Bientôt une conférence sociale sur les salaires, mais obligation de traiter la révolution du travail qui est en marche<!-- --> | Atlantico.fr
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Manifestation dans le cadre d'une journée de grève nationale appelée par les représentants intersyndicaux français pour réclamer des hausses de salaires et l'égalité entre les hommes et les femmes, à Paris, le 13 octobre 2023.
Manifestation dans le cadre d'une journée de grève nationale appelée par les représentants intersyndicaux français pour réclamer des hausses de salaires et l'égalité entre les hommes et les femmes, à Paris, le 13 octobre 2023.
©Bertrand GUAY / AFP

Atlantico Business

À la veille de la grande conférence sociale qui s’ouvre lundi, la question des salaires va être au cœur des débats alors que ce n’est pas la préoccupation première des jeunes. Les jeunes générations veulent une réforme profonde du travail, les DRH et les dirigeants d’entreprise ne sont pas contre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La grande conférence sociale qui doit à partir de lundi réunir les partenaires sociaux pour discuter des modalités de salaire risque fort de se dérouler à côté des véritables préoccupations des acteurs sociaux-économiques qui ont d’autres envies, d’autres besoins, d’autres ambitions, qu’ils soient salariés ou employeurs.

La question de l’augmentation des salaires est certes importante, notamment depuis deux ans et plus particulièrement de la poussée inflationniste de l’année dernière. Face à l’augmentation des prix de produits de première nécessité, le gouvernement n’a pas eu d'autres solutions que d’essayer de ralentir la poussée des prix, par un meilleur contrôle des marges d’entreprises, par des aides et des subventions distribuées aux consommateurs. Parallèlement, Bercy a fait pression sur un certain nombre d’entreprises pour qu'elles lâchent un peu le cordon des salaires. Aucune de ces mesures n’a donné véritablement d’effets, et le gouvernement préfère s’en remettre aux mécanismes du marché. C’est aux entreprises de prendre la responsabilité des arbitrages et d'octroyer des augmentations de salaires si leur modèle économique le leur permet, ce qui est possible dans certaines branches où la productivité s’est améliorée, mais ce qui est impraticable dans beaucoup d’autres secteurs qui ont des difficultés de trésorerie. Il ne faut donc pas attendre de miracles de cette conférence sociale, d'autant moins que les conditions économiques sont en train de changer.

Le directeur de l'Insee vient de confirmer que, selon les prévisions faites par ses analystes de sa maison, l'inflation a commencé de baisser, et cette baisse va se poursuivre l'année prochaine. Baisse dans la plupart des produits de base (énergie, biens alimentaires, transport, logistique...) et si les indices de prix reculent un peu, alors que les salaires ont augmenté, le pouvoir d’achat va augmenter mécaniquement. C'est une prévision partagée par la plupart des acteurs économiques. La revendication salariale sera donc beaucoup moins pressante. En revanche, les partenaires sociaux s’attendent à des revendications beaucoup plus fortes qui portent sur l’organisation du travail, son contenu, sa finalité, son statut, et surtout les rapports au travail.

Une enquête très récente réalisée auprès de quelques 500 jeunes diplômés d'écoles de commerce et d'ingénieurs confirme qu'un bouleversement important des rapports au travail est en cours. Trois observations :

Un, la génération des moins de 35 ans ne se retrouve absolument pas dans la situation de leurs aînés, qui ont vécu avec comme objectif l'ambition de réussir leur carrière avec notamment une sanction financière optimale. Il n'y a aujourd'hui que 7 % des jeunes diplômés de moins de 35 ans qui se retrouvent dans ce schéma, avec pour obsession de faire carrière. Plus de 50 % de cette génération envisagent leur vie professionnelle hors du salariat classique type CDI ; 20 % rêvent d'être travailleurs indépendants dans une structure qui serait la leur. Et pour clore le tableau des motivations, 92 % des jeunes préfèrent réussir leur vie personnelle en accord avec leur vie personnelle. Pas question de sacrifier leurs passions, leurs envies, à une carrière professionnelle dont l'objectif ne serait que de maximiser les revenus financiers.

Deuxième point : On retrouve là la quête de sens que le Covid avait mise en évidence, on retrouve là l'expression de l'engagement que beaucoup de jeunes font pour travailler à la transition énergétique ou environnementale.

Troisième point : près de 83 % des jeunes diplômés sont attachés à des critères non financiers pour choisir une embauche. On retombe sur le télétravail, les horaires de travail, la durée du travail, avec une préférence forte pour la semaine de 4 jours.

C’est donc bien une révolution qui se prépare dans le monde du travail, mais qui ne surprend ni les DRH ni les dirigeants d’entreprise, et pas même les investisseurs. Depuis dix ans, ils s'attendent et préparent le changement. Interrogés par le même institut de sondage (IFOP) pour Bona Fidé, quelques 500 dirigeants et managers intermédiaires considèrent que tout ce qui peut contribuer à donner du sens sera plutôt favorable à l'entreprise : la référence aux indicateurs de performance extra-financiers, l'extension du télétravail, la semaine de 4 jours, l'intelligence artificielle, le recours aux conseils extérieurs, etc. Les investisseurs eux-mêmes ne sont pas surpris de ces changements qui ont été parfois anticipés par des dirigeants d'entreprises, ne serait-ce que pour attirer, séduire et fidéliser les jeunes de la génération Z.

Cela étant, de tels changements vont devoir être pris en compte dans une organisation du travail qui n'est pas formatée pour gérer le changement.

La poussée de ce type de changement s’accompagne d’une montée de l'individualisme qu'il va falloir gérer dans l'entreprise, ce qui n'est pas facile car les comportements sont parfois contradictoires. La grande majorité des jeunes diplômés n'aiment pas trop les entreprises traditionnelles, on l'a vu, mais quand il s'agit de choisir un emploi, la moitié de la dernière génération, la Z avec des jeunes qui n'ont pas 27 ans, considèrent, en dépit de tout le reste, que la rémunération fera finalement la différence. Participer à la fin du monde c'est intéressant, mais sécuriser la fin du mois est aussi important, même si on en parle moins.

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