaccinaux propres à chaque vaccin, est le primum movens de la réussite, d’autant qu’aujourd’hui, et depuis plusieurs mois, le frein à la vaccination n’est plus le manque de vaccin, mais bien de rendez-vous pris, et de motivation.

Graphiques issus du New York Times: https://www.nytimes.com/interactive/2020/us/covid-19-vaccine-doses.htm

Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie et Franck Clarot médecin légiste – radiologue, membres du collectif "Du Coté de la Science".

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