Contamination par voie aérosol : le péché originel de la pandémie Covid nous poursuit toujours<!-- --> | Atlantico.fr
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Une affiche pour inciter les citoyens à porter le masque lors de la pandémie de Covid-19.
Une affiche pour inciter les citoyens à porter le masque lors de la pandémie de Covid-19.
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Filtration de l’air

Selon le professeur Joe Allen de l'Université de Harvard, « le péché originel de la pandémie aura été de négliger la transmission du virus par voie aérosol ». Des enseignements ont-ils été tirés sur la question de l’aération et sur la qualité de l'air pour limiter les contaminations face aux virus par voie aérosol ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Au regard des enseignements de la crise du Covid-19, quels sont les principaux risques de contaminations avec les virus par voie aérosol cet hiver ?

Antoine Flahault : La crise du Covid-19 pourrait bien nous avoir aidé à mieux comprendre le rôle majeur de la transmission par voie aérosol dans la transmission des virus respiratoires (les coronavirus, les virus grippaux, le VRS), mais aussi de nombreux autres virus comme celui de la varicelle et la rougeole et des bactéries comme le bacille de la tuberculose. Qu’on se comprenne bien, ce ne sont pas les virus qui s’aérosolisent dans l’air ambiant, ce sont des microgouttelettes de notre respiration contaminées par ces virus qui peuvent flotter parfois plusieurs heures dans les locaux mal ventilés. La différence est très importante parce que les virus sont des nanoparticules qui ne seraient pas filtrés par nos masques ni par les purificateurs d’air. En revanche, les aérosols de notre respiration sont des particules fines de quelques microns totalement accessibles aux moyens usuels de filtration habituels, les masques ou les filtres HEPA. Nous avons donc tous les leviers en mains pour espérer nous débarrasser un jour d’une bonne part des nuisances causées par ces virus et ces bactéries à transmission respiratoire.

Comment se prémunir de ces virus cet hiver ?

Il faut se retrousser les manches car si on sait ce qu’il faudrait faire, on est encore loin du compte en matière d’assainissement de l’air intérieur. L’objectif en le résumant est d’améliorer la qualité de l’air intérieur des lieux clos qui reçoivent du public à l’intérieur desquels on voudrait que la concentration de CO2 reste toujours inférieure à 800 ppm. C’est la valeur indicatrice d’une ventilation satisfaisante minimisant les risques de transmission des virus et bactéries par voies aérosols. Il me semble qu’il faudrait fixer des priorités puis les dérouler en fonction des moyens que l’on est en mesure d’investir en la matière. Comme les enfants jouent un rôle prépondérant dans la transmission communautaire de ces agents pathogènes, on pourrait commencer par l’amélioration de la qualité de l’air dans les crèches et les écoles. Ensuite, on pourrait s’atteler aux EHPAD et aux hôpitaux. Puis aux transports publics et enfin aux bureaux, aux bars, restaurants, lieux de culture, de sport et de culte. On terminerait par l’habitat privé.

Selon le professeur Joe Allen de l'Université de Harvard, « le péché originel de la pandémie aura été de négliger la transmission du virus par voie aérosol ». Des enseignements ont-ils été tirés grâce à la gestion de la pandémie sur la question de l’aération pour limiter les contaminations face aux virus par voie aérosol ?

Nous venons d’organiser à Berne en Suisse, avec l’OMS, une réunion européenne sur l’amélioration de la qualité de l’air intérieur avec des experts de nombreux pays. Il y avait un grand consensus sur les enseignements tirés de la pandémie et que je viens de vous résumer à l’instant. Mais ces enseignements vont très au-delà de la prévention de la transmission du coronavirus et même des agents infectieux respiratoires évoqués plus tôt. Par exemple, on a pu démontrer par des études scientifiques convaincantes que respirer un air de qualité était bon aussi pour les performances scolaires des élèves. Un air de qualité contribue aussi à lutter contre la somnolence des personnels et leur absentéisme, c’est donc une mesure économiquement rentable.

Comment est-il possible d’améliorer durablement l’air intérieur pour limiter les contaminations et pour être en meilleure santé ?  La ventilation et le contrôle de la qualité de l’air sont-ils LES solutions ?

La ventilation est en effet la clé. Même si cela a un coût, on a pu montrer qu’il était possible d’accéder à de bons niveaux de renouvellement de l’air intérieur sans trop augmenter la facture énergétique du bâti. L’objectif à viser est une concentration de CO2 inférieure à 800 ppm, comme nous l’avons précisé plus tôt. Si cet objectif n’est pas atteignable, peut-être est-ce parce que la densité humaine est trop élevée pour la taille des locaux et alors il faut chercher à l’ajuster en conséquence. Ensuite, on peut ajouter à la ventilation des méthodes complémentaires de filtration de l’air pour en ôter les particules fines et des méthodes de purification pour stériliser les virus et bactéries, par exemple par rayons ultraviolets de type C, mais rien ne vaut une bonne ventilation des locaux, mesurée en continu par des capteurs de CO2. Lorsque la concentration de CO2 dépasse les 800 ppm, on pourrait recommander le port de masques FFP2 pour réduire alors le risque résiduel de contaminations.

Les autorités, les gouvernements, les entreprises devraient-ils plus s’engager dans ce mouvement pour favoriser une meilleure ventilation et garantir une meilleure qualité de l’air intérieur ?

Il est très intéressant de voir qu’aux États-Unis, de grandes compagnies comme la Paramount ou Amazon et beaucoup d’autres ont pris les devants en la matière. Constatant la difficulté des personnels à revenir au travail présentiel, en partie pour des motifs sanitaires après la pandémie qui a tué là-bas plus d’un million de personnes, ces entreprises ont cherché à assainir l’air intérieur de leurs locaux avec des succès importants auprès du personnel et une baisse de l’absentéisme. Il est possible que les bénéfices sanitaires, sociaux et aussi économiques réalisés par ces investissements seront tels que bientôt il sera aussi difficile d’attirer du personnel dans des locaux à l’air insalubre que d’imaginer travailler ou vivre dans des lieux sans l’eau potable ou sans des sanitaires aux normes du développement d’aujourd’hui.

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