"Contrat de génération" : pourquoi ça ne peut pas marcher !<!-- --> | Atlantico.fr
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Les "contrats de génération", mesure phare de François Hollande ne convainc pas.
Les "contrats de génération", mesure phare de François Hollande ne convainc pas.
©Reuters

My Generation...

Le "contrat de génération" pour l'emploi des jeunes et des seniors, mesure-phare du programme de François Hollande, ne convainc ni les socialistes ni les syndicats. Ces derniers ont d'ailleurs dénoncé son coût (7 à 8 milliards d'euros) et les effets d'aubaine d'une telle mesure.

Jean-François Pouvreau

Jean-François Pouvreau

Jean-François Pouvreau est co-fondateur de l’Observatoire du Management Intergénérationnel (www.omig.fr), Rédacteur en Chef, Consultant en communication interne en entreprise et en communication événementielle.

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Sur son site de campagne, François Hollande présente le « contrat de génération », comme une solution pour l’emploi des jeunes, renforçant également le lien intergénérationnel.

L’idée générale serait la suivante : exonérer de cotisations sociales pour trois ans les entreprises qui embaucheraient un jeune de moins de 25 ans, tout en gardant un senior en poste, jusqu’à son départ en retraite à taux plein. Monsieur Hollande développe ce raisonnement à la manière des médecins de Molière : "ce compagnonnage entre jeunes et seniors rassurera l’employeur sur le profil opérationnel du jeune, l’incitant donc à l’embaucher en CDI". Et voilà pourquoi votre fille est muette !

Il n’empêche que la formule est belle ! « Contrat de génération », c’est quelque chose qui sonne comme « contrat de confiance » ! De surcroît, la proposition de François Hollande est censée répondre à un phénomène démographique et sociétal incontesté, reconnu par tous les experts. Et c’est de cet ancrage qu’elle voudrait tirer sa crédibilité. Et puis, elle exploite un thème qui fait l’actualité. La Commission Européenne n’a-t-elle pas choisi de faire de 2012 : « L’Année de la solidarité intergénérationnelle » ? L’ambition de la démarche telle que résumée est tout à fait méritoire : "lier les générations, réconcilier les âges". Elle correspond à un besoin mécanique lié à l’allongement de la vie au travail.

Pour installer ce produit de leur imagination dans le programme de leur candidat, les inventeurs de la formule « Contrat de génération » ont fait - volontairement ou non - l’impasse sur quelques considérations essentielles qui ont toute leur place ici.


Il n’est pas tenu compte des expériences antérieures de même type

La loi sur le tutorat a-t-elle fait revenir des seniors en retraite sur le marché du travail ? Leur a-t-elle permis de travailler avec des jeunes recrues ? La réponse est non. Les rapports d’experts qualifient les résultats obtenus de « confidentiels ». Les raisons avancées ont pour point commun une mauvaise compréhension du fonctionnement des entreprises.

Bernard Massingue, directeur de la formation du groupe Veolia environnement, (1) estime qu’il faut considérer "l’intergénérationnalité comme une opportunité de performance, et non comme une contrainte obligée et nécessairement coûteuse". Et d’ajouter, concernant le financement des temps tutoraux : "il n’est pas souhaitable de rechercher des dispositifs du type baisse des charges" ! On ne peut pas être plus clair !

Il n’est pas tenu compte du mode de raisonnement des entreprises

De deux choses l’une…

  • Ou les entreprises comprennent que le contrat de génération est un facteur de performance. Dans ce cas, la profitabilité de la formule suffira à son développement. L’incitation financière s’analyse ici comme un gaspillage car elle ne produit rien, elle accompagne un mouvement naturel qui peut se passer d’elle.
  • Ou les entreprises ne voient dans le contrat de génération qu’une contrainte de plus. Dans ce cas, l’incitation financière restera sans effet, car la raison sociale d’une entreprise n’est pas de tirer profit des incitations financières mais de vendre des produits et des services. C’est d’ailleurs ce que dit Ségolène Royal :  "Si une entreprise peut recruter un jeune en CDI, c’est parce qu’elle a un carnet de commandes qui le lui permet, pas parce qu’on lui accorde une exonération de charges".


Il n’est pas tenu compte de la complexité du sujet

Les entreprises qui travaillent sur les pratiques du management intergénérationnel - et elles sont nombreuses, nous en avons rencontrées beaucoup - savent que la question intéresse des disciplines aussi nombreuses et essentielles que la démographie, la sociologie, le droit social, le management et les sciences de gestion, l’économie, la psychologie, et bien sûr la pédagogie.


Le « contrat de génération » fait l’objet de critiques croisées, à gauche comme à droite, de la méfiance des syndicats comme de celle du Medef (Mouvement des entreprises de France). Il est éminemment souhaitable qu’il ne voit jamais le jour, car il ne pourrait profiter qu’à des entreprises déjà en croissance,  importantes et dotées de directions des ressources humaines suffisamment étoffées pour pouvoir gérer les dossiers d’exonération de charges. La prise de conscience du besoin de management intergénérationnel est récente et encore timide dans les entreprises françaises. Il s’agit d’une clé essentielle pour assurer leur pérennité. C’est cela qu’il faut encourager (2).

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Notes

(1) « Seniors tuteurs : comment faire mieux ? » Rapport au Secrétariat d’Etat chargé de l’Emploi – Mars 2009 – Bernard Masingue, Directeur Formation chez Veolia Environnement, et Alexandre Pascal de l’IGAS.

(2) Lire sur le blog www.omig.fr l’article de Marc Raynaud : « L’entreprise, acteur de la solidarité intergénérationnelle dans la société »

(3) Lire aussi  l’étude sur ‘Le Management intergénérationnel’ par Marc Raynaud pour  Les Echos Etudes http://www.eurostaf.fr/fr/catalogue/etudes/sectorielles/management/management-intergenerationnel.html

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