Derrière l’école du futur promue par Emmanuel Macron, une quête impossible sans cesse revendiquée par politiques et technocrates<!-- --> | Atlantico.fr
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L'annonce du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron est imminente. Un pays administré et non gouverné politiquement risque de renoncer pourtant à toute possibilité d’audace politique…
L'annonce du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron est imminente. Un pays administré et non gouverné politiquement risque de renoncer pourtant à toute possibilité d’audace politique…
©©PASCAL ROSSIGNOL / POOL / AFP

Mission impossible

C’est au nom d’un futur heureux que ceux qui aspirent à diriger les peuples ou qui les régentent s’expriment mais la mondialisation ou « globalisation » est venue tempérer leur crédibilité, les opinions publiques comme les médias ont instillé le doute. Ensuite seules les censures de la parole ou de l’écrit permettent aux autocrates de prédire un avenir radieux malgré un présent désastreux

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Dans nos démocraties beaucoup ont écrit sur le futur et les partisans d’une évidence sur ce que seront les « industries du futur », « l’école du futur » ou le « futur d’une démocratie refondée » pourraient utilement se recycler à l’aide d’ouvrages pas si anciens sur ce qu’à la sortie de la guerre on a appelé la « prospective ». 

Gaston Berger nous a proposé ce mot, Bertrand de Jouvenel l’a adopté dans sa revue périodique « les Futuribles » , Jacques Ellul l’a repris à son compte par exemple dans  « La technique ou l’enjeu du siècle », mais surtout aux Etats Unis, Hermann Kahn avec la Rand Corporation a théorisé l’étude du futur dans une pluie d’ouvrages et d’articles dans toutes les revues mondiales . 

Le premier sujet traité a été celui de l’avenir des démocraties compte tenu de la mondialisation inéluctable prédite en particulier par Raymond Aron . En rejetant le mot nationalisme rappelant trop le conflit récent, c’est le mot souverainisme qui est alors apparu pour montrer la contradiction avec le souhait des peuples de conserver une culture et une autonomie économique. 

Le second sujet était donc celui de l’industrie et Hermann Kahn soulignait l’importance des disruptions conduisant à rejeter les extrapolations technocratiques au profit de l’imagination , en parallèle avec un essor considérable des romans de science -fiction dans cet après-guerre qui avait connu des révolutions techniques considérables. 

Un troisième sujet central était celui des progrès inéluctables de productivité qui ont alors conduit certains à imaginer la « fin du travail » dont Jeremy Rifkin a été un des chantres écouté particulièrement en France avec les dégâts désormais constatés dans notre pays. Cette extrapolation douteuse était, bien évidemment, rejetée par la plupart des « prospectivistes » 

Les technocrates tenant des extrapolations « savent « donc de quoi sera fait le futur et engagent des programmes de transformation souvent colossaux en en persuadant à la fois les politiques et les populations. C’est de cette façon que l’on peut commettre des erreurs dramatiques car la marche arrière n’a pas été programmée et les dégâts peuvent être monstrueux pouvant conduire à la disparition des collectivités touchées, voire à celle des pays tout entiers. 

Il est clair que ce qui est passé dans le langage courant sous le terme « les nouvelles technologies » , c’est-à-dire l’utilisation du numérique dans tous les secteurs de l’activité humaine conduit à une transformation brutale de la vie quotidienne de tous les Français, mais la généralisation ordonnée par les « sachants » ne va pas forcément de soi et mérite à tout le moins prudence et réflexion. Les peuples, les hommes et les femmes , peuvent s’approprier des progrès techniques et en rejeter d’autres et c’est là que « l’imagination » prônée par Hermann Kahn doit intervenir . 

On peut voir, par exemple, que dans « l’école du futur »  les outils numériques vont être promus avec une « activité authentique de recherche et d’expérimentation » en allant jusqu’aux jeux . On observe néanmoins que les parents de la « Silicon Valley » interdisent pour leurs enfants l’utilisation abusive des outils qu’ils vendent et leur font faire un apprentissage « classique » des mathématiques ! Pour l’instant le niveau des mathématiques des petits français est nettement inférieur à celui d’il y a quarante ans, et nos apprentis , comme nos élèves ingénieurs ont quelquefois des connaissances indigentes. Il est urgent de faire des « retours d’expérience » comme on le fait à l’occasion de chaque échec industriel . 

De la même façon la Commission Européenne, et la France, considèrent que la voiture électrique va devenir universelle et condamnent la voiture à moteur thermique. Mais les peuples ne sont pas enthousiastes car ils sont inquiets de la panne électrique (autonomie) , comme de la pénurie en cas de crise, la fuite accélérée technocratique peut donc se heurter aux consommateurs… Si la technique est l’enjeu du siècle comme le disait Jacques Ellul, il reste encore la population qui a son mot à dire sur l’usage ! Comme nous le rappelle opportunément Yves Roucaute , l’homme est au centre de l’univers et » pourchasser ce qui nuit à sa joie de vivre, à sa liberté , à sa puissance », ce n’est pas le bon chemin. Ce ne peut être, en tous les cas celui du futur . 

Quel que soit l’auteur, de la science-fiction à la prospective, il a toujours été clair que la recherche de l’énergie abondante et bon marché a été et sera un des objectifs de l’humanité. C’est la raison pour laquelle ils ont toujours considéré que la physique nucléaire était l’avenir et les énergies intermittentes une erreur. L’illusion d’installations pharaoniques de solaire et d’éolien conduit à la catastrophe actuelle d’une trop grande dépendance aux fossiles de la Russie pour l’Allemagne et avec elle de l’Europe. La technocratie a montré ses limites, le retour d’expérience et la réflexion doivent aujourd’hui la remplacer : la poursuite d’un programme démesuré de construction d’éoliennes en mer mérite un nouvel examen et un nouveau regard . 

On le voit , rien n’est écrit pour l’avenir et un diagnostic de l’état des sciences et des techniques n’est jamais inutile, ainsi que celui de l’examen des aspirations des peuples. Un autocrate, des technocrates, des sectes, peuvent , à un moment croire diriger le sens du futur, mais la réalité les rattrape, le futur se venge car la prolongation des tendances , l’extrapolation, sont très insuffisantes, le microordinateur, le smartphone, la télésurveillance médicale … cela ne se planifie pas. La « planification écologique » cela n’existe que dans les mots, on ne planifie pas le climat ! On ne décrète pas la généralisation de l’utilisation industrielle de matières premières végétales, la terre et la mer sont nourricières et en priorité pour les humains ! La prospective d’Hermann Kahn conduisait à un peu d’humilité mais surtout à la confiance en l’imagination des humains pour déjouer les caprices des « sachants » qui conduisent fréquemment les peuples dans des précipices …non prévus . 

Pour éviter  ceux-ci les lectures de nos anciens nous préconisent que la démocratie représentative est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. La prospective, tout en maintenant l’existence d’un conflit persistant entre souveraineté et globalisation, n’est guère favorable aux innovations de forums « participatifs » , plus ou moins choisis dans des conditions imprécises. Ce n’est pas de cette imagination dont ils préconisent l’utilisation mais de celle qui transforme avec une base importante de compétence. Il se trouve que dans le passé ce sont surtout des scientifiques ayant été éduqués de façon classique qui ont été performants et efficaces, raison de plus de se méfier de ces concepts « modernes » ou « progressistes »« d’école du futur »

(Dernier ouvrage cité : L’obscurantisme vert - La véritable histoire de la condition humaine - Yves Roucaute )      

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