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Coronavirus : comment la Chine a embrouillé l’OMS (et l’Occident...)
©Fabrice COFFRINI / AFP

Erreurs

L'OMS aurait tardé à réagir au début de l'épidémie de coronavirus en se fiant aux informations et aux données transmises par la Chine. Ces éléments étaient incomplets et souvent erronés.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico.fr : Il apparaît désormais clair que l'OMS a tardé à réagir au début de l'épidémie de coronavirus, entre autres, parce qu'elle se fiait aux informations données par Pékin. Informations, qui dans un premier temps, étaient souvent erronées et incomplètes.

L'OMS a fait de nombreuses erreurs dans la gestion de l'épidémie. Chronologiquement, quelles ont été les erreurs de l'OMS ? Quel est ici le rôle joué par la Chine ? 

Stéphane Gayet : La première erreur de l'OMS a été de reprendre à la lettre les déclarations des autorités chinoises au sujet de l'épidémie qui débutait, sans se poser la moindre question de leur crédibilité. L'organisation n'a pas fait la moindre enquête ni même une esquisse de vérification : elle a fait une confiance aveugle et totale aux informations données par la Chine. Et dans cette attitude de naïveté complice de l'OMS envers la Chine, elle s'est dramatiquement fourvoyée en affirmant de façon incompétente et inconséquente que le nouveau coronavirus n'était pas transmissible de façon interhumaine directe, mais seulement de l'animal à l'homme. Affirmer quelque chose d'aussi déterminant est un acte très grave et irresponsable, inconcevable de la part de l'Organisation mondiale de la santé.

Si l'OMS n'est que le porte-parole de ses Etats membres, c'est de l'imposture. Surtout connaissant la Chine, qui est un état ne pratiquant ni la démocratie ni la transparence. Et cette situation a perduré : l'OMS s'est pendant des semaines bornée à reprendre à son compte les déclarations de la Chine sur l'état de l'épidémie. C'est inconcevable et même lamentable.

Sa deuxième erreur a été de ne pas effectuer elle-même des recherches sur ce virus, son épidémiologie et la maladie qu'il déterminait. L'OMS est censée comporter suffisamment d'experts médicaux et épidémiologistes pour pouvoir procéder elle-même à une enquête approfondie. Que font ces experts ? Tout donne l'impression d'une bureaucratie nonchalante au lieu de la structure d'intervention que l'on est en droit d'attendre eu égard aux sommes investies. Du reste, sur les terrains d'épidémies en Afrique ou ailleurs, de nombreux observateurs ont à plusieurs reprises déploré le comportement vraiment peu proactif des personnels de l'OMS, voire carrément peu efficace.

Sa troisième erreur a été de ne pas accorder le sérieux nécessaire à cette épidémie débutante, de ne pas croire au risque pandémique. On pourrait pratiquement parler d'insouciance. Ses réactions ont été lentes et toujours dérivées de celles de la Chine. Pire, dans plusieurs déclarations, l'OMS a repris celles de la Chine en les édulcorant. Comme si cette organisation avait pour but de rassurer la population mondiale, pour ne pas dire l'endormir. C'est incompréhensible : mais à quoi donc sert cette OMS ? Est-elle devenue une bureaucratie grosse et grasse, fainéante et corrompue ? C'est vraiment inquiétant et révoltant. Toujours est-il que l'OMS a été coupable d'un retard très dommageable à la prise de conscience collective qu'une pandémie assez grave commençait.

La Chine semble avoir téléguidé l'OMS comme s'il s'agissait d'un appareil à ses ordres. Comment est-ce possible ? La Chine est-elle en train de prendre possession du monde ? Il y a de quoi frémir. Les Etats-Unis sont-ils encore capables de lutter ? Et l'Europe, quel est son poids économique et politique face à la Chine ?

Si l'on veut résumer le rôle de la Chine dans ce dossier : incompétence, désinformation, manipulation des données et des hommes et refus persistant d'assumer ses responsabilités. Cela ne présage rien de bon pour l'avenir des relations avec ce pays. Ce pays est-il capable de se transformer radicalement ? Il faut quand même l'espérer…

Emmanuel Lincot : Tout d’abord les autorités chinoises ont forcé le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte, à se taire. La suite, nous la connaissons : menaces, intimidations et ostracisme puis réhabilitation à titre posthume de celui qui est devenu depuis lors un martyre. Il n’est pas le seul. Parmi les autres lanceurs d’alertes pour lesquels nous sommes sans nouvelles, il y a Chen Qiushi et Fang Bin qui tous ont bravé la censure et risquent, s’ils sont encore en vie, d’être accusés de subversion. Alors que le développement de l’épidémie connaissait à partir du début de janvier une brusque accélération, une communication de l’OMS annonçait, le 14 janvier :  « les investigations préliminaires menées par les autorités chinoises n’ont trouvé aucun indice permettant d’affirmer qu’il y a une transmission possible d’homme à homme du coronavirus ». Six jours plus tard, un haut fonctionnaire chinois annonce le contraire. Mais il faudra attendre encore une semaine pour que le Directeur de l’OMS relaie publiquement l’information en déclarant l’état d’urgence sanitaire. Il sera déjà trop tard. Les départs du Nouvel an vont transformer le phénomène en pandémie mondiale. Action, réaction :  considérant non sans raison que l’absence de représentant américain au sein de l’OMS depuis 2018 (son siège était resté vacant) avait facilité l’emprise de la Chine sur son Directeur, Donald Trump, début mars, a dit qu’il y mettrait fin en nommant un haut fonctionnaire. A suivre…

L'OMS s'est, par exemple, fiée à la Chine qui, au début de l'épidémie, assurait que le virus ne se transmettait pas d'homme à homme. Si ces informations sont bien évidemment fausses, comment expliquer que l'organisation internationale accordait tant de crédit aux données chinoises ? Comment expliquer qu'elle se soit fait si facilement "duper", et par extension que la Chine ait également réussi à duper la communauté internationale ? 

Stéphane Gayet : On peut formuler trois hypothèses. La première serait que les experts de l'Organisation mondiale de la santé ou OMS qui ont été chargés de ce dossier à son début, n'avaient pas toutes les compétences voulues pour gérer cette épidémie d'un type nouveau à son stade initial (que sait-on de ces experts ?). La deuxième serait que ces experts de l'OMS aient été abusés par une présentation des faits à la fois très mensongère mais particulièrement habile de la part de leurs interlocuteurs chinois, dans le but clair et net de les tromper, afin de dissimuler la lamentable médiocrité de leur gestion. La troisième serait que les dirigeants chinois aient usé de tout leur pouvoir de persuasion pour convaincre le directeur de l'OMS de dire, d'écrire et de faire comme ils l'entendaient, en somme selon une forme de connivence obligée.

Quelle que soit la bonne hypothèse, l'OMS est plus que fragilisée actuellement : sa crédibilité est purement et simplement remise en question. Une pétition en ligne réclame la démission de son directeur général ; le nombre de signatures semble devoir atteindre, voire dépasser le million. Force est de reconnaître que les déclarations et les autres interventions dudit directeur général de l'OMS, depuis le début de l'épidémie, sont pour le moins bien décevantes. Honnêtement, il ne paraît pas très à la hauteur et c'est particulièrement affligeant pour une organisation telle que l'OMS.

En vérité, l'Organisation mondiale de la santé donne l'impression d'avoir été manipulée par la Chine dès le début de cette épidémie, ce qui est extrêmement troublant.

Cyrille Bret : Plusieurs facteurs ont assurément joué. Des facteurs externes à l’agence spécialisée de l’ONU : d’une part, la République Populaire de Chine ayant été confrontée la première à l’épidémie, elle est en mesure de rassembler des séries de données plus longues et donc des informations plus précises sur l’épidémie que les autres Etats membres de l’OMS; d’autre part, la RPC est devenue, depuis une décennie une puissance médicale et pharmaceutique de premier plan non seulement dans la production des médicaments mais également dans la conception des traitements et dans le poids de ses publications scientifiques. En conséquence, la crédibilité de la RPC en matière de COVID-19 au début de la crise était nécessairement plus élevée que celle des autres Etats membres, qui n’étaient pas encore face à l’épidémie sur leurs territoires. Mais d’autres tendances internes à l’organisation ont joué : les experts chinois ont acquis une place importante dans les instances de gouvernance de l’organisation comme ils l’ont fait dans nombre d’institutions internationales, celles de la galaxie ONU ou celles des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale). Cela tient au poids économique et politique de la RPC sur la scène internationale. Il a joué évidemment dans les prises de position de l’OMS sur l’épidémie. 

Emmanuel Lincot : son Directeur, le Dr Tedros, est un Ethiopien. Or l'Ethiopie est l'une des principales voies d'accès pour le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie. Qu'il y ait eu collusion entre le Dr Tedros et le gouvernement chinois sera à démontrer. Nous payons en tout cas très cher aujourd'hui le manque de transparence de cette Organisation. Elle n'est pas la seule : l'OACI (l'Organisation de l'Aviation Civile) dont la Directrice, Fang Liu, est Chinoise n'a pas pris les mesures suffisantes et à temps (suspension des vols aériens et fermeture des aéroports) qui auraient contribué à juguler la pandémie. C'est sur la base de leurs recommandations respectives, et sans doute sous la pression de la Chine, que la France et les pays occidentaux ont été, comme vous le dites "dupés" et qu'ils n'ont pas su, dans leur impréparation, se protéger à temps. Les conséquences sont connues : des dizaines de milliers de morts et des millions de chômeurs. Première réflexion : établir des contre-pouvoirs au sein de ces organisations, et passer au crible les candidats qui en briguent la direction. Deuxième réflexion : demander à la Chine des réparations est peut-être voué à l'échec mais nous devons essayer. Par ailleurs, il y a une nécessité absolue à revoir notre système international. Le retour en France notamment à la puissance régalienne ne trompe pas. Plus de souveraineté, plus de protection et surtout la question que tout homme politique devrait se poser (est-ce que cela a du sens que d'avoir délocalisé des secteurs entiers de notre activité en Chine ou en Inde...) est enfin et plus que jamais d'actualité.

Dans le sens inverse, comment expliquer que la Chine ait autant de pouvoir de conviction au sein de l'OMS ? Comment expliquer qu'elle soit si écoutée alors que l'on sait que certaines informations transmises par Pékin relèvent de la propagande ou que le régime communiste ment sur ses chiffres, par exemple ? 

Emmanuel Lincot : D'abord ne jamais oublier que les dirigeants chinois sont des communistes. Depuis, la fin de la guerre froide et la disparition de l'URSS, nous avons oublié qu'être communiste ne signifie pas nécessairement être un humaniste. Loin de là…Le communisme tel que le pratique Xi Jinping est hérité du léninisme et du stalinisme. Le mensonge, la dissimulation, la brutalité sont inhérents à cette culture politique. Les dirigeants occidentaux ont tendance à l’oublier. Nombre d’entre eux – c’est aussi vrai pour nos responsables d’entreprises – sont des sino-béats. Leur naïveté face aux dirigeants chinois est absolument déconcertante. Ils ont été élevés dans le culte du contrat et des bonnes manières. Pas les dirigeants chinois. Endoctrinés, patriotes, ils sont prêts à tout. Nous ne les changerons pas. Que pouvez-vous raisonnablement attendre d’un pays qui exporte son virus et qui, quelques semaines plus tard, propose la vente de masques à des pays sinistrés comme le nôtre ?  Que pouvez-vous attendre d’un pays dont l’ambassadeur en France menace directement, explicitement les sinologues et les journalistes français ? Rien, naturellement. En revanche, nous devons rappeler sa dangerosité. Nous devons être vigilants, critiques à son encontre et ne pas avoir peur de dire que nos valeurs ne sont certainement pas celles des dirigeants chinois car nous sommes le monde libre !

Qu'est-ce que cela nous révèle des fragilités de l'OMS ?  Outre la confiance démesurée qu'elle semble accorder à la Chine, l'OMS n'aurait-elle dû pas vérifier ces informations ? Comment expliquer qu'elle ait fait preuve de si peu de vigilance et ait autant tardé à agir ? 

Stéphane Gayet : C'est une très sérieuse mise en cause des compétences et de la crédibilité de l'Organisation mondiale de la santé. Il s'agit plus que d'une fragilité de l'OMS, c'est une affaire grave. Il est permis de douter de son intégrité. Et depuis quelque temps, on voit se multiplier les écrits condamnant l'OMS et surtout son directeur général. Le président des États-Unis d'Amérique avait d'abord menacé de suspendre la contribution de son pays au budget de l'Organisation mondiale de la santé et il vient de mettre sa menace à exécution ; or, les États-Unis sont de loin le plus gros contributeur de l'OMS. Évidemment, nous ne sommes plus surpris de ses déclarations fracassantes et contradictoires, connaissant le personnage, mais quand même : il est informé de la façon lamentable dont l'OMS a géré ce dossier.

Il faut savoir que le budget annuel de l'OMS est de l'ordre de 4,5 milliards de dollars américains. Il a tendance à augmenter de façon assez importante d'année en année. L'Organisation mondiale de la santé comporte actuellement un peu moins de 200 Etats membres (194) qui contribuent à son budget de différentes façons. Il existe une contribution obligatoire qui est votée chaque année : elle indique la part en pourcentage du budget annuel que doit financer chaque pays membre. Le plus gros contributeur est les Etats-Unis d'Amérique (22 %) ; parmi les autres gros contributeurs, il faut citer le Japon (9,7 %), la Chine (7,9 %), l'Allemagne (6,4 %), la France (4,9 %), le Royaume-Uni (4,5 %), le Brésil (3,8 %) et le Canada (2,9 %). Beaucoup de pays ne contribuent que de façon vraiment symbolique (0,0… %). À côté de cette contribution obligatoire de chacun des pays membres, selon un barème voté chaque année, il y a des financements spontanés provenant d'organisations privées. La part de ces derniers dans le budget total de l'OMS est en réalité importante et on ne peut pas imaginer un instant qu'elle soit désintéressée.

On est surpris de voir que la Chine contribue à peine à 8 % du budget de l'OMS et qu'elle y est cependant aussi influente. Il faudrait regarder le détail des financements privés… À dire vrai, on est toujours assez déboussolé face à la Chine. C'est un très grand pays riche, prospère et puissant qui fait peur, qui impressionne et qui intimide. En Chine, il y a des universités prestigieuses de très grande qualité, des scientifiques de très haut niveau, des industries d'une technologie extrêmement avancée ; et puis il y a une administration dirigeante autocratique et totalitaire, et où il ne semble exister pas la moindre place pour une forme quelconque de démocratie. Quand on voit que des Etats en principe démocratiques sont capables de laminer certains de leurs citoyens, on perçoit qu'en Chine, un individu n'est rien, qu'une vie humaine est peu de chose.
Dans un pays démocratique, un lanceur d'alerte qui déplaît particulièrement est harcelé et parfois inquiété. En Chine, on l'arrête sur le champ et il est neutralisé, voire emprisonné et même plus…

En toute hypothèse, l'OMS ne s'est pas montrée digne de sa mission. Qu'elle ait été trompée, impressionnée, intimidée ou soudoyée par les dirigeants chinois, le résultat est le même. Il est inconcevable que cette affaire s'arrête là. La réaction du président des Etats-Unis, nonobstant le caractère fantasque et exubérant du personnage, est l'indice d'une sérieuse mise en cause de l'Organisation mondiale de la santé, de son crédit scientifique, de sa neutralité et de son fonctionnement. On ne pourra pas faire l'économie d'une enquête sur elle et il se peut que cela aboutisse à son bouleversement.

Emmanuel Lincot : C’est un tout. L’OMS, l’OACI mais aussi trois autres agences spécialisées de l’ONU (FAO, ONUDI, UIT) sur quinze ont désormais à leur tête des ressortissants chinois (soit trois de plus que n'importe quel autre pays), et sept Chinois y occupent des postes de Directeurs généraux adjoints, un chiffre également record. Désormais, la Chine semble en position de force pour imposer ses vues au sein des principales organisations internationales. Moyens de pressions, neutralisation de toutes critiques sur les droits de l’homme sont des moyens récurrents exercés par la Chine. A nous de nous mettre en ordre de marche pour faire barrage à cette emprise hégémonique.

Cyrille Bret : L’OMS, comme les autres agences de l’ONU, repose sur l’expertise des 192 Etats membres bien plus que sur ses propres ressources. L’OMS n’est pas pas un Ministère Mondial de la Santé doté d’une administration très vaste. Son budget annuel est limité à 6 milliards de dollars pour la planète soit seulement la moitié du budget du Ministère de la Santé français. De plus, elle emploie moins de 5 000 personnes et n’est pas capable d’attirer les meilleurs virologues au monde qui préfèrent travailler dans des structures médicales et scientifiques nationales ou privées dotées de budget et donc de capacités d’action bien supérieures à celle de l’OMS. Ses six bureaux régionaux et ses 140 bureaux nationaux sont de petites structures administratives assurant la liaison avec les Etats membres, ce ne sont pas des Instituts Pasteur mondiaux ou des hôpitaux. Enfin, l’affaiblissement de l’OMS tient à un facteur politique : la critique constante du multilatéralisme. Aujourd’hui comme durant les années 1980, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont critiques de l’existence même de l’agence de l’ONU. Ils considèrent que l’OMS est trop inefficace parce que multilatérale et menacent régulièrement de se désengager. Si ces critiques sont parfois justifiées, elles alimentent un cercle vicieux : l’OMS est critiquée parce qu’elle est inefficace; elle est discréditée par ces critiques donc perd encore en efficacité et prête le flanc à de nouvelles critiques. C’est la spirale bien connue dans laquelle les institutions multilatérales sont actuellement prises : l’affaiblissement de l’ONU est une prophétie autoréalisatrice.

Comment l'organisation mondiale peut-elle s'assurer que de telles situations ne se reproduisent plus ?

Stéphane Gayet : L'OMS devra rendre des comptes. Comment, avec un budget annuel de 4,5 milliards de dollars, une organisation mondiale de cette dimension peut-elle se montrer aussi déficiente ? On devrait s'attendre à une restructuration en son sein, car il faut que des explications soient données à ce bilan lamentable et que les décisions qui en découlent soient prises.

Évidemment, on n'apprend rien en parcourant le site internet de l'organisation qui fournit un ensemble d'informations, sans la moindre analyse critique de la gestion de la pandémie depuis son début.

Comment répondre à la question posée ? Si l'on considère que la Chine a copieusement menti et que l'OMS n'a guère fait mieux qu'elle, comment faire encore confiance à cette organisation ? Les budgets de l'Organisation mondiale de la santé sont en ligne, mais la vérité est qu'ils ne sont pour le moins pas très lisibles. Il serait sans doute fort utile de regarder en détail – à condition que les informations soient accessibles – quels sont tous les contributeurs privés de l'OMS et quelles sont les hauteurs de leurs contributions. On peut légitimement nourrir bien des soupçons.
Pour que de telles situations ne se reproduisent plus, il faudrait déjà revoir le fonctionnement de cette organisation, dont le budget sert pour l'essentiel à alimenter les salaires souvent confortables d'une grande bureaucratie.

Cyrille Bret : L’OMS n’en est pas à sa première crise. Durant les années 1980, elle avait démantelé ses directions consacrées à la tuberculose, ce qui avait favorisé une reprise de l’épidémie. Mais, à partir des années 1990, l’OMS avait connue une « deuxième naissance » en se consacrant à plein à la lutte contre les épidémies anciennes (tuberculose, peste) et nouvelles (SIDA). Avant une nouvelle fois d’être soupçonnée d’être influencée par les industries pharmaceutiques durant l’épidémie de H1N1 au début des années 2000. Pour se réformer et lutter contre son discrédit international (toujours menaçant), l’OMS doit améliorer sa gouvernance, en particulier son conseil exécutif et son secrétariat général. Ces organes techniques doivent être en mesure d’attirer les meilleurs talents en matière d’épidémiologie qui est la vocation première de l’organisation. Cela lui permettra de mieux résister aux pressions des industries pharmaceutiques et des administrations nationales de la santé. Il convient également, à ressources budgétaires limitées, de concentrer ses domaines d’actions. Lutter contre les pandémies est sa vocation historique et là où elle s’est positivement distinguée. Là où la coordination internationale et le partage de l’expertise médicale est nécessaire, là est la vocation de l’OMS. Les autres politiques de santé doivent être assumées par le secteur privé ou les administrations nationales. La crédibilité lui (re)viendra de l’indépendance médicale et de la concentration de ses maigres ressources financières sur 2 ou 3 priorités.

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