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Comment ruiner un pays en 10 étapes
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Bonnes feuilles

Accumuler de la dette, dévoyer le langage, ou encore rendre les gens ignorants sont autant de conditions nécessaires pour ruiner efficacement un pays. H16 partage ses chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition. Extrait de "Égalité, taxes, bisous" (1/2).

Hash H16

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H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Comment ruiner un pays en 10 étapes

[...]Si la crise dans laquelle nous nous enfonçons a du bon, ce n’est certes pas par les catastrophes (sociales, familiales, humaines) qu’elle va entraîner, mais bien parce qu’elle permet de mettre en exergue certains des problèmes que les authentiques libéraux n’ont cessé de dénoncer depuis des années (des décennies, pour une partie d’entre eux).

1. Accumuler de la dette

S’il y a bien une méthode pour ruiner un pays, c’est celle qui consiste à, systématiquement, vider ses caisses. C’est l’essence même de la ruine, quelque part. [...] La dette, au départ, c’était un moyen indolore pour distribuer les sucettes et les systèmes sociaux sans en payer le prix, ni économique (puisqu’on reporte aux générations suivantes le coût de ce qu’on a mis en place), ni politique (puisque chaque politicien qui l’a entérinée savait fort bien qu’il ne serait plus là pour gérer le trou lorsqu’il deviendrait trop gros). Mais pour arriver à accumuler de la dette, un élément est essentiel.


2. Dévoyer le langage, les mots

En détournant le sens des mots, on rendra la dette acceptable, joyeuse, respectable et, par la suite, normale voire souhaitable. On transformera ainsi, de façon répétée, un déficit un peu moindre en "cagnotte". On associera systématiquement la liberté avec l’absolue nécessité de l’encadrer, on étendra la notion d’égalité dans le seul but de favoriser ou de désavantager des groupes spécifiques, des idées pourtant nécessaires, mais qu’on taxera rapidement de nauséabondes, de poussiéreuses ou de rétrogrades. On donnera carte blanche aux politiciens pour forger de nouveaux mots permettant de travestir et tordre la réalité.

Ainsi, il n’arrive plus rien, seulement des impressions et des sentiments qu’il se passe quelque chose. Tout se vaut alors, tout peut s’échanger, tout peut se mêler dans un grand bain bouillonnant de joie naïve ; les petits heurts sur les angles du réels ne sont qu’un souvenir, une sensation vague. Une fois les repères estompés, les mots tordus, mâchouillés, rendus mous et utilisables à toutes les sauces ou totalement bannis car porteur de trop de sens, on pourra continuer à progresser vers une ruine totale en s’attaquant à ce qui fait l’essence même d’un pays, ses individus.

3. Rendre les gens ignorants

On comprend qu’il est indispensable, pour ruiner un pays en profondeur, d’inculquer à tous des notions bancales en économie. C’est d’autant plus facile que les mots ont été préalablement passés en machine, programme 90°, lavés plus blanc que blanc. Et en trois générations, les politiciens eux-mêmes finissent par croire dur comme fer aux énormes bêtises qu’ils profèrent, pour les avoir entendues de la bouche de ces "experts" qui proviennent de la même génération qu’eux ou de la précédente, et qui ont de toute façon déjà été confronté à la fuite des repères et du bon sens.

Moyennant quoi, mis à part une poignée de personnes qui passent au mieux pour des originaux, au pire pour de dangereux violeurs de chatons et autres dévoreurs d’enfants, tout le monde trouvera ensuite parfaitement normal de débattre sur des thèmes dont tout montre qu’ils sont anecdotiques, imposés par un agenda politicien ridicule et l’absence compacte de tout bon sens. Le débat lancé sera d’autant plus excité et emporté qu’on aura appliqué l’étape suivante.

[...]

7. Élire des vieux croûtons

Afin de scléroser le pays, on s’assurera d’une dynastie de politiciens qui, eux, n’hésitent pas à capitaliser sur l’héritage des générations précédentes, et à s’accrocher à tous les postes de pouvoir. C’est vrai dans pas mal de pays occidentaux où le politicien moyen est rarement (très rarement) jeune, et c’est particulièrement vrai dans les pays où le travail de sape aura été le plus vigoureux. Ainsi, en France, l’âge moyen est de 65 ans au Sénat. On ne s’étonnera pas que la retraite à 62 ans ne les concerne pas. Quant à l’Assemblée Nationale, avec ses 59 ans de moyenne, elle n’en est plus très loin.

[...]

9. Subventionner ce qui ne fonctionne pas

Parce que ça ne fonctionne pas, on subventionnera, on utilisera l’argent des autres pour continuer le rêve. Et on fera bien comprendre que si on ne le fait pas, c’est la fin pour ceux qui en vivent. On choisira donc ouvertement de créer des trous.

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Extrait de Égalité, taxes, bisous, aux éditions Les Belles Lettres, pp.257-263

Précédemment paru sur le blog de H16 : H16free.com

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