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Confessions choc d’un homme de Bachar el-Assad : “Voici comment nous avons créé l’Etat Islamique”
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THE DAILY BEAST

La collusion du régime syrien avec les terroristes du groupe djihadiste remonte à une décennie.

Roy Gutman

Roy Gutman

Roy Gutman est un journaliste indépendant basé à Istanbul, ancien directeur du bureau moyen-oriental du groupe de presse McClatchy.

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The Daily Beast par Roy Gutman

Dans sa première interview après avoir remporté la présidence, Donald Trump a laissé entendre qu'il allait changer de politique dans le conflit en Syrie, passant d'un soutien à l'opposition modérée à une collaboration avec le régime du président Bachar al-Assad. « La Syrie se bat contre ISIS, et nous devons nous débarrasser d'ISIS », a déclaré Trump. Quant aux rebelles que les Etats-Unis ont soutenu pendant les trois dernières années, Trump dit: "Nous ne savons pas qui sont vraiment ces gens."

Mais le président-élu semble être mal informé sur le rôle clé d'Assad dans la montée du soi-disant État Islamique.

Tout d'abord, le dictateur syrien a essayé d’amadouer les dirigeants occidentaux en décrivant le soulèvement national contre lui comme une révolte dirigée et animée par des terroristes. Quand cela a échoué, il a libéré des extrémistes islamistes emprisonnés qui avaient combattu contre les troupes américaines en Irak, puis il a mis en scène de fausses attaques contre des installations gouvernementales, en accusant des terroristes. Loin de luttre contre ISIS, Assad a fermé les yeux quand ISIS a mis en place un état dans l'état avec sa capitale à Raqqa, avant de laisser aux États-Unis et à d'autres le soin de contrer les extrémistes islamiques.

ISTANBUL Après avoir passé un mois dans une prison d'Alep au début du soulèvement syrien, l’activiste politique Abdullah Hakawati pensait qu'il savait à quoi s’attendre quand le renseignement militaire de Bachar al-Assad l'a arrêté pour la deuxième fois en septembre 2011.

Il a été pendu par les mains pendant quatre jours. Ils l'ont battu avec des bâtons et des barres de fer, ils ont utilisé des aiguillons électriques sur ses parties génitales. Puis vint la surprise : après un procès mis en scène et une condamnation pour terrorisme, il a été enfermé avec des codétenus qui étaient des combattants d'Al-Qaïda, venus de prisons politiques syriennes.

« C’était la première fois que je voyais en face à face quelqu'un du mouvement Al-Qaïda » dit Hakawati, qui avait joué rôle clé et avait aidé à organiser des manifestations contre le régime à Alep, la plus grande ville de Syrie. "Ils ont menacé de me massacrer parce que je suis athée et que je ne prie pas."

Après des semaines dans la même cellule que les anciens combattants d'Al-Qaïda, qui étaient "pratiquement les responsables de la prison," cinq des amis de Hakawati rejoignent les extrémistes, et prendront plus tard les armes contre Assad.

Le mélange de militants du mouvement civique et de combattants d'Al-Qaïda n’était pas dû au hasard.

Le président syrien avait affirmé que les terroristes armés avaient mené le soulèvement en 2011, ce qui semblait absurde à l'époque. Alors Assad a utilisé son appareil de sécurité pour que la réalité et sa propagande se rejoignent. Se vantant d'être victime de l'extrémisme, il en a été, en fait, le moteur principal en permettant sa montée dans la région, comme le montre l’enquête menée, pendant deux ans par The Daily Beast. La mise en scène dans la prison centrale d'Alep faisait partie d'un effort concerté pour radicaliser et discréditer la révolte nationale.

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Alors que président élu, Donald Trump pousse à une coopération militaire plus étroite avec le régime Assad dans la lutte contre ISIS, l'histoire du rôle d'Assad dans la montée du soi-disant Etat Islamique pourrait revenir le hanter. Les critiques disent que toute collaboration entre les Etats Unis et Assad ou ses protecteurs russes va se retourner contre nous, laissant le dirigeant syrien au pouvoir alors qu’il continue à jouer son double jeu avec les terroristes.

John Kerry, le secrétaire d'Etat sortant, a déclaré en novembre 2015, qu’ISIS « a été créé par Assad » et par l'ancien Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, qui ont tous deux libéré des prisonniers d'Al-Qaïda dans leurs pays respectifs. L'objectif d'Assad étant de dire au monde: « C’est moi ou les terroristes ».

Notre enquête montre le rôle majeur joué par Assad dans la montée de l'extrémisme islamique. Basée sur des entretiens exclusifs avec des transfuges de haut niveau de l'appareil de sécurité du régime, elle jette une lumière nouvelle sur des décisions clés comme l'envoi de volontaires pour lutter contre l'intervention américaine en Irak. Assad a aidé à la création de l'État islamique, en libérant plus de 1.000 militants ex-Al Qaïda des prisons syriennes en 2011, et en luttant rarement contre les militants Etat islamique.

L’enquête révèle également comment:

- Le régime a probablement organisé les attentats contre ses propres installations de sécurité en 2011 et 2012 pour donner l'impression qu’Al-Qaïda avait une présence armée en Syrie avant qu’elle ne devienne effective.

- Les services de renseignement syriens ont reçu l'ordre de ne pas bouger quand des combattants d'Al-Qaïda sont passés d'Irak en Syrie en 2012.

- Les services de renseignement syriens se sont infiltrés dans la direction des groupes djihadistes extrémistes et à des moments critiques ont influé sur leurs opérations.

Etonnamment, plusieurs anciens responsables de haut niveau de la sécurité syrienne qui ont parlé de ce dossier avec notre journaliste ont déclaré que les agences de renseignement des États-Unis ne les ont pas débriefés sur ce sujet. Ces ex-responsables voient cela comme une erreur majeure, non seulement parce qu'ils étaient au courant et complices en interne du rôle d'Assad dans l'organisation d'une insurrection terroriste contre les forces américaines en Irak, mais aussi parce qu'ils étaient bien placés pour donner des conseils sur la mise en place d'un nouvel appareil de sécurité en cas de chute du régime d'Assad

L'administration Obama n’était apparemment pas intéressée. Un ancien haut diplomate américain dit que la CIA avait peu d'intérêt pour les transfuges syriens et ne les débriefait que si le diplomate insistait.

La CIA a refusé de commenter ces affirmations, mais n'a pas contesté la validité de la question. « Nous avons étudié cette affaire, et nous n’avons rien à ajouter", a déclaré un porte-parole.

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Les relations d'Assad avec les djihadistes remontent à l’époque où son régime a joué un rôle clé en aidant à fomenter l'insurrection irakienne après l'invasion américaine en 2003.

Les dossiers personnels de combattants découverts par les forces américaines en 2007 dans la ville de Sinjar, au nord de l'Irak, ont montré que plus de 600 combattants venus d'Arabie Saoudite, de Libye et d'autres pays musulmans étaient entrés en Irak depuis la Syrie entre août 2006 et août 2007. « Il est inconcevable que les services secrets syriens n'aient pas essayé de pénétrer ces réseaux » estime un rapport du West Point Combating Terrorism Center datant de 2008.

Des câbles diplomatiques américains publiés par WikiLeaks confirment que les Etats-Unis savaient que presque tous les volontaires étrangers d'Al-Qaïda étaient entrés en Irak via la Syrie, alors qu’Assad et ses principaux collaborateurs en étaient pleinement conscients. En 2010, ils l’ont reconnu lors d’une rencontre avec des responsables américains, comme l’a montré un câble diffusé par WikiLeaks. "Le principe, était de ne pas les attaquer ou les tuer immédiatement" a déclaré le général Ali Mamluk, maintenant conseiller d’Assad, dans le domaine du renseignement, à propos des militants d'Al Qaïda. "A la place, nous nous infiltrions, et nous n’agissions contre eux qu’au moment opportun." Mamluk a offert  de coopérer pour arrêter des terroristes si les États-Unis assouplissaient les sanctions économiques et  levaient l’interdiction de voyager.

Mais ceci n’est qu’une partie du problème. Les responsables du renseignement syrien qui ont fait défection ont dit que le régime syrien a encouragé les Syriens à se porter volontaires pour le jihad anti-américain, et des milliers l'ont fait.

"La Syrie voulait prolonger la guerre en Irak et les attaques contre les forces américaines, de sorte que les Américains ne puissent pas entrer en Syrie" a déclaré Anas al-Rajab, un ancien islamiste de la province de Hama qui a combattu en Irak, avant d’être emprisonné par les services de renseignement deux fois, brièvement, à son retour de Syrie

Mahmud al-Naser, un agent de renseignement syrien qui a fait défection, interviewé pendant cette enquête, a déclaré que ses services estimaient que 20.000 personnes sont entrées en Irak après que les Etats-Unis aient commencé leur attaque en mars 2003, mais la plupart sont rentrés immédiatement après la chute de Bagdad trois semaines plus tard.

Par contre, environ 5 000 autres sont entrés en Irak pour des raisons idéologiques et ce "sont eux qui ont donné naissance au monstre" qui domine maintenant une grande partie de l'Irak et de la Syrie, selon Naser, l'ancien responsable des affaires politiques du poste de renseignement syrien d’al Ein Ra, au nord de la Syrie.

Naser travaille maintenant avec des avocats émigrés syriens dans une grande ville du sud de la Turquie pour collecter des données sur les accusations de crimes de guerre du régime. Naser a été interviewé pendant sept heures en trois sessions au printemps dernier.

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Comme les autres déserteurs des services de sécurité interrogés pour cette enquête, dont plusieurs avaient le grade d'officier, Naser a indiqué que les services de renseignement américain ne l’avaient jamais interrogé.

« Les services secrets syriens ont ouvert toutes les portes pour que les djihadistes aillent en Irak," at-il dit. Ce point de vue est largement répandu dans la région.

"Le gouvernement syrien a fait une énorme erreur en 2003", a déclaré Massoud Barzani, le président du gouvernement régional du Kurdistan dans une récente interview avec le Daily Beast dans son quartier général militaire à Suheil, dans l'extrême nord de la région du Kurdistan d'Irak, près de la Syrie et de la frontière turque. "Ils ont ouvert la porte aux terroristes dans le but de faire pression sur les troupes américaines en Irak pour éviter qu’elles puissent  envisager une action militaire contre la Syrie."

Le régime a « bien sûr une très grande responsabilité » dans ce qui est arrivé. "C’est ce qui a permis à Al-Qaïda de s’installer en Irak, puis cela a donné naissance à Daesh, et les extrémistes se sont répandus autour de la Syrie. On voit le résultat aujourd'hui. "(Daesh est le terme arabe péjoratif pour ISIS.)

Les volontaires ont rejoint la bataille en connaissance de cause. Beaucoup ont été formés et endoctrinés, sous la supervisation des services de renseignement syriens, avant leur départ. L'une des figures les plus connues de cette opération d'endoctrinement était Mahmud al-Aghasi, connu sous le nom d'Abou al-Qaqa'a, un religieux musulman d’Alep, où la mosquée al Tawabbin était un centre de recrutement pour Salafistes se dirigeant vers l'Irak.

Ce religieux organisait des manifestations au départ de sa mosquée vers le centre-ville et faisait chanter : « Nous allons égorger les Américains » selon Bassam Barabandi, un ancien diplomate syrien qui vit maintenant à Washington.

"Il garantissait que les combattants étrangers n’auraient pas de problèmes s'ils venaient", a déclaré Barabandi. Il était clair qu'il avait une protection de haut niveau. "Il ne pouvait pas agir ainsi dans un état policier comme la Syrie sans l'approbation de personnes haut placées".

Barabandi n’a également pas été interrogé non plus. "Personne ne m'a jamais debriefé" a-t-il déclaré au Daily Beast. « J’ai pris l'initiative et contacté des amis au Département d'Etat, il y a eu un déjeuner ou un dîner. C’est tout. »

En fait, les renseignements syriens avaient recruté des imams comme agents pendant qu’ils étudiaient la charia dans des établissements universitaires.

"Nous avions plusieurs imams qui travaillaient pour le renseignement syrien. Abu al-Qaqa'a était seulement l'un d’entre eux", a déclaré Naser.

Raed Ilawy, une recrue islamiste de Hama, a été parmi les Syriens qui sont passés par cette mosquée. Certains de ses formateurs, a-t-il déclaré dans une interview dans un café d'Istanbul, provenaient des services de renseignement d'Assad, et certains les ont accompagnés à la frontière irakienne dans ce que les recrues appelaient les "caravanes Bashar el Assad."

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Le gouvernement syrien a été tenu informé, dit Awad al-Ali, un ancien général de l'appareil policier d'Assad. Abu al-Qaqa'a, qui a été assassiné en 2007, peut-être par les renseignements irakiens, a également fourni aux services de renseignement d'Assad des listes de noms de ceux qui avaient été formés.

Le renseignement syrien a gardé une liste de ceux qui était partis, pour les surveiller au retour via le département du renseignement religieux, l'un des nombreux organismes d'espionnage d'Assad, dit Naser.

Environ un quart n’est jamais revenu, soit ils avaient rejoint Al-Qaïda en Irak ou ils étaient morts au combat, dit-il. Parmi ceux qui sont revenus, environ 1 500 ont été considérés comme des islamistes et arrêtés étant accusés de terrorisme.

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Sednaya, au nord de Damas, est la prison politique la plus connue de Syrie. Diab Serriya, un activiste qui a été enfermé cinq ans à Sednaya, avant d’être libéré en 2011, a déclaré que le nombre de fondamentalistes islamiques emprisonnés avec lui est passé d'environ 300 quand il est arrivé en 2006 à 900 quand il a été libéré. Presque tous s’étaient battus en Irak contre l'occupation américaine, presque tous étaient salafistes-djihadistes, ou islamistes extrémistes. La plupart ont été condamnés : 5 à 15 ans de prison pour des activités terroristes ou association avec des groupes terroristes. Serriya a été interviewé à la fin de 2014 après avoir prononcé un discours sur ses expériences devant un club culturel syrien à Istanbul.

Sednaya n’était pas un site de déradicalisation et de réhabilitation, mais fonctionnait comme un incubateur pour le djihadisme, selon des anciens prisonniers et des transfuges du renseignement. Certains anciens détenus l’appelaient une prison "cinq étoiles".

Selon d'anciens responsables du renseignement et des prisonniers, les prisonniers étaient triés en fonction de leur idéologie. Deux bâtiments étaient réservés aux islamistes les plus extrêmes, dont beaucoup sont maintenant à des postes de direction d’ISIS. Deux étaient réservés aux islamistes moins extrêmes, dont beaucoup sont maintenant dans la filiale d'Al-Qaïda connue avant sous le Jabhat al Nusra, et trois bâtiments étaient dédiés aux islamistes plus modérés, dont beaucoup font partie d’une autre faction islamiste syrienne connue sous le nom d’Ahrar al Sham. Les trois autres enfin étaient occupés par des islamistes modérés et des militants «démocrates» tels que Serriya.

Les fondamentalistes religieux étaient organisés comme dans un califat, avec des groupes promettant fidélité à l'Emir, tout comme les groupes islamistes extrémistes le font aujourd'hui.

Ils écrivaient des slogans sur les murs, clamant les objectifs qu’ils visaient après leur libération, dit Serriya. « Certains avaient même l'illusion que lors de leur libération, ils iraient directement à Damas pour y établir un califat » dit-il.

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Lorsque le soulèvement syrien a commencé à la mi-mars 2011, Assad a commencé à libérer des extrémistes religieux de Sednaya.

Le régime a dit qu'il répondait aux demandes de libération de prisonniers politiques. Des responsables du renseignement américain, offrent une explication similaire. Mais l'envoi d’extrémistes connus d'Al-Qaïda dans un pays en crise était aussi un stratagème cynique pour utiliser les extrémistes pour poursuivre ses fins politiques, selon Naser.

"La raison pour laquelle le régime les a libérés au début de la révolution syrienne était de militariser le soulèvement" a dit Naser, qui a fait défection à la fin de 2012, "et pour augmenter la criminalité de sorte que la révolution devienne une affaire pénale et donner l’impression que le régime se battait contre des terroristes".

Le renseignement syrien a infiltré en prison avec les extrémistes, ce qui leur permet de suivre de près leur ascension dans le mouvement rebelle, selon Serriya, al-Ali, et d'anciens responsables du renseignement. «Chaque groupe extrémiste est pénétré par le régime" selon Serriya.

Le régime non seulement avait pénétré les réseaux, mais souvent les a dirigés. C’était prévu. Comme le général Ali Mamluk a dit aux fonctionnaires américains en 2010, le régime « s’intègre » parmi les extrémistes islamiques afin de pouvoir s’en prendre à eux plus tard. Mamluk est actuellement conseiller d’Assad.

Nabeel Dendal, ancien directeur du renseignement politique à Latakieh, la ville de la famille Assad, a dit qu'il a conduit deux fois des raids contre des cellules d'Al-Qaïda, pour apprendre que le chef de la cellule sur laquelle il enquêtait travaillait pour le renseignement syrien.

«Ils les préparaient à être des leaders » dit un colonel qui a fait défection, en se référant au régime Assad. Exemple avec Nadim Baloush, un chef de cellule d'Al-Qaïda, arrêté à Latakieh en 2006. Baloush lui a dit "Je travaille pour Assef Shawkat" le beau-frère d’Assad qui a été vice-ministre de la défense. Baloush a été arrêté après avoir fait un voyage en Turquie il y a environ un an et on dit qu’il s’est suicidé en prison.

Dendal a été présenté à ce journaliste par un ancien juge du régime à Alep qui a rallié l'opposition. Interviewé dans un café dans le quartier populaire de Fatih à Istanbul, qui est maintenant rempli de réfugiés syriens, il estime que la moitié des commandants d’ISIS travaillent avec le régime syrien aujourd'hui ; d'autres transfuges du secteur de la sécurité parlent d'environ un tiers. Selon Naser, la plupart des meilleurs commandants de Daesh à Raqqa sont en contact avec les services secrets syriens.

Dans la prison centrale d'Alep, les extrémistes avaient de bonnes relations avec leurs gardes, en contraste avec les prisonniers civils, qui, eux, avaient aucun privilège dit Abdullah Hakawati, un opposant.

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Il y avait six détenus de Sednaya, et d'autres venant de grandes prisons politiques, plus une quinzaine de membres d’Al-Qaïda en cellule dans la prison centrale d'Alep avec 15 militants civiques tels que Hakawati.

Les membres d'Al-Qaïda avaient des privilèges, Hakawati se souvient, y compris des smartphones, un accès Internet, la liberté de laisser pousser leur barbe et de porter une robe de style afghan, ils pouvaient aussi se faire livrer des repas. Ils donnaient des cours de religion quotidiens tout en priant pour la santé des dirigeants d'Al-Qaïda. Hakawati dit que dans la prison, il a entendu "un discours complet par Ben Laden," qui avait été tué par les forces américaines quelques mois plus tôt.

Si un activiste avait des soucis avec les autorités, des membres d'Al-Qaïda intervenaient pour le protéger.

« Ils étaient pratiquement les gestionnaires de la prison » dit Hakawati. "C’était un paradis pour eux." Et après plusieurs semaines à leurs côtés, cinq de ses collègues ont rejoint les extrémistes.

Hakawati raconte aussi que le directeur de la prison, un général, s’est assis avec tous les prisonniers. "Ce jour-là, l'un des prisonniers membre d'Al-Qaïda, Mahmoud Manigani, dit au général,« Quand je serai libéré, le deuxième jour, je vais te tuer.» Le général a répondu: "C’est ta décision."

Mais quand un activiste de l’opposition se plaignait que la nourriture était insuffisante, le gardien menaçait : «Tu veux que je joue avec tes testicules?"

Les relations entre les militants de l’opposition et les extrémistes pouvaient être violentes. Hakawati se souvient qu’après une longue discussion philosophique avec Manigani sur le sens de Dieu, l'islamiste l'a battu. Mais ce n’était pas toujours le cas. Un djihadiste a remercié Hakawati d’avoir aidé à organiser le soulèvement populaire. « C’est graçe à vos manifestations que nous sommes bien installés maintenant ».

Les anciens prisonniers de Sednaya occupent des postés-clé dans les forces islamistes. Par exemple, Abu Lukman, l'un des fondateurs de la branche syrienne d'Al-Qaïda Jabhat al Nusra, est maintenant l'émir, ou l'administrateur de Raqqa. Mahmoud al-Khalif travaille dans le domaine de la sécurité et Haj Fadel al-Agal est responsable des relations sociales. Un autre ancien prisonnier, Abu Abdulrahman al-Hamwi, est l'émir de Nusra dans la province de Hama. Parmi les autres dirigeants il y a Abu Naser Drusha, un cousin de Abu Muhammad al-Jolani, le leader et fondateur de Nusra, Abou Hussien Zeniah, désormais en charge des opérations de Nusra dans la zone de Qalamoun, près de Damas, et Abou Hafs al-Kiswani, un commandant de Nusra à Deraa, au sud de la Syrie.

Un "cheikh" sorti de Sednaya dirige le Front islamique syrien, un groupe de coordination de combattants islamistes qui ne sont pas affiliés à Al-Qaïda, d'autres sont devenus des leaders de groupes moins extrémistes, y compris Zahran Alloush, qui a dirigé la faction islamiste Jaysh al Islam jusqu'à ce qu'il ait été tué dans un frappe aérienne russe à Noël dernier, et Ahmed Issa al-Cheikh, chef d'un autre groupe rebelle, Suqoor al Sham.

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Hassan Abboud, qui a fondé Ahrar al Sham, le plus grand groupe de combattants islamistes en Syrie, a également été emprisonné à Sednaya avant d’être libéré. Abboud a été tué ainsi que la plupart des dirigeants de Ahrar al Sham dans une mystérieuse explosion en septembre.

Tous sont arrivés rapidement à des postes de direction. Le temps passé à la prison de Sednaya était l'équivalent d'un diplôme d'études supérieures avec mention. "Si quelqu'un est un ‘diplômé’ de Sednaya, il est sans conteste un Cheikh. Les gens vont dire qu’il a payé le prix fort en étant enfermé à Sednaya."

Les services de renseignements syriens sont les grands gagnants. Avec leur connaissance intime de tous les ex-détenus, ils ont un dossier sur chacun d'entre eux et ils restent en contacts avec eux

Les militants de l’opposition ont vu ces libérations comme un plan d'Assad pour nuire à la révolution.

"Et cela a bien fonctionné" dit Diab Serriya un opposant : « Le régime a réussi à déformer l'image de la révolution. Maintenant, le conflit est présenté comme opposant un régime laïc à des groupes islamiques extrémistes ».

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