Comment la culture du ressentiment mine notre société : la vérité sur les révoltes des banlieues<!-- --> | Atlantico.fr
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Un grand nombre de magasins ont été dévastés, et même des casernes de pompiers ont été la cible des manifestants.
Un grand nombre de magasins ont été dévastés, et même des casernes de pompiers ont été la cible des manifestants.
©PATRICK HERTZOG / AFP

Sentiment d'humiliation

Ces personnes se plaignent en effet de souffrir d’ « injustice » : elles sont frustrées et se sentent « humiliées », ce qui les conduit à une attitude d’hostilité à l’égard de notre société et de ses représentants : police, pompiers, médecins, etc…

Claude Sicard

Claude Sicard

Claude Sicard est consultant international et auteur de deux livres sur l'islam, "L'islam au risque de la démocratie" et "Le face à face islam chrétienté-Quel destin pour l'Europe ?".

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La France vient de connaitre de nouvelles nuits d’émeute, suite à une bavure policière : un jeune homme franco-algérien de 17 ans, Nahel Mazouk,a été tué par des policiers, à Nanterre, suite à un refus d’obtempérer. Il conduisait sans permis une Mercedes : il a tenté de prendre la fuite, disent les policiers, et l’un d’eux a tiré tuant le jeune adolescent. Aussitôt se déclenchèrent dans toutes les villes de France des émeutes nocturnes. Les jeunes des banlieues s’en sont pris aux forces de l’ordre, les attaquant à coups de cocktails-Molotov : ils ont brûlé des voitures, incendié des mairies, pillé des magasins, et mis le feu à des écoles. Ils s’en sont même pris à des commissariats et à des casernes de gendarmerie. Un grand nombre de magasins ont été dévastés, et même des casernes de pompiers ont été la cible des manifestants. Le dernier bilan fait état de 45 policiers ou gendarmes blessés, 577 véhicules incendiés ainsi que 74 bâtiments, et à l’Hays-les -Roses le domicile du maire a été attaqué à la voiture bélier. C’est dire l’ampleur et la violence de ce mouvement de révolte : il a fallu mobiliser 45.000 policiers et gendarmes pour faire face à la situation, ce qui est considérable.

Déjà, dans le passé, on avait assisté à de semblables déchainements de violence dans les banlieues : on se rappelle tout particulièrement des émeutes de 2005, suite à la mort de deux adolescents, Zyed et Bouna qui, poursuivis par la police, étaient allés malencontreusement  se réfugier dans un transformateur où ils furent électrocutés. Et il y eut, aussi, en 2007, les émeutes de Villiers-Le-Bel : 15 jours, là aussi, d’échauffourées à la suite de la mort de deux jeunes montés sur un moto-cross percuté par la police. Dans les banlieues, les policiers sont souvent attaqués et malmenés, et cette difficulté d’y maintenir l’ordre de la république est constante : on se souvient que, en 2013, le mouvement « Black Lives Matter » déclenché aux Etats-Unis par la mort de George Floyd, un afro-américain s qui avait été asphyxié à terre par un policier blanc à Minneapolis, avait eu chez nous un  écho  considérable. L’étranger nous regarde avec étonnement et ne comprend pas ce qui se passe, et l’Algérie, nous dit  Le Courrier International du 30 juin 2023, a immédiatement réagi, parlant d’un « choc » et de « consternation », et elle a rappelé à notre pays son  devoir de protéger ses ressortissants.

Que se passe-il donc ? Chacun a son explication. La presse a parlé d’émeutes ethniques, le Président de la République, quelques jours auparavant,  avait employé le terme de « décivilisation » pour caractériser le phénomène d’ensauvagement qui frappe notre société, et le philosophe Luc Ferry, le 2 juillet, dans son face à face hebdomadaire avec Cohen Bendit a incriminé l’école, l’accusant de ne plus transmettre les valeurs traditionnelles. De son côté,  sur C. News, le 28 novembre dernier, le professeur de criminologie   Alain  Bauer avait  expliqué à propos des violences qui avaient éclatées en Belgique suite à la victoire du Maroc lors de la coupe du monde du Quatar :  « on festoie par la violence parce que c’est un mode d’expression qui est devenu maintenant naturel ». Un seul personnage politique a eu le courage d’aller à l’essentiel : ce fut Manuel Vals qui, sur LRI, le samedi 1er juillet 2023, a déclaré  : « C’est la haine de la France ». Manuel Vals, d’origine espagnole, est un homme courageux et combatif : il a été ministre de l’Intérieur, puis premier ministre, et il sait de quoi il parle. Son diagnostic est le bon, et nous allons voir pourquoi.

Le phénomène de « ressentiment » :

Les jeunes des banlieues sont, dans leur immense majorité, des descendants d’immigrés issus soit d’un des trois pays du Maghreb, soit  d’un pays africain sub-saharien, et ils nourrissent à l’égard de la France des ressentiments très vifs. Notre pays, en effet, depuis la fin de la période coloniale, accueille chaque année un nombre important de migrants en provenance de ces pays. Ces jeunes des banlieues sont des immigrants de seconde ou troisième génération, leurs parents ou arrière- grands parents ayant dû quitter leur pays du fait des très difficiles conditions d’existence qu’ils y rencontraient. L’Etat français les  a accueillis sans avoir  conscience qu’il s’agissait de personnes habitées par de très vifs ressentiments à  notre égard, en sorte que le phénomène habituel d’assimilation ne s’est pas produit. 

Il faut voir, tout d’abord, ce que les psychologues nous disent du « ressentiment ». On trouve, sur Wikipédia, la définition suivante : « C’est une rancune mêlée d’hostilité : un sentiment de faiblesse, ou d’infériorité. Il génère un sentiment d’injustice ou d’humiliation : un ressassement aliénant ». Cette définition est excellente : on y trouve toutes les caractéristiques psychologiques que les sociologues qui étudient les phénomènes de révolte dans les banlieues mentionnent quand ils nous parlent de ces jeunes migrants de deuxième ou troisième génération. Ces personnes se plaignent en effet de souffrir d’ « injustice » : elles sont  frustrées et se sentent « humiliées », ce qui les conduit à une attitude d’hostilité à l’égard de notre société et de ses représentants : police, pompiers, médecins, etc…

Les causes du ressentiment sont évidentes : il y eut la traite des noirs dans les siècles passés, et l’on sait que la France a joué un rôle important dans ce que l’on appelé le « Commerce triangulaire » : cela fit la fortune  des grands armateurs dans les ports de Bordeaux, de Nantes, et de la Rochelle où l’on compta jusqu’à 2.800 bateaux négriers. Puis il y eut, ensuite, l’épisode de la colonisation , et, là aussi, notre pays a joué à nouveau un rôle très important. : on a placé par la force  sous notre domination les trois pays du Maghreb ainsi qu’ un bon nombre de pays africains. Ces  immigrés maintenant présents chez nous s’en souviennent. Et, pour ne rien arranger, il se rajoute pour ceux qui sont musulmans, et comme on le sait c’est la très grande majorité d’entre eux, le conflit existant depuis des siècles entre notre civilisation et la leur : la civilisation islamique et notre civilisation, la civilisation occidentale à base de christianisme, n’ont pas cessé en effet de se combattre. Ces deux civilisations s’affrontent  depuis l’apparition de l’islam eu VIIè  siècle de notre ère, non seulement pour des problèmes de doctrine, mais aussi pour des possessions de territoires. Le  drame pour tous ces migrants qui sont de confession  musulmane c’est que notre civilisation a pris depuis la fin du Moyen-âge, c’est à dire depuis des siècles, le dessus sur la leur : ils en éprouvent un sentiment d’amertume et de vexation,  et ils ont en eux, tout naturellement, un désir de revanche, comme Sayed Qutb, le grand théoricien de la confrérie des Frères Musulmans, n’a pas cessé de leur rappelé dans ses écrits venimeux.

Tous ces migrants, ou fils et filles de migrants, revendiquent donc leur identité. Ils sont soucieux de faire valoir leur droit à la différence, et le problème de l’identité, nous disent les sociologues,  est fondamental pour les individus. Ces personnes ont été humiliées par la domination que nous avons exercée dans le passé sur leurs  aïeux et elles mettent un point d’honneur à les venger des  affronts qu’ils ont subis. Le sentiment d’humiliation ne s’estompe pas. Les sociologues nous disent qu’il s’agit d’une souffrance psychique très forte : elle  induit du ressentiment, et celui-ci renforce l’identité des individus. La philosophe Simone  Weil  nous dit dans son ouvrage « L’enracinement » (Ed.Gallimard,1949) : « Nous ne possédons d’autre sève que les trésors hérités du passé, assimilés, recréés par nous ; de tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé ». L’identité résulte de la mémoire  que les individus se forgent de la lignée dans laquelle ils s’inscrivent : aussi les blessures passées constituent-elles un marqueur puissant. Il faut donc prendre conscience que l’identité de tous ces immigrants est marquée par l’idée qu’ils se font  des blessures reçues par leurs ascendants , et c’est leur honneur de vouloir les venger.

 La France accueille donc, depuis une cinquantaine d’années, sans être capable de les assimiler, tous ces nouveaux arrivants,  et elle constate avec amertume que le « vivre ensemble » est difficile. Il ne peut en être autrement, et la notion de «bien commun » s’est complétement estompée dans notre société.

Autre motif, aggravant : l’islam. Il s’agit d’une religion où les croyants se voient enjoints par le Prophète Mahomet de combattre les « incroyants » pour faire advenir le règne de Dieu  sur la terre. L’islam est, par définition, une idéologie conquérante, on ne peut l’oublier. Certes, le Coran prévoit que les juifs et les chrétiens (les gens du Livre) seront admis dans la société, mais avec un statut particulier qui fait d’eux des citoyens de second rang (le statut de dhimmi), et pour autant qu’ils restent discrets. Mais beaucoup de musulmans paraissent l’ignorer, et ils considèrent donc qu’ils sont, eux aussi, à combattre,  et tout spécialement les juifs.

Comment guérir du ressentiment ?

La psychanalyste Cynthia Fleury, dans son ouvrage « Ci-git l’amer, guérir du ressentiment » ((Ed.Gallimard,2020) explique que pour guérir du ressentiment, « il faut apprendre à l’individu à produire de la reconnaissance pour autrui, même si il n’en a pas vu la trace dans sa propre vie ». Cette spécialiste du ressentiment nous donne la solution : il faut apprendre à ces migrants à être reconnaissants envers notre pays d’avoir accueilli leurs aïeux, permettant à ceux-ci de trouver chez nous de bien meilleures conditions d’existence que dans leur pays d’origine. Et il faut leur apprendre à être fiers d’être Français, c’est-à-dire d’appartenir à une communauté qu’il faut leur présenter comme prestigieuse : la voix de la France compte dans le monde, d’autant que c’est un des cinq pays qui disposent d’un siège permanent au Conseil de Sécurité, le principal organe de direction des Nations-Unies.

Les pouvoirs publics, curieusement, font tout le contraire  de ce que nous indique Cynthia Fleury : ils confortent tous ces migrants dans leurs ressentiments, et pensent apaiser leurs rancœurs en leur présentant des excuses. On a vu, ainsi, notre Président de la République, lors d’un voyage en Afrique, déclarer, à Abidjan, en décembre 2019 : « Le colonialisme a été une erreur profonde, une faute de la République », et on se souvient que lors du déplacement qu’il avait fait en Algérie, en 2017, alors qu’il était  candidat à l’élection présidentielle, il avait  déclaré dans une interview donnée à la chaine Echorouk News : « La colonisation est un  crime contre l’humanité» ; et il avait rajouté : « C’est une vraie barbarie ». Autre exemple  d’auto-flagellation : Christine Taubira, députée de la Guyane, qui a fait passer une loi le 21 mai 2001 déclarant que la République reconnait la traite et l’esclavage comme « un crime contre l’humanité ». Et elle a exigé que l’on donne une place « conséquente » (a-t-elle dit) à l’esclavage, dans les  programmes scolaires. Et pour mieux marquer notre commisération à l’égard des migrants africains, nous avons procédé à l’édification d’un imposant mémorial dans la baie de Pointe à Pitre, en Guadeloupe, « en mémoire  de la traite et de l’esclavage », un  projet initié par Jacques Chirac lors de sa présidence : il s’agit du centre le plus important dans le monde dédié au souvenir de la traite négrière  et de l’esclavage. Et l’on vient de rouvrir le musée de l’histoire de l’immigration, avec un discours complètement repensé sur l’immigration, où l’on montre comment la France a été façonnée par les immigrés.

Ces  manières de procéder ne font, à l’évidence, que renforcer les nouveaux arrivants dans leurs thèses : elles entérinent leurs revendications et leur droit à conserver leur identité. La bien-pensance actuelle veut d’ailleurs que l’on voit le multiculturalisme comme un élément d’enrichissement  de la société. On n’en est donc plus à une politique d’assimilation : on se contente d’une simple intégration.

La prescription de Cynthia Fleury, psychanalyste de formation et philosophe, est essentielle. Elle devrait constituer le fil directeur de la politique des pouvoirs publics : il faut apprendre à tous ces immigrants à nous être reconnaissants de ce que nous leur apportons, et en tout premier de leur fournir des moyens d’existence infiniment meilleurs que ceux dont ils disposeraient dans leur pays d’origine.

Plutôt que de glorifier notre passé, on s’auto-flagelle. Ce renoncement à vanter les mérites de notre pays pourrait bien être, parmi bien d’autres, un signe de décadence. Il faut avoir en mémoire cette conclusion très claire, et sans appel, à laquelle était parvenu Arnold Toynbee, dans « A study of History »,( Oxford University Press, 1947), son monumental ouvrage en douze volumes sur les civilisations : « Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident ».

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