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Un électeur s'apprête à voter avec sa carte électorale.
Un électeur s'apprête à voter avec sa carte électorale.
©Ludovic Marin / AFP

Libéralisme

Bientôt les libéraux devront s’excuser du fait que, durant plus de deux siècles, leurs idéaux ont permis un incroyable développement économique, l’affirmation des droits fondamentaux, l’instauration de la démocratie moderne, le triomphe contre tous les totalitarismes.

Olivier Barrat

Olivier Barrat

Olivier Barrat est avocat spécialiste des questions de droit du travail et de protection sociale.

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Ainsi donc les libéraux, à droite, seraient des hédonistes aux petits pieds, des invertébrés civilisationnels vides de toute spiritualité. Ils confondraient la satisfaction de leurs désirs individualistes étriqués avec le combat pour la liberté. Ils auraient l’âme étiolée face à la noblesse d’esprit des conservateurs authentiques, ceux de cette autre droite qui porterait quant à elle haut et seule l’étendard glorieux de la morale des anciens, fondement de la grandeur de l’Occident.

Voici que certains conservateurs se rêvent désormais en gardiens de nos valeurs à la façon dont d’autres se proclamaient, en d’autres temps, gardes rouges. Tels de petits gauchistes contrariés, réfugiés politiques ayant trouvé asile à droite, ils veulent rééduquer les libéraux à grands coups d’oukases théoriques, de verbiage néo gramscien et même d’encycliques pontificales, « Libertas praestantissimum » oblige.

Bientôt les libéraux devront s’excuser du fait que, durant plus de deux siècles, leurs idéaux ont permis un incroyable développement économique, l’affirmation des droits fondamentaux, l’instauration de la démocratie moderne, le triomphe contre tous les totalitarismes. Ce n’est pas parce que depuis 40 ans l’Europe a sombré dans les mièvreries social-démocrates qui l’ont ruinée, qu’il faut en déclarer coupables les libéraux. Tout au contraire les libéraux, mieux que bien d’autres, ont dès l’origine fermement dénoncé les fadaises économiques, sociales et régaliennes qui nous gouvernent.

Le libéralisme ne s’est pas construit comme l’apôtre des gaudrioles sociétales, du woke, ou des délires monétaires actuels de la banque centrale européenne. Il s’est forgé à travers l’Histoire dans la lutte contre le despotisme, conscient que l’Etat, s’il est indispensable dans ses fonctions d’ordre, constitue aussi un oppresseur par nature qui doit être impitoyablement tenu en laisse par les citoyens. Contre les libéraux, notre fiscalité a tourné à la spoliation. Contre les libéraux, notre administration a sombré dans la bureaucratie. Contre les libéraux, la propriété privée est battue en brèche, les patrimoines des classes moyennes subissant le laminoir. Contre les libéraux, nos vies croulent sous les réglementations aussi pléthoriques que stupides. Contre les libéraux, notre modèle social succombe, dévoré par l’assistanat. Contre les libéraux, la théorie de l’excuse sociale, fille hideuse des pensées holistiques, impose le laxisme quand la justice devrait consacrer le principe de la responsabilité individuelle. Contre les libéraux, le secteur financier est devenu une gigantesque fabrique de fausse monnaie.

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Les libéraux sont accusés de ne pas croire en la suprématie de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Mais les libéraux savent pertinemment que, lorsque la puissance publique cesse d’être un pouvoir arbitral et se prend pour le démiurge créateur d’un bien commun surplombant les individus, ce bien commun devient toujours l’otage des intérêts des castes et des oligarchies de toute sorte qui captent l’appareil d’Etat à leurs profits.

Les libéraux sont même maintenant dénoncés comme un produit mou, un macronisme éternel, une sorte de fausse gauche déguisée en fausse droite. Mais si Emmanuel Macron était un libéral, il ne laisserait pas les comptes publics sombrer dans une faillite abyssale, il aurait réformé notre système administratif, notre régime social, nos mécanismes d’imposition. Surtout, il n’accepterait pas que l’Etat régalien s’effondre sous les coups d’un renoncement dramatique en matière de sécurité, car le libéralisme c’est d’abord la défense des libertés. Or un citoyen qui, par exemple, doit enjamber les défoncés au crac pour s’extraire de chez lui, dont la fille craint de sortir la nuit, ou qui ne peut pas promener son enfant dans le parc sans redouter de se faire agresser, constitue tout sauf un citoyen libre.

Il s’avère de bon ton aujourd’hui, à droite, de dénoncer les arrogances d’une gauche qui se prend pour la gardienne de « l’empire du bien », selon l’expression consacrée par Phillipe Muray. Cependant, les conservateurs donneurs de leçons anti-libérales ne forment rien d’autre que les zélateurs d’un autre « empire du bien ». En réalité, il existe deux conservatismes. L’un, profondément libéral, aspire à permettre à un peuple de conserver sa société, ses modes de vies, sa civilisation, contre les divagations idéologiques de ceux qui croient connaitre le sens de l’Histoire et s’estiment légitimes à l’imposer à tous, y compris par le recours à la violence, à la manipulation ou au despotisme. Au nom de la défense de la liberté de chacun, ce conservatisme refuse la dictature de la bien-pensance « progressiste ». L’autre ne voit dans le conservatisme qu’un système de pouvoirs et de privilèges à sauvegarder ou à rétablir. Il protège l’ordre politique ancien, tel un castra surveillant le harem du sultan. Ce que de tels « conservateurs » redoutent dans la modernité, ce n’est pas qu’elle détruise les individus et les libertés au nom de la vision d’une société idéale totalement délirante. Ils craignent simplement que cette modernité accouche d’une nouvelle tyrannie dans laquelle ils seraient désormais du mauvais côté du knout. Les servitudes passées leur conviennent. Pour eux, l’Histoire forme un joug sous lequel on fait ramper les peuples, et en France ce joug s’appelle le léviathan. Or aujourd’hui, dans notre pays, le léviathan, devenu obèse, menace de s’effondrer de l’intérieur et de céder la place à d’autres maitres. Alors, au nom d’un conservatisme de salon, certains tentent de sauver de la décadence, non pas la France, mais son « mammouth ».

Voici pourquoi d’un côté se trouve le conservatisme des hommes libres refusant les nouveaux despotismes qui s’avancent et, de l’autre, un conservatisme d’eunuques portant les cotons sales d’un roi maintenant en pleine déchéance.

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