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“Pénaliser les clients des prostituées, c’est dégrader leurs conditions
de travail”
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Vieux métier, anciennes recettes !

Un projet de résolution visant à "réaffirmer la position abolitionniste de la France" est discuté ce mardi à l’Assemblée nationale. Faut-il à terme pénaliser les clients ? Non, selon Manon, "travailleuse du sexe" et membre du STRASS : syndicat du travail sexuel.

 Manon

Manon

Manon est une travailleuse du sexe, membre du STRASS : syndicat du travail sexuel.

 

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Atlantico : Faut-il pénaliser les clients de la prostitution ?

Manon : Les membres du STRASS (syndicat du travail sexuel) sont contre cette pénalisation qui entraînera irrémédiablement une "invisibilité" de la prostitution. Autrement dit, les prostituées se cacheront pour éviter de faire arrêter leurs clients, et s’éloigneront ainsi des structures de prévention et de soins. Elles seront également moins visibles par la police, pourtant susceptible de leur porter secours en cas d'agression.

En définitive, l’invisibilité de la prostitution engendrera un renforcement de la clandestinité et de la précarité des prostituées.

La clandestinité poussera notamment les prostituées à se mettre sous la coupe d'un proxénète, qui pourra leur apporter des clients plus facilement, et les protéger. Derrière la pénalisation du client, se cache donc la dégradation des conditions de travail des prostituées.

Pour celles qui continueraient à exercer sans proxénète, la diminution de clients les encouragera à négocier des pratiques dangereuses et des tarifs réduits.

Quel bilan tirer des mesures semblables mises en place à l'étranger, en Suède notamment ? 

En Suède, la prostitution s'est juste cachée... Il n'y a aucune preuve tangible quant au fait qu'elle aurait diminué ou se serait déplacée dans les pays voisins, ainsi que sur Internet.

Étant enfermées pour que leurs clients puissent les atteindre sans danger, les prostituées n'ont plus accès aux structures dédiées à leur protection sanitaire et sociale. Si la prostitution de rue a considérablement diminué, c'est donc au détriment de la situation sanitaire et sociale des prostituées.

En définitive, le client n'est-il pas l'acteur central de la traite des femmes ? 

Certes, le client est un acteur important, mais il ne faut pas confondre prostitution et traite des femmes. Il existe beaucoup de travailleuses du sexe qui sont libres, y compris chez les migrantes. La plupart des clients sont très corrects, et nous proposons un service de notre plein gré, au même titre qu'un massage ou autre…

Pour la traite des femmes, il existe déjà des lois qu'il faudrait mettre réellement en application… Pénaliser nos clients, c'est encore une fois nous victimiser, nous infantiliser, et mettre dans le même sac les victimes de traite et les putes libres. Comme si nous n'étions pas capables de savoir ce qui est bon pour nous...

Que préconisez-vous pour encadrer "le plus vieux métier du monde"?

Pour notre sécurité, nous demandons d'abroger le paragraphe du code pénal portant sur le proxénétisme d'aide et de soutien, afin de pouvoir nous associer et travailler ensemble, comme pour d'autres corporation de métiers. Nous pourrions ainsi créer des appartements ou maisons autogérées (pas des bordels), sans patrons, ni tarifs ou clients imposés.

Ainsi, notre sécurité serait assurée par notre communauté, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à un tiers. Nous demandons aussi l'abrogation de la loi sur le racolage passif, qui a eu les mêmes effets néfastes que ceux présupposés pour cette loi sur la pénalisation des clients.

Nous souhaitons pouvoir être entendues quand nous portons plainte pour viol ou agression, sans s'entendre dire que ce sont les risques du métier, ou que nous n'avons qu'à exercer une autre profession. Enfin, nous voulons avoir accès à une véritable vie sociale, sans que nos conjoints, familles, amis, et proches soient accusés de proxénétisme.

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